Sale temps pour les Libanais du Sud ! Non seulement ils dégustent leur ration quotidienne d’obus depuis que le Victorieux divin a rouvert son échoppe guerrière sans consulter personne, mais en plus ils sont sommés de tirer la tronche après la disparition du sous-chah persan dans le paysage lunaire d’Azerbaïdjan. Retenir ses larmes après avoir vu sa famille décimée et sa maison transformée en chaleur et lumière, pour ensuite les déverser sur ordre pour le deuil d’un patron mollah aussi lointain qu’inconnu… C’est ce qui s’appelle vendre de la compassion au paradis de la douleur.
Au fil des péripéties qui ont jalonné l’histoire du Liban-Sud et de ce que la population locale a pu endurer, force est de constater pourtant que la gesticulation est quasiment la même et se répète inlassablement au gré des circonstances : on fixe une rampe de quelques tuyaux, on y enfourne les projectiles adéquats, on déclenche le mécanisme de tir, puis l’on décampe courageusement vers des lieux plus bucoliques… pendant que les villageois du coin se prennent une méchante bordée de poudre et de fer venue des enragés de la kippa qui campent en face.
Avec les années et le développement des nouvelles technologies, l’animation a quelque peu évolué. Au départ, la posture ne mobilisait que quelques doigts, qui tiraient sur un bout de ficelle pour envoyer la roquéquette. Inconvénient : le héros manutentionnaire était obligé de détaler au milieu des hurlements de la population, aussitôt matraquée par les avions hébreux. Aujourd’hui, un drone piloté par téléphone portable dernier cri, si l’on peut dire, lui permet de se planquer pépère et de libérer à distance la Palestine par connexion wi-fi tout en tétant son narguilé.
Donc si depuis près de 60 ans la gestuelle est immuable, ce qui change en revanche c’est le procédé qui, selon l’air du temps, est tantôt louable tantôt condamnable. En fait, tout dépend du rapport de force existant entre le gougnafier tireur et le pouvoir de facto, en place à Beyrouth. Comme les Palestiniens du Fateh ont depuis lurette baissé leur pantalon, toute réactivation de leur quincaillerie face à Israël est qualifiée de pure trahison. Par contre que le dernier des sous-fifres barbus décide de lâcher une palanquée de ferraille par-delà la frontière, la classe politique chantera ses louanges tout en faisant dans son froc. Refrain connu : plus on a la trouille, plus on est poli.
Bref, y a plus qu’à attendre patiemment la fin de la béchamel à Gaza. Pour se consoler entre temps, on lit, relit et apprend par cœur le texte du mandat d’arrêt requis contre le Netanyahué et le Samovar à la Cour internationale de justice. Peine perdue ! Ce machin manchot n’ayant pas de bras armé pour faire appliquer ses décisions, il nous tarde de savoir par quelle entourloupe on entend interpeller les deux disjonctés sur leur lieu de travail.
gabynasr@lorientlejour.com
Malgré la tristesse des faits, j'ai souri en vous lisant. Quelle plume et quel humour, merciiii GabNasr !
07 h 27, le 27 mai 2024