Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Le refus de l’État libanais d’accueillir les réfugiés syriens

I- Une violation du droit international

Par Sagi SINNO
Le soulèvement populaire en Syrie est réprimé de façon sanglante depuis huit mois (3 500 morts selon le dernier rapport de l’ONU). Cette répression pousse un nombre croissant de Syriens à quitter leur territoire national pour essayer de trouver refuge dans les pays voisins. L’État libanais a jusqu’à présent refusé pratiquement d’accueillir les réfugiés syriens. D’une part, l’essentiel de l’aide reste fourni par des initiatives privées (dans la région de Wadi Khaled et du Akkar, par exemple). D’autre part, la multiplication des cas d’expulsion, voire même d’enlèvements d’opposants syriens au Liban, démontre les velléités de l’État libanais à leur fournir une quelconque protection. Au-delà du débat politique autour de la question, il serait intéressant de voir si, d’un point de vue juridique, le Liban est en droit de refuser une telle assistance, et de savoir notamment si ses agissements sont conformes ou non au droit international.
Pour essayer de trouver une réponse adéquate, le premier réflexe aurait dû être de se tourner vers la Convention relative au statut des réfugiés (Genève, 28 juillet 1951). Cette convention constitue la pierre angulaire du droit des réfugiés dans le monde ; elle régit l’ensemble des obligations et des droits des réfugiés, avec une extension considérable de ces derniers. Mais ratifiée par 145 États, elle ne l’est toujours pas par le Liban, pour des raisons qui tiennent, sans doute, au respect du sacro-saint principe de l’équilibre confessionnel. Son application doit donc être malheureusement écartée dans le cas spécifique du Liban. Ce n’est pas pour autant que l’État peut échapper à toute responsabilité. Le Liban reste lié par plusieurs autres instruments de droit international, notamment du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, qui garantissent un droit d’asile aux ressortissants étrangers fuyant la persécution, et qui interdisent leur expulsion vers des pays pratiquant la torture.
1°- L’obligation de l’État libanais d’octroyer le droit d’asile aux ressortissants étrangers fuyant la persécution :
De prime abord, et de façon générale, l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à Paris le 10 décembre 1948 (résolution 217 A (III)), affirme que
– « 1.- Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.
– 2.- Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »
En application de cet article, l’État libanais se trouve dans l’obligation d’accorder l’asile politique aux réfugiés syriens fuyant la persécution du régime dans leurs pays. Participer à un soulèvement populaire pour la liberté ne peut en aucun cas être qualifié de crime de droit commun, mais au contraire il constitue un exercice d’un des principes fondamentaux des Nations unies, qui n’est autre que la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes (préambule de la Charte des Nations unies).
Il est important de mentionner que l’obligation d’octroyer le droit d’asile est d’autant plus renforcée quand il s’agit d’enfants réfugiés. En effet, l’article 22 de la Convention relative aux droits de l’enfant (New York, 20 novembre 1989), ratifiée par le Liban le 14 mai 1991, dispose que
– « 1.- Les États parties prennent les mesures appropriées pour qu’un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié (...) bénéficie de la protection et de l’assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits États sont parties.
– 2.- À cette fin, les États parties collaborent, selon qu’ils le jugent nécessaire, à tous les efforts faits par l’Organisation des Nations unies (...) pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la famille de tout enfant réfugié en vue d’obtenir les renseignements nécessaires pour le réunir à sa famille (...) ».
Si l’État libanais est dans l’obligation d’octroyer le droit d’asile aux réfugiés syriens fuyant la persécution, il devrait, a fortiori, s’abstenir d’expulser ces réfugiés vers un État pratiquant la torture.
(À suivre)

Sagi SINNO
Master en droit international
Doctorant à l’Université Paris 2, Panthéon-Assas
Le soulèvement populaire en Syrie est réprimé de façon sanglante depuis huit mois (3 500 morts selon le dernier rapport de l’ONU). Cette répression pousse un nombre croissant de Syriens à quitter leur territoire national pour essayer de trouver refuge dans les pays voisins. L’État libanais a jusqu’à présent refusé pratiquement d’accueillir les réfugiés syriens....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut