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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Tueurs sans frontières

Une fois de plus, et pour ne rien changer, le pouvoir syrien manque à ses engagements prétendument solennels : en l’occurrence, la promesse faite à Kofi Annan de retirer dès hier l’armée des villes, en prélude à un cessez-le-feu entrant en vigueur demain matin. Car non seulement les renforts militaires affluent vers les cités assiégées et férocement bombardées, mais tel un taureau furieux échappé de son enclos, c’est hors de son propre territoire, et en plus d’une direction, que le régime a entrepris de porter ses coups.

 

Lundi était directement visé, pour la première fois, un de ces camps de réfugiés syriens aménagés du côté turc de la frontière : cela à la veille même d’une tournée dans ce même secteur de l’émissaire spécial de l’ONU et de la Ligue arabe. Quelques heures plus tard, c’est sur la voiture d’une équipe de la chaîne de télévision locale New TV circulant en territoire libanais que se sont acharnés, deux heures durant, les tirs, se soldant par la mort du jeune et infortuné cameraman Ali Chaabane.


Ce n’est pas la première fois, depuis le début de la révolte en Syrie, que les troupes de Bachar el-Assad tuent des journalistes étrangers, comme ils l’ont fait récemment, à coups de canon, dans la ville de Homs. Ce n’est pas la première fois non plus qu’elles se rendent coupables de meurtrières exactions sur le sol libanais. Et pourtant, c’est une véritable, bien que douloureuse, première qu’aura été le sacrifice du journaliste de la New TV, en ce sens qu’il aura amené notre semblant d’État à essayer – j’écris bien essayer – de se conduire en État, de réagir à ce drame comme l’eut fait, en pareilles circonstances, tout État.


Par son extrême gravité, cette affaire valait bien la remise d’une note de protestation officielle à l’ambassadeur de Syrie. Sans aller aussi loin, le Liban officiel a tout de même condamné la meurtrière attaque et demandé à Damas l’ouverture immédiate d’une enquête. C’était bien le moins qu’il pouvait faire, bien sûr, encore que tout peut arriver hélas dans un pays aussi divisé sur la Syrie que le nôtre. À titre d’exemple, certains partis se sont contentés de déplorer l’incident, sans plus. Et une chaîne de télé a cru bon de faire reproche aux journalistes agressés de leur voiture banalisée, et donc peu aisément identifiable ; c’est à croire que seul un véhicule de couleur vive – un bel orange fluo, tiens ! – eut trouvé grâce auprès de ces distingués confrères si acharnés à disculper l’agresseur ...


Toujours est-il que le drame de lundi soir est la conséquence logique, inévitable, d’une longue période d’inertie officielle face aux abus du voisin de l’Est. Sous prétexte d’une fausse neutralité, le gouvernement a fait le mort (et ce n’est pas là un simple jeu de mots ) à chaque fois que des opposants syriens ayant trouvé asile au Liban ont été kidnappés au grand jour, rapatriés et voués à la torture, avec parfois la complicité active de certains services sécuritaires. Il a fermé les yeux sur les nombreuses incursions militaires syriennes. Son devoir de sauvegarde et de protection de la frontière s’est réduit à la lutte contre le trafic d’armes vers la Syrie. Il a feint d’ignorer que la sécurité ne saurait être assurée à sens unique. Et il a sciemment relégué aux oubliettes la légitime exigence, entérinée par l’ONU, d’une délimitation de la frontière.


Tout autant que le meurtre de Ali Chaabane, ces criminelles failles méritent d’être condamnées.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Une fois de plus, et pour ne rien changer, le pouvoir syrien manque à ses engagements prétendument solennels : en l’occurrence, la promesse faite à Kofi Annan de retirer dès hier l’armée des villes, en prélude à un cessez-le-feu entrant en vigueur demain matin. Car non seulement les renforts militaires affluent vers les cités assiégées et férocement bombardées, mais tel un...

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