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Nos Lecteurs ont la Parole

Elle va mourir la mamma

Ralda KARAM
Le gouvernement est mort, même si, confondant l’être et le faire, il fait semblant de survivre, comme ces vieux qui pensent pouvoir exister un peu plus longtemps à condition d’agir de moins en moins.
On assiste à une perversion démocratique de toutes les lois. L’extension de l’individualisme politique qui se traduit par une sorte d’inversion ou de perversion complète des valeurs de la liberté et de la contrainte.
Comment s’est fait le passage d’un gouvernement qui gouverne à celui qui câline ? Le pouvoir est bien séparé de l’autorité. Il a en quelque sorte changé de sexe. Il a perdu son aspect paternel et masculin. Dirigeants ne pouvant plus diriger, citoyens infantilisés, attendant tout du gouvernement et jusqu’au patronat qui efface de son sigle la référence du mot « Père ». Pour autant, le pouvoir ne s’est pas féminisé, il s’est maternisé. La féminisation du métier politique, qui est d’ailleurs souhaitable, reste faible, sinon inexistante.
La paralysie est le mal de nos hommes politiques. À force de faire semblant, semblant de travailler, semblant d’exister, les hommes politiques ont oublié que ce que ce peuple attend d’eux, c’est qu’ils soient impartiaux, justes et forts.
Aujourd’hui, tout le peuple ou presque se tourne vers ce gouvernement comme vers une instance qui devrait tout leur dispenser. Et même les dispenser du « trouble de penser et de la peine de vivre ». Peu à peu, sous l’affiche d’une politique de soi-disant protection s’est mise en place une fragilisation de chacun. Il s’ensuit un état dépressif, collectif et même un état de régression. Le pouvoir – ou ce qu’il en reste – et la société – ou ce qu’il en reste – forment un drôle de couple, une sorte de symbiose pathologique unissant une mère étatique toute-puissante en apparence, et en fait radicalement insuffisante, et un peuple de citoyens infantilisés, qui à la fois veulent dépendre de cette « Big mother » et s’en veulent de dépendre d’elle. À la relation d’un État exerçant son autorité sur des citoyens qui doivent le respecter s’est substituée l’emprise d’un État thérapeute flattant des individus qui le méprisent.
Il faut certes que le gouvernement assure une protection sociale, mais cela ne suffit pas pour rassurer la société. Elle sait qu’il y a, en face, des murs sur lesquels elle va droit : le mur de la non-réforme, le mur de l’endettement, le mur de la Sécurité sociale, le mur de la cherté de vie, et enfin le mur de la mondialisation. Et que fait « Big mother », l’État du semblant ?
Il déplie un airbag pour amortir le choc, un gros sein censé rassurer les enfants en leur racontant des histoires pour les endormir. Mieux vaut éviter les murs en conduisant un véhicule, en donnant les directions, en dirigeant. Bref, que le pouvoir soit un peu plus père et un peu moins mère.
Car les cliniciens de la relation mère-enfant savent qu’une trop bonne mère déséquilibre l’autonomie de son enfant, et qu’un déprimé l’est plus encore si on lui témoigne trop de sollicitude. Impotente à force de prétendre pouvoir tout, incapable de tenir ce qu’elle promet, obèse, frustrant les besoins qu’elle suscite, la mère étatique se meurt en proférant de confuses paroles compassionnelles. Car si la bêtise supplante l’autorité, « elle va mourir la mamma... »
En conclusion, il serait temps que les politiques se demandent pourquoi ils sont au pouvoir, et non pour combien de temps, et qu’ils se souviennent que le verbe gouverner, s’il a donné gouvernante, a pour racine le mot grec désignant le gouvernail.

Ralda KARAM
Le gouvernement est mort, même si, confondant l’être et le faire, il fait semblant de survivre, comme ces vieux qui pensent pouvoir exister un peu plus longtemps à condition d’agir de moins en moins.On assiste à une perversion démocratique de toutes les lois. L’extension de l’individualisme politique qui se traduit par une sorte d’inversion ou de perversion complète des valeurs de...
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