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Dysfonctionnement délibéré

Au lendemain des élections législatives de 2009, la nouvelle (et confortable) majorité parlementaire a élu le candidat de la minorité à la présidence de la Chambre... Et à l’ouverture de la session parlementaire d’octobre, il y a quelques jours, c’est un bureau de la Chambre totalement contrôlé par la (nouvelle) minorité (et ancienne majorité de 2009) qui a été reconduit dans ses fonctions, reflétant ainsi l’impossibilité pratique dans laquelle s’est trouvée la (nouvelle) majorité (et ancienne minorité) de mettre la main sur le bureau de la Chambre, comme elle aurait dû le faire en toute logique. C’est que, en toute vraisemblance, certaines composantes de la nouvelle majorité semblent juger leurs nouveaux partenaires politiques « peu fréquentables » et évitent par le fait même de leur livrer toutes les commandes du pouvoir, confirmant ainsi qu’ils ne paraissent pas convaincus outre mesure de leur positionnement récent. Comment pourraient-ils l’être, d’ailleurs, lorsque ce positionnement est le fruit de manœuvres d’intimidation soutenues et de menaces miliciennes caractérisées ?
Ce méli-mélo politique illustre à quel point le pays est plongé dans l’irrationnel et l’absurde... À quel point le système est frappé profondément d’un dysfonctionnement suspect qui reflète une volonté délibérée de saboter l’existence même, voire l’essence, de l’État. Ce dysfonctionnement est perceptible à tous les échelons du pouvoir. Il se manifeste, à titre d’exemple, lorsqu’un milicien accusé d’avoir tué intentionnellement un officier en mission est libéré sans autre forme de procès au bout de quelques petites semaines de timide détention. Il se manifeste lorsqu’un parti met la capitale à feu et à sang, un funeste 7 Mai, parce que le gouvernement a eu l’audace de vouloir lui interdire d’installer son infrastructure de télécommunications de manière illégale. Il se manifeste aussi lorsque ce même parti revient à la charge et s’obstine à imposer son réseau de télécoms dans des régions de la Montagne, brandissant impunément la menace d’un nouveau 7 Mai si les habitants font obstruction à son entreprise milicienne.
Les exemples sur ce plan sont innombrables et se manifestent quasi quotidiennement. Un tel dysfonctionnement a sans doute atteint son apogée et a pris une tournure foncièrement méprisante pour la population libanaise lorsque ce même parti, faisant fi de tous les engagements pris solennellement auprès de médiateurs arabes, a gommé manu militari les résultats d’une consultation populaire que nul ne contestait et a renversé purement et simplement la majorité parlementaire, non pas sous l’effet d’un jeu politique classique, mais en se livrant à toutes sortes d’intimidation et de menaces miliciennes à peine voilées.
La cause d’un tel dysfonctionnement institutionnel généralisé n’échappe à personne. L’arsenal militaire du Hezbollah constitue un paramètre qui fausse dangereusement le jeu politique interne, prenant tout le pays – et les Libanais – en otage et foulant au pied effrontément tous les usages constitutionnels et démocratiques les plus élémentaires. Pire encore : se comportant comme s’il était en terrain conquis, le parti chiite pro-iranien semble considérer que le pays du Cèdre est rien moins que sa propriété privée et que tout lui est donc permis.
Cette pratique autocratique qui consiste à considérer le pays et l’État comme une chasse gardée au service d’un parti ou d’un clan familial constitue l’une des caractéristiques des régimes et de l’ordre politique qui sévissaient jusqu’à présent, depuis des décennies, dans cette partie du monde. La Constitution syrienne ne prévoit-elle pas qu’il revient au parti Baas d’être le seul élément moteur de l’État et de la société ? Mouammar Kadhafi et ses fils n’avaient-ils pas transformé la Libye en une gigantesque entreprise ou banque d’affaires familiale, brassant des dizaines de milliards de dollars dans différents secteurs économiques, en Libye et à l’étranger?
Dans la Tunisie de l’ancien régime, l’on retrouve le même schéma autour de l’épouse et de la belle-famille de l’ex-président tunisien déchu. Et l’Égypte s’engageait résolument sur la même voie. Sans compter, à l’évidence, le cas Saddam, dans l’ancien Irak ...
Si l’on se permet de schématiser quelque peu, il devient possible d’établir une similitude dans les comportements de pouvoir entre ces régimes arabes déchus, ou en voie de l’être, et la ligne de conduite du Hezbollah. Avec une double différence fondamentale. Le Hezbollah est au service d’un projet géopolitique transnational – celui du nouvel empire perse – qui ne reconnaît pas les frontières, alors que les anciens régimes arabes avaient, certes, des ambitions hégémoniques régionales mais qui demeuraient dans leur essence d’ordre national. La seconde différence fondamentale réside dans le fait que le parti chiite, contrairement aux pouvoirs déboulonnés de la région, ne contrôle pas tous les rouages étatiques à tous les échelons de l’exécutif et du législatif.
C’est précisément ce dernier point qui pourrait expliquer que dans le but de garantir la prépondérance de son projet géopolitique transnational, le Hezbollah n’a d’autre choix – dans un pays pluraliste comme le Liban – que de saboter de manière systématique l’État central et de paralyser les mécanismes constitutionnels susceptibles d’assurer une stabilité durable à un pouvoir central, surtout que, pour l’heure, le parti chiite se trouve contraint de tenir compte de la mosaïque libanaise, laquelle, malgré tout, l’empêche de calquer ses pratiques du pouvