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Marathon

Au début, on ne voit que les chats. Alignés sur les marches, ils plissent les yeux comme on sourit aux premiers rayons du soleil et ronronnent avec une arrogance de propriétaires. Il est trop tôt, trop dimanche pour entendre déjà les rumeurs de la ville.
Quand les premiers coureurs arrivent, on reconnaît en eux les vedettes de l’épreuve. Anatomie fuselée, sculpturale, souplesse de la foulée, quelque chose d’aérien qui transcende la fatigue. Celle-ci n’a d’ailleurs pas eu le temps de jouer les trouble-fête. Aucune trace de sueur. Seulement une sorte de musique faite corps. Bientôt, ils sont rattrapés par d’autres athlètes, mais en fauteuil roulant. Ceux-là ont dans les bras ce que les premiers ont dans les jambes. Leur véritable handicap, ce serait la soif qui oblige à lâcher la roue pour tenir la bouteille. Dans un bel élan de solidarité, les coureurs sur jambes poussent les fauteuils pour leur faire gagner du temps. Au-delà du parapet, la mer de novembre est étrangement étale. Sur fond de bleu passent des casaques de couleurs vives. Une féria qui galope, tantôt en cadence, tantôt dispersée. Certains ont surestimé leur endurance, ils traînent un peu, s’arrêtent, folâtrent, cherchent autour d’eux des visages familiers, en trouvent, entament une causette entre découragés. Sur les T-shirts on peut lire des logos de lycées, de banques, de chaînes de fast-food, de corps de gendarmerie. On peut lire aussi des slogans pour la lutte contre le cancer, les maladies orphelines, d’autres pour la protection de l’enfance. Chacun sa cause, légitime, suffisamment pour qu’on se lève tôt un dimanche et qu’on défie le macadam jusqu’au bout de ses forces.
Cette marée humaine, ce flot incessant, fier et joyeux, coulant sous des flonflons de fête foraine, porté par cette gaîté inhérente aux moments où l’on a fait quelque chose pour l’estime de soi, n’avait pas de cause commune. L’émotion extraordinaire qui se dégageait de ce spectacle, elle était due à l’initiative personnelle de chacun qui, ajoutée à celle de l’autre, produisait une incroyable énergie. Ensemble, séparément ; sans guide, sans animateur, sans mentor, sans leader, sans berger, mus par un courage dicté par leur seule volonté et décuplé par le courage de l’autre, les participants au marathon de Beyrouth ne formaient pas une foule, malgré qu’ils fussent quelques dizaines de milliers. Ils étaient la somme intelligente d’individus engagés pour des idées diverses, mais solidaires chacun de l’objectif de l’autre. Quand on a vu arriver la vague immense où couraient côte à côte des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes et même des gens âgés, des Africains, des Asiatiques, des malades, des costauds, des maigres, des gros, on a eu ce frisson qui vient à chacun de son histoire personnelle. On a juste pensé : « C’est beau. »
Au début, on ne voit que les chats. Alignés sur les marches, ils plissent les yeux comme on sourit aux premiers rayons du soleil et ronronnent avec une arrogance de propriétaires. Il est trop tôt, trop dimanche pour entendre déjà les rumeurs de la ville. Quand les premiers coureurs arrivent, on reconnaît en eux les vedettes de l’épreuve. Anatomie fuselée, sculpturale, souplesse de la...
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C’était beau en effet de voir cet état d'âme des libanais toutes classes confondues pour vaincre la routine du quotidien, et la mélancolie et prouver que le Liban est toujours beau Nazira.A.Sabbagha

Sabbagha A.Nazira

02 h 55, le 01 décembre 2011

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Commentaires (1)

  • C’était beau en effet de voir cet état d'âme des libanais toutes classes confondues pour vaincre la routine du quotidien, et la mélancolie et prouver que le Liban est toujours beau Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    02 h 55, le 01 décembre 2011

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