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Nos Lecteurs ont la Parole

Un jeu dangereux

Il y a quelque temps, nos chaînes de télévision avaient lancé une campagne destinée à sauver le musée national, menacé d’être victime d’une inondation. Cette initiative est fort louable, d’autant plus qu’il s’agit de venir en aide à un bâtiment dans lequel sont rassemblées toutes les pièces qui représentent le plus grand intérêt historique de notre pays. Cependant, et dans ce même cadre, je suggère qu’une campagne similaire soit lancée en faveur du Liban qui court le risque de couler avec toute sa « cargaison » sous les coups de boutoirs des 8 et 14.


Entre ces deux « calamités », les tiraillements ont atteint le point de non-retour, car l’enjeu est de taille et la lutte féroce. Les uns ne peuvent tolérer la perte de ce qu’ils considèrent comme un bien qu’il faut absolument récupérer, en partant du fameux principe « la fin justifie les moyens » ; les autres s’emploient à défendre ce « butin », arraché à leurs adversaires par le biais de ce que ces derniers ne cessent de qualifier de « coup d’État ».


Dans les pays civilisés, les rivalités politiques s’arrêtent à la limite de l’indécence pour s’insérer dans un contexte démocratique, avec pour toile de fond l’intérêt supérieur de la nation. Dans ce pays génétiquement défectueux, il existe un lien très étroit entre le pouvoir et l’intérêt personnel, surtout « the money ». Donc nos politiciens, motivés par l’appât du gain et les avantages du pouvoir, n’hésitent pas à arracher au citoyen ce qu’il a de mieux (sa tranquillité),en échange de ce qu’ils ont de pire, tels que dettes, chômage, immigration, fanatisme, taxes, haine, rancune, jalousie, mensonges, incompétence, fourberies, pour ne pas dire plus. Dans ce contexte, la jalousie constitue le principal vecteur de tous ces syndromes, étant par définition un sentiment mauvais qu’on éprouve en voyant un autre jouir d’un avantage qu’on ne possède pas ou qu’on ne possède plus. Donc les uns, prétendument lésés dans leurs droits qu’ils considèrent avoir hérités de leurs arrières-grands-pères et poussés par la jalousie, trouvent dans certains médias la force de frappe la plus efficace pour saper la crédibilité de l’autre à travers des campagnes de dénigrement et des procès d’intention souvent infondés et imprégnés de fanatisme religieux. Les autres, ne voulant pas être en reste, n’hésitent pas à riposter. À ce niveau, les deux se valent. N’ayant pas réussi jusque-là à extirper les racines de ce fléau pathologique appelé « confessionnalisme », qui gangrène notre société, nos politiciens atteints de ce mal deviennent incapables de discerner clairement les objectifs de leur véritable mission pour laquelle un jugement clair, calme et lucide est indispensable. Nous avons dans la classe politique actuelle (n’en déplaise à beaucoup) certains éléments de mauvaise qualité. Leur passé en témoigne et nous les connaissons assez pour être en mesure d’émettre une opinion aussi négative sur eux. Sortis de l’anonymat par je ne sais quel mauvais vent, ils ont réussi à se tailler une place de choix au sein d’une caste politique qui a érigé le clientélisme, la corruption, le fanatisme et la dilapidation des deniers publics en système de gouvernance. Leur mission consiste à s’opposer à tout projet de réforme pouvant modifier ou apporter un changement quelconque à la vie du citoyen. Ces « fromagistes » sont les plus virulents dans leurs discours emphatiques, creux et haineux, à un moment où le pays court le risque de se voir emporter par la vague de violence qui souffle sur la région, baptisée de surcroît « printemps arabe » ou « révolution » alors qu’elle n’a de ce « printemps » que des cadavres déchiquetés et des destructions de villes entières, faisant ainsi le bonheur et le « printemps » des chercheurs de trésors, déjà sur le terrain, calculatrice en main.


À mon modeste avis, lorsqu’on parle de révolution cela comporte un ensemble d’événements menés par des groupes endoctrinés, aux idées bien claires qui doivent conduire à des renversements et des transformations radicales dans les sociétés humaines et dans l’histoire, à l’instar de la révolution industrielle du XIXe siècle, la Révolution culturelle chinoise de 1965 à 1968, la Révolution française de 1789, la Révolution russe de 1917, etc. Il suffit de regarder objectivement ce qui se passe autour de nous pour nous rendre compte que ces événements ne représentent que des soulèvements populaires ou des « intifadas » à plusieurs têtes, manipulées et financées par des puissances qui ont tout intérêt à changer la face de cette région pour des objectifs bien déterminés : le pétrole et l’omniprésence d’Israël. Nous ne pouvons qu’être pour le renversement de tous ces régimes autocratiques, corrompus et véreux, usés par les années de pouvoir, et pour l’avènement de nouvelles classes gouvernantes capables de libérer leurs concitoyens des muselières en les orientant sur la voie de la démocratisation. Pour ce faire, ce n’est pas au Liban que cette mission incombe, car charité bien ordonnée commence par soi-même. Nos politiciens feraient mieux de se pencher sur les problèmes du citoyen (assez graves déjà) plutôt que de fourrer leur nez là où ça sent mauvais. Le citoyen est fatigué de son statut d’otage, de leurs querelles stériles (toujours pour les autres). Le Libanais veut disposer d’un réseau routier praticable en voiture et non à dos d’âne ; de réformes aidant à sortir du sous-développement à court ou à long terme. Le Libanais ne veut plus des hurluberlus ou des dons Quichottes cherchant à faire basculer des régimes ou à démolir le mur de Chine. Le citoyen veut connaître l’identité du voleur lorsque vol il y a, du criminel lorsque crime il y a, celle du faussaire lorsque falsification il y a et le coupable lorsqu’il y a une malversation des fonds publics. Nous voulons voir ce pays géré, dans le cadre de la Constitution et des lois, par un gouvernement cohérent et productif, capable de juguler les frustrations sociales dont pâtissent les citoyens, ainsi qu’une politique étrangère à la mesure du pays, le Liban n’ayant ni la capacité, ni les moyens, ni le pouvoir de tenir un rôle lui permettant de modifier ou d’influencer le cours des événements. Nos problèmes pèsent déjà assez lourds et il convient de nous focaliser sur ce qui risque de nous entraîner dans des aventures aux conséquences incalculables. Dans le jeu des grands, les petits ne sont que des pions.

Mario B. HÉLOU
Ancien attaché d’ambassade

Il y a quelque temps, nos chaînes de télévision avaient lancé une campagne destinée à sauver le musée national, menacé d’être victime d’une inondation. Cette initiative est fort louable, d’autant plus qu’il s’agit de venir en aide à un bâtiment dans lequel sont rassemblées toutes les pièces qui représentent le plus grand intérêt historique de notre pays....

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