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Liban - Sécurité

L’affaire de Ersal continue d’alimenter la polémique dans les milieux politiques

Jour après jour, les propos du ministre de la Défense sur l’infiltration présumée en Syrie de membres d’el-Qaëda via le village de Ersal prennent de l’ampleur. Hier, c’est une nouvelle série de réactions qui s’est déclenchée, avec des avis partagés sur la question.

Le président de la République en compagnie du ministre de la Défense, hier, à Baabda. Photo Dalati et Nohra

Poursuivant leur campagne auprès des responsables politiques en vue de démentir les affirmations du ministre de la Défense, Fayez Ghosn, et réclamer le déploiement de l’armée tout au long de la frontière entre le Liban et la Syrie, les habitants de Ersal sont revenus hier à la charge pour dénoncer les accusations lancées contre leur localité.
Une délégation du village regroupant des représentants du conseil municipal s’est ainsi rendue chez le Premier ministre, Nagib Mikati. Les délégués ont réitéré leur demande de voir l’armée se déployer le long de la frontière, pour empêcher toute infiltration dans un sens comme dans un autre et, surtout, pour protéger les habitants du village. S’exprimant au nom de la délégation, le président de la municipalité, Ali Houjayri, a indiqué avoir dénoncé devant le Premier ministre les propos de M. Ghosn.
« S’il s’avère qu’il y a quelqu’un du village qui serait impliqué, qu’il soit alors jugé », a-t-il asséné à l’issue de l’entretien avant d’estimer que le fait d’accuser la localité d’abriter des terroristes « est une affaire dangereuse ». M. Houjayri a précisé que la délégation se rendra jeudi prochain chez le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, pour insister auprès de lui sur l’importance de la présence de l’armée dans la région. Une visite chez le chef de l’État, Michel Sleiman, est également prévue. Le responsable a annoncé par ailleurs la tenue, probable, d’une rencontre de solidarité avec les habitants vendredi prochain à Ersal même « pour exprimer notre refus des propos de M. Ghosn », espérant la participation de l’ensemble des députés de la Békaa, « qu’ils soient issus du 8 ou du 14 Mars ».
Dans un entretien accordé à la radio al-Fajr, le président de la municipalité a assuré qu’il ne prenait le parti d’aucune formation politique. Il invité les responsables à faire la lumière sur la réalité du terrain, réitérant son refus de voir son village faire l’objet de surenchères.
Selon des sources qui suivent de près le dossier, le problème principal dans la région serait l’absence de contrôle au niveau des frontières entre le Liban et la Syrie, d’où la nécessité de rechercher des solutions à ces lacunes non seulement au niveau du village de Ersal mais tout au long de la frontière, sachant que le déploiement de l’armée en un seul point ne réduit pas les risques sécuritaires.

Réunion du Conseil central de sécurité
Pour sa part, le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, a indiqué hier que « l’armée est en train d’enquêter sur la teneur des propos du ministre Ghosn », soulignant que « demain (aujourd’hui), le ministre devrait en informer ses collègues lors du Conseil des ministres ».
Dans un entretien accordé à la Voix du Liban, M. Charbel a cependant recommandé que la déclaration du ministre de la Défense sur l’existence d’éléments d’el-Qaëda à Ersal « soit prise en considération », exhortant les responsables « à ne pas négliger l’enquête et à la placer en priorité à l’ordre du jour du Conseil des ministres ».
Dans un entretien à la LBC, M. Charbel a affirmé qu’il n’y a pas d’éléments affiliés à el-Qaëda à proprement parler, mais qu’il s’agirait probablement d’éléments d’obédience salafiste partageant certaines idées de l’organisation terroriste. Le ministre de l’Intérieur a réaffirmé qu’il ignorait d’où provenaient les informations en possession du ministre Ghosn, insistant sur le fait qu’elles devraient faire l’objet d’une enquête sérieuse. Et de réitérer que M. Ghosn « n’a pas dit qu’il détenait des vérités vérifiées sur le terrain, mais de simples informations sur lesquelles il est nécessaire d’enquêter ».
« L’étendue des frontières est vaste. Certaines personnes ont déjà été arrêtées et les habitants de Ersal le savent. Sauf que l’arrestation de certains d’entre eux ne signifient pas que tous les habitants de Ersal doivent assumer la responsabilité de cette situation », a-t-il dit. « Le plus important, a ajouté M. Charbel, est de procéder à la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie, de manière à mieux les contrôler et à empêcher l’infiltration d’éléments indésirables dans les deux sens ».
Le ministre de l’Intérieur, qui a assuré que le Liban « ne sera pas un point de ralliement pour les opérations terroristes », a affirmé qu’une coordination a lieu entre les différents services sécuritaires.
M. Charbel a en outre fait part de sa surprise de voir certains effectuer un lien entre les propos du ministre de la Défense, et les deux attentats qui ont eu lieu à Damas, avant de conclure : « C’est une simple coïncidence. »
Il convient de signaler que le Conseil central de sécurité s’est réuni d’urgence, hier, pour discuter notamment de la situation sécuritaire en général et de l’affaire de Ersal plus particulièrement. Une source de sécurité présente à la réunion a indiqué à L’Orient-Le Jour que les informations en possession de l’armée « ne sont pas sérieuses », et ne méritent pas que cette affaire soit montée en épingle. Selon lui, c’est probablement un informateur qui aurait soumis à l’armée un rapport erroné, comme cela s’est déjà vu à plusieurs reprises au Liban.

