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Culture - Le Salon en livres et en rencontres - Rencontre

Le poids de l’histoire et le devoir de mémoire, selon Mazarine Pingeot

Passage éclair à Beyrouth de Mazarine Pingeot, venue signer son roman « Pour mémoire » (Éd. Julliard) au Salon du livre francophone*. Et interview express à son arrivée.

Pingeot: «Comment dire la violence de l’histoire...» (Sami Ayad)

Son prénom, si particulier, la désigne d’emblée comme la fille «de...». Même si Mazarine est désormais mère de...3 enfants. Et puis, la ressemblance physique est frappante. Au niveau du visage essentiellement. Mais aussi dans la sobriété générale de l’allure – qu’elle a gracile – et de la tenue, jeans et pull noirs.
Mazarine Pingeot, qui fut longtemps la fille cachée de François Mitterrand, est sortie de l’ombre depuis plusieurs années. Sans pour autant se dégager totalement de celle d’un père qui, au-delà de ses fonctions politiques et présidentielles, fut un homme de réflexion et de culture. Un père qui lui a, à l’évidence, transmis le goût des livres, de l’écriture et du questionnement philosophique.
Un questionnement qui nourrit l’ensemble des écrits de cette jeune femme, normalienne, agrégée de philosophie. Laquelle puise, semble-t-il, de chaque étape de sa vie, le thème d’un roman philosophique. Dans Bouche cousue, son premier opus autobiographique sur son enfance, Mazarine narrait l’expérience de la clandestinité familiale. Le cimetière des poupées, son deuxième roman, écrit alors qu’elle était enceinte, explorait les raisons qui poussent une mère à l’infanticide. Dans Mara, histoire d’un inceste involontaire sur fond de guerre d’Algérie, elle abordait le poids de l’histoire sur les destins individuels. Idem dans ce dernier texte, Pour mémoire, où elle met en scène un adolescent d’aujourd’hui dévasté par la découverte de la Shoah au point d’en devenir anorexique.
Porté par une écriture remarquable, sobre, ramassée, tendue, ce récit, mince (85 pages au total) dans la forme et terriblement dense dans le fond, traite du devoir de mémoire, de la question de la transmission et, «de manière plus périphérique», de l’impact des images de la violence sur les jeunes cerveaux.
«Comment dire aux enfants la violence de l’histoire sans les traumatiser, comment les accompagner là-dedans», s’est interrogée cette jeune mère de famille en imaginant le dialogue avec lui-même d’un jeune garçon qui (dé)construit sa vie sur une obsession. Celle de la Shoah, aux images découvertes par hasard à la télévision.
Ce livre, Mazarine Pingeot reconnaît, avec honnêteté, l’avoir conçu comme un devoir de mémoire. «Parce qu’on arrive à un moment charnière dans la narration de cet Holocauste : celui de la disparition des derniers témoins survivants. Et qu’il faut désormais investir la littérature pour parler de cet événement fondateur de la mémoire.»
Un événement qu’elle décrit dans ses pages comme «une parenthèse où l’humanité a été absente à elle-même». Et dont elle – issue d’une génération qui n’a pas directement connu cette période – appréhende la réapparition.
Mais les exterminations de populations ont toujours émaillé le cours de l’histoire et se poursuivent : du génocide arménien aux Palestiniens, en passant par les Kurdes, les Tibétains et on en passe. Pourquoi ne pas les évoquer? «Si j’ai écrit sur la Shoah, c’est parce qu’elle s’est passée en Europe, qu’elle avait pour moi une proximité historique et géographique, parce que mon père, mes grands-parents ont vécu cette époque», indique-t-elle. Poursuivant: «Cela n’enlève rien à l’horreur des autres génocides.» «Mais à partir du moment où on est sensible à ce massacre à très large échelle, à cette industrialisation de la mort, insiste-t-elle, on est sensible à tous les autres. Travailler sur la mémoire de l’Holocauste, cela revient pour moi à dénoncer les processus de déshumanisation, de folie meurtrière qui sont finalement les mêmes partout».
Il n’en demeure pas moins qu’un tel livre risque d’être mal reçu dans un pays arabe comme le Liban, accueillant des réfugiés palestiniens. A-t-elle pensé à cette éventualité en répondant à l’invitation du Salon du livre de Beyrouth?
«J’y ai pensé, avoue-t-elle, mais j’espère que tout le monde ici ne fait pas l’amalgame entre le conflit palestino-israélien et la Shoah. Je suis moi-même très sensible à la cause palestinienne. Je l’étais même de manière radicale plus jeune. Je vis avec un Marocain musulman et je connais parfaitement la culture et le monde arabes, mais j’estime qu’il n’existe pas de filiation directe – même s’il pourrait y avoir une instrumentalisation – entre la politique de la droite israélienne et la Shoah.»
Ce n’est pas la première fois que Mazarine Pingeot vient au Liban. «J’y étais déjà venue il y a 13 ans dans le cadre d’une tournée dans la région, avec une bande de copains, sacs à dos et logement chez l’habitant», se souvient-elle. Elle avait été, dit-elle, «très impressionnée à l’époque par le nombre de chantiers, l’effervescence de la ville et en même temps les traces de l’histoire très présentes, les coupures d’électricité...». Sur ce dernier point, on a vite fait de la rassurer, elle va retrouver 13 ans plus tard tout le «charme» des coupures de courant!

* Elle signe ce soir samedi à 19 heures son livre au stand Virgin du Salon.
Son prénom, si particulier, la désigne d’emblée comme la fille «de...». Même si Mazarine est désormais mère de...3 enfants. Et puis, la ressemblance physique est frappante. Au niveau du visage essentiellement. Mais aussi dans la sobriété générale de l’allure – qu’elle a gracile – et de la tenue, jeans et pull noirs. Mazarine Pingeot, qui fut longtemps la fille...

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