Ce méli-mélo politique illustre à quel point le pays est plongé dans l’irrationnel et l’absurde... À quel point le système est frappé profondément d’un dysfonctionnement suspect qui reflète une volonté délibérée de saboter l’existence même, voire l’essence, de l’État. Ce dysfonctionnement est perceptible à tous les échelons du pouvoir. Il se manifeste, à titre d’exemple, lorsqu’un milicien accusé d’avoir tué intentionnellement un officier en mission est libéré sans autre forme de procès au bout de quelques petites semaines de timide détention. Il se manifeste lorsqu’un parti met la capitale à feu et à sang, un funeste 7 Mai, parce que le gouvernement a eu l’audace de vouloir lui interdire d’installer son infrastructure de télécommunications de manière illégale. Il se manifeste aussi lorsque ce même parti revient à la charge et s’obstine à imposer son réseau de télécoms dans des régions de la Montagne, brandissant impunément la menace d’un nouveau 7 Mai si les habitants font obstruction à son entreprise milicienne.
Les exemples sur ce plan sont innombrables et se manifestent quasi quotidiennement. Un tel dysfonctionnement a sans doute atteint son apogée et a pris une tournure foncièrement méprisante pour la population libanaise lorsque ce même parti, faisant fi de tous les engagements pris solennellement auprès de médiateurs arabes, a gommé manu militari les résultats d’une consultation populaire que nul ne contestait et a renversé purement et simplement la majorité parlementaire, non pas sous l’effet d’un jeu politique classique, mais en se livrant à toutes sortes d’intimidation et de menaces miliciennes à peine voilées.
La cause d’un tel dysfonctionnement institutionnel généralisé n’échappe à personne. L’arsenal militaire du Hezbollah constitue un paramètre qui fausse dangereusement le jeu politique interne, prenant tout le pays – et les Libanais – en otage et foulant au pied effrontément tous les usages constitutionnels et démocratiques les plus élémentaires. Pire encore : se comportant comme s’il était en terrain conquis, le parti chiite pro-iranien semble considérer que le pays du Cèdre est rien moins que sa propriété privée et que tout lui est donc permis.
Cette pratique autocratique qui consiste à considérer le pays et l’État comme une chasse gardée au service d’un parti ou d’un clan familial constitue l’une des caractéristiques des régimes et de l’ordre politique qui sévissaient jusqu’à présent, depuis des décennies, dans cette partie du monde. La Constitution syrienne ne prévoit-elle pas qu’il revient au parti Baas d’être le seul élément moteur de l’État et de la société ? Mouammar Kadhafi et ses fils n’avaient-ils pas transformé la Libye en une gigantesque entreprise ou banque d’affaires familiale, brassant des dizaines de milliards de dollars dans différents secteurs économiques, en Libye et à l’étranger?
Dans la Tunisie de l’ancien régime, l’on retrouve le même schéma autour de l’épouse et de la belle-famille de l’ex-président tunisien déchu. Et l’Égypte s’engageait résolument sur la même voie. Sans compter, à l’évidence, le cas Saddam, dans l’ancien Irak ...
Si l’on se permet de schématiser quelque peu, il devient possible d’établir une similitude dans les comportements de pouvoir entre ces régimes arabes déchus, ou en voie de l’être, et la ligne de conduite du Hezbollah. Avec une double différence fondamentale. Le Hezbollah est au service d’un projet géopolitique transnational – celui du nouvel empire perse – qui ne reconnaît pas les frontières, alors que les anciens régimes arabes avaient, certes, des ambitions hégémoniques régionales mais qui demeuraient dans leur essence d’ordre national. La seconde différence fondamentale réside dans le fait que le parti chiite, contrairement aux pouvoirs déboulonnés de la région, ne contrôle pas tous les rouages étatiques à tous les échelons de l’exécutif et du législatif.
C’est précisément ce dernier point qui pourrait expliquer que dans le but de garantir la prépondérance de son projet géopolitique transnational, le Hezbollah n’a d’autre choix – dans un pays pluraliste comme le Liban – que de saboter de manière systématique l’État central et de paralyser les mécanismes constitutionnels susceptibles d’assurer une stabilité durable à un pouvoir central, surtout que, pour l’heure, le parti chiite se trouve contraint de tenir compte de la mosaïque libanaise, laquelle, malgré tout, l’empêche de calquer ses pratiques du pouvoir sur celles des Assad, Kadhafi, Abdallah Saleh et consorts. Cela permet de comprendre la stratégie déstabilisatrice à laquelle s’applique le Hezbollah de façon assidue depuis 2005 afin d’entretenir, sous sa coupe, le dysfonctionnement du système politique libanais. La guerre de juillet 2006, l’épisode du 7 mai 2008, la neutralisation par la force des baïonnettes des élections de 2009, l’intimidation et les menaces miliciennes sous le poids des armes illégales, le noyautage de l’appareil étatique sont, entre autres, autant de pions avancés patiemment sur l’échiquier du dysfonctionnement du système institutionnel.
À la double différence fondamentale qui distingue le Hezbollah des régimes arabes autocratiques vient se greffer un point commun tout aussi fondamental : le déni. Les expériences des dictateurs déchus, ou en voie de l’être, ainsi que le comportement du directoire du Hezbollah reflètent une stupéfiante obstination à refuser de voir certaines réalités en face, à ne pas admettre que la répression sanglante et l’oppression intégrale ne font qu’accentuer le cumul de frustrations et de rancune populaire qui, tôt ou tard, finissent par exploser au visage des tyrans. L’inqualifiable lynchage de Kadhafi et le comportement héroïque des révolutionnaires syriens qui défient quotidiennement la machine de mort du régime baassiste sont, certes, deux manifestations diamétralement opposées de cette fronde populaire, mais ils démontrent malgré tout que le mépris à l’égard de toute une population a pour conséquence directe de provoquer inéluctablement un effet boomerang malheureusement bien trop souvent maculé de sang.
Cette situation si confuse des frères musulmans qui gagnent des élections démocratiques dans les chars sio/yanky, font divaguer pas mal d'observateurs déboussolés, supporters de ces memes sio/yanky.Ils n'arrivent plus à retrouver leur repère.
12 h 18, le 25 octobre 2011