Réactions
À l’issue de leur réunion, les responsables sécuritaires – des représentants de l’armée, des FSI et de la Sûreté générale – ainsi que les ministres de l’Intérieur et de la Défense se sont rendus auprès du chef de l’État, Michel Sleiman, qui a indiqué dans des termes généraux que la lutte contre le terrorisme était une mission aussi importante que la défense du territoire face aux agressions israéliennes. Le président a réitéré sa position de la veille selon laquelle le peuple libanais ne permettra pas à des cellules terroristes de s’abriter dans les quartiers, villages ou villes. M. Sleiman s’est ensuite entretenu avec les deux ministres, Charbel et Ghosn. À noter que ce dernier a également rendu visite au patriarche maronite, Béchara Raï.
Il n’empêche, le dossier de Ersal n’a pas manqué de susciter, hier encore, une cascade de réactions. Évoquant l’attaque menée contre Fayez Ghosn, le chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, a affirmé que les propos du « ministre de la Défense sont les plus plausibles dans ce domaine puisque c’est lui qui suit cette affaire et que les points de surveillance militaire sont ceux qui pourvoient les informations ». Selon lui, M. Ghosn pourrait avoir des informations que ne détiendrait pas un autre ministre, dans une allusion au ministre de l’Intérieur.
Le responsable des relations extérieures au sein du Hezbollah, Ammar Moussaoui, a également défendu la position de M. Ghosn, estimant que ceux qui lancent les accusations sont les mêmes, afin de faire dévier l’attention de la réalité.
Le député du bloc aouniste, Abbas Hachem, a indiqué à son tour que le ministre de la Défense « ne prononce aucun mot qui ne soit fondé sur des informations rigoureuses ». « Personne ne peut démentir des informations qui proviennent de l’institution militaire ». Le député s’est dit « certain » qu’il y a des éléments d’el-Qaëda qui ont été arrêtés dans ce cadre.
Pour sa part, le député du bloc du Futur, Ahmad Fatfat, a réclamé que ce dossier soit placé à l’ordre du jour du Conseil des ministres et que le ministre de la Défense soumette les détails de l’affaire à ses collègues. Et de se demander pourquoi l’armée n’a pas été envoyée aux frontières et pourquoi aucun dossier judiciaire n’a encore été constitué.
Plus corsés, les propos de l’avocat des forces du 14 Mars, Youssef Doueihy, qui a affirmé regretter que le ministre de la Défense se transforme en représentant des milices des Marada qu’il a qualifiés « d’espions œuvrant pour le compte du dictateur de Damas ».
« S’il y a des problèmes dans le secteur frontalier et des infiltrations, il faudra les régler par les voies légales comme cela se passe dans n’importe quel autre pays », a préconisé pour sa part le député Khaled Daher.
Poursuivant leur campagne auprès des responsables politiques en vue de démentir les affirmations du ministre de la Défense, Fayez Ghosn, et réclamer le déploiement de l’armée tout au long de la frontière entre le Liban et la Syrie, les habitants de Ersal sont revenus hier à la charge pour dénoncer les accusations lancées contre leur localité.Une délégation du village regroupant des...
commentaires (2)

Même si c'était juste, on aurait dû traiter cette affaire discrètement et secrètement, dans l'intérêt du pays, et non lancer des déclaratioins irresponsables, pour plaire à certains, contre les intérêts de son propre pays. Si ça aurait été passé au Japan, que de joponais se seraient suicidés depuis... Walla Ayb yia 3ammi ! Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

11 h 19, le 28 décembre 2011

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Commentaires (2)

  • Même si c'était juste, on aurait dû traiter cette affaire discrètement et secrètement, dans l'intérêt du pays, et non lancer des déclaratioins irresponsables, pour plaire à certains, contre les intérêts de son propre pays. Si ça aurait été passé au Japan, que de joponais se seraient suicidés depuis... Walla Ayb yia 3ammi ! Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    11 h 19, le 28 décembre 2011

  • Je me permets de le répéter sans hésitation. Cette histoire d'éléments d'el-Qaeda s'infiltrant du Liban en Syrie est une histoire commandée par le régime de Damas à ses enfants gâtés au Liban. Coincé plus que jamais devant les "frères" arabes, leur Ligue et leurs "observateurs", de par sa répression sanglante et barbare inimaginable au peuple syrien révolté, ce régime veut apparaître pauvre victime d'el-Qaeda et justifier bêtement ses carnages dans les quartiers de Homs, de Hama, d'Edleb, de Daraa et autres villes de Syrie. Quant au ministre de l'Intérieur, qui "s'étonne de voir certains lier la déclaration du ministre de la défense (sur une telle infiltration) aux deux attentats de Damas, eh bien c'est lui qui étonne de n'être pas informé. Comme je l'ai dit hier, en réaction à la splendide chronique de M Abdo Chakhtoura, c'est le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères qui a fait cette liaison, immédiatement après les deux explosions de Kfar Sousa devant le siège des "moukhabarate".

    Halim Abou Chacra

    02 h 38, le 28 décembre 2011

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