Telle est précisément la stratégie suivie traditionnellement, et avec assiduité, par le pouvoir syrien depuis des lustres, et plus particulièrement depuis le début du soulèvement populaire en mars 2011. Et samedi dernier, dans le sillage de la décision historique et sans précédent prise par la Ligue arabe de suspendre la participation de la Syrie à toutes les réunions et activités de la Ligue, en prélude à un train de sanctions politiques et économiques imminentes, le régime Assad réaffirmait son engagement à appliquer les termes du plan arabe de règlement de la crise, allant même jusqu’à souligner qu’il est disposé à accueillir une délégation ministérielle arabe et des représentants de médias afin qu’ils s’informent directement de la situation sur le terrain. Mais dans le même temps, les troupes fidèles à Bachar el-Assad et les funestes chabbiha poursuivaient leur sinistre besogne et continuaient à tirer à bout portant, sans répit, sur les manifestants et la population.
Le régime baassiste ne cesse, depuis des mois, de multiplier les promesses et de former des commissions ad-hoc censées plancher sur des projets de réformes. Cela n’empêche pas pour autant les brigades de la mort d’aller de l’avant dans la répression aveugle et sauvage, faisant quasiment chaque jour une moyenne de 20 à 30 tués parmi les civils, alors que parallèlement les rafles, les tortures à grande échelle et les liquidations systématiques deviennent le pain quotidien de la population syrienne. Le président Assad n’a-t-il pas d’ailleurs annoncé lui-même plus d’une fois qu’il avait donné l’ordre de cesser les tirs contre la population et de retirer les unités militaires des villes ? Depuis, le nombre de tués parmi les civils a dépassé le cap des 3 500 selon les estimations de l’ONU...
Le pouvoir syrien est passé maître dans le mensonge étatique et dans la mauvaise foi érigée, cyniquement, en méthode de gouvernement. Et à cet égard, il est incontestablement à bonne école. Si tant est qu’il en ait quelque peu besoin. Car les manœuvres sournoises de Bachar el-Assad ne sont pas sans rappeler la stratégie fourbe suivie par son parrain et allié stratégique, la République islamique iranienne, au sujet du dossier nucléaire. Le régime des mollahs s’est lancé depuis plusieurs années dans un vaste chantier d’activités nucléaires. Il y a plus de huit ans, dans le courant du second semestre 2003 (dès le mois de juin 2003, plus précisément), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et les pays occidentaux ont à plusieurs reprises mis en garde l’Iran contre l’utilisation de la technologie nucléaire à des fins militaires, la sommant de suspendre tout enrichissement et retraitement de l’uranium. Depuis, la République islamique et les pays occidentaux ne cessent de jouer au chat et à la souris. À chaque fois que la pression s’accentue contre lui pour mettre un terme à son programme nucléaire soupçonné d’avoir une portée militaire, le régime des mollahs se déclare prêt à négocier et s’engage même officiellement à suspendre l’enrichissement de l’uranium, comme il l’a fait en octobre 2003. Mais ces velléités de coopération et de dialogue n’ont pas dépassé le stade des vœux pieux, sur le papier, car dans la pratique, Téhéran a poursuivi son programme nucléaire sans trop se laisser perturber par les multiples mises en garde occidentales, tout en réitérant publiquement, sans cesse, sa disposition à « dialoguer » et à engager de nouvelles « négociations ». Ce petit jeu stérile – auquel les interlocuteurs occidentaux se laissent souvent prendre – dure depuis non moins de ... huit ans.
Les deux régimes iranien et syrien étant logés à la même enseigne, il n’est donc pas difficile de porter un jugement sur le degré de crédibilité des promesses et des engagements publics que le pouvoir baassiste réitère régulièrement depuis mars dernier – et qui ont été renouvelés pas plus tard qu’hier par Walid Moallem – sans pour autant mettre une sourdine à la répression sanglante et sauvage à laquelle il a désespérément recours pour tenter de mater le soulèvement populaire auquel il est confronté. Sauf que cette fois, ces cyniques manœuvres dilatoires ont atteint leurs limites. Trop de sang a en effet coulé dans les différentes villes syriennes, de sorte que le pouvoir d’Assad a été pris à son propre piège et s’est laissé entraîné dans une impasse qui lui sera sans doute fatale. S’il renonce à la répression quotidienne et impitoyable, il ne manquera pas d’être rapidement emporté par le tsunami du cumul de haine et de désir de vengeance qu’il a lui-même suscité en massacrant et en livrant à la torture, sans aucun scrupule et sans états d’âme, des adolescents, des jeunes, des femmes et des hommes de tous âges qui manifestent depuis huit mois, jour pour jour – depuis le 15 mars – en vue d’exprimer haut et fort leur aspiration à la liberté et à un minimum de démocratie. Le régime baassiste ne peut donc survivre que s’il poursuit sa répression sanglante. Mais combien de temps un pouvoir peut-il se maintenir en place si le prix de sa pérennité est un bain de sang permanent ?
D’aucuns persistent à justifier ce recours démentiel à la violence en avançant des arguments axés sur la nécessaire défense communautaire. Mais le repli identitaire lorsqu’il se fonde sur un réflexe de minoritaire et qu’il repose, de surcroît, sur l’élimination de « l’autre » se réduit inéluctablement à une entreprise suicidaire. Sans compter que la mentalité et les méthodes néostaliniennes d’une ère à jamais révolue ne sauraient perdurer dans un monde en pleine mutation de plus en plus marqué par l’impact des réseaux sociaux et d’une mondialisation effrénée qui transforme la terre en un vaste village au sein duquel toute tentative de museler une population entière ne serait que pure chimère.
Blanchis à l'Ariel...le? ;)
03 h 12, le 16 novembre 2011