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Violence, souffrances et militantisme : des femmes témoignent

Farida Allaghi : Les Libyens ne permettront pas un retour de la dictature

Farida Allaghi : « Il est encore trop tôt pour juger l’impact des révolutions dans les pays arabes. »

Pendant près de quarante ans, elle a lutté contre la dictature dans son pays natal, la Libye. Aujourd’hui, et après plus de quatre décennies d’exil forcé – Farida Allaghi et son mari avaient été victimes d’une tentative d’assassinat alors qu’ils vivaient encore aux États-Unis –, cette activiste libyenne, qui a longtemps lutté contre l’injustice et la tyrannie et œuvré pour une meilleure représentation de la femme arabe en politique, se prépare à rentrer dans son pays où un long travail l’attend.
« Avant le printemps arabe, les mouvements féministes existaient déjà, affirme Farida Allaghi. La lutte pour les droits de la femme au niveau politique, intellectuel, culturel... remonte à plusieurs décennies, mais avant le printemps arabe, nous avions atteint une étape de désespoir et de fatigue. Personnellement, j’étais déterminée à travailler à un niveau plus restreint, en essayant de changer les choses dans mon cercle. Puis nous avons eu la belle surprise de voir survenir le printemps arabe. Une belle révolution avec dans les premiers rangs les femmes des différentes tranches d’âges, toutes classes sociales confondues. Cela a permis de renverser les donnes. C’est au cours de cette révolution que l’égalité entre les hommes et les femmes a été consacrée et que la fausse image de la femme ancrée dans l’inconscient arabe a été brisée. Pour la première fois, nous avons assisté à un renversement radical et qualitatif dans les mouvements féministes. Les femmes arabes doivent savoir investir cette phase historique en faisant leur entrée dans la vie politique, aux côtés de l’homme. »
Farida Allaghi estime que « la femme arabe est entrée dans une nouvelle phase qui impose à la vieille génération de se remettre en question ». « Le printemps arabe a ouvert de nombreuses portes, et de nouveaux outils sont nécessaires pour entrer sur ces nouvelles scènes politiques, sociales, économiques, etc », poursuit-elle.
Affirmant qu’« il est encore trop tôt pour juger de l’impact des révolutions dans les pays arabes », Farida Allaghi explique « que plusieurs années sont nécessaires pour que la démocratie s’installe ». Mais une chose est certaine, c’est que « les Libyens ne permettront pas qu’une nouvelle dictature s’installe au nom de la religion, de l’argent ou de l’arabité », note-t-elle.
« Des changements sont en train de se faire dans le monde entier sur plusieurs niveaux, insiste-t-elle. Nos gouverneurs apprendront-ils la leçon ? Nos intellectuels auront-ils l’humilité de penser d’une manière nouvelle ? Les mouvements féministes seront-ils assez sages pour compter sur la connaissance et la science ? » Seul le temps le montrera.
« Un long chemin reste à parcourir », insiste encore Farida Allaghi. La femme a de nombreux défis à relever. Premièrement, elle doit surmonter sa peur et se décider à faire son entrée sur la scène politique. Deuxièmement, elle « doit faire face aux forces conservatrices qui commencent à s’allier pour des fins économiques et politiques ». Mais le plus important reste « la nécessité de lutter contre la pauvreté et l’analphabétisme ».
Farida Allaghi se prépare à rentrer dans son pays avec un agenda bien rempli. « Je ne serai pas au devant de la scène, affirme-t-elle. Mais je collaborerai avec mes amis dans le gouvernement, dont je suis sûre de l’honnêteté, et avec la société civile. L’une de mes priorités, c’est de rester fidèle aux mères, épouses et enfants des martyrs. Dans le cadre de la campagne présidentielle, je travaillerai beaucoup avec les femmes pauvres dans les régions lointaines. »
Et Farida Allaghi de conclure : « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Désormais, l’homme arabe est reconnu comme un être civilisé qui aspire à la liberté, la justice et la démocratie. L’Occident est un menteur, il nous a vendu des slogans fallacieux et soutenu les dictatures dans les pays arabes. Il ne peut plus nous éblouir. Mais pour réussir, il faut apprendre à travailler ensemble, mais surtout à communiquer avec les bases populaires. C’est ce qui s’est passé dans certains pays asiatiques, comme l’Inde et les Philippines où les femmes sont arrivées à la tête de l’État. »

 N. M.
Pendant près de quarante ans, elle a lutté contre la dictature dans son pays natal, la Libye. Aujourd’hui, et après plus de quatre décennies d’exil forcé – Farida Allaghi et son mari avaient été victimes d’une tentative d’assassinat alors qu’ils vivaient encore aux États-Unis –, cette activiste libyenne, qui a longtemps lutté contre l’injustice et la tyrannie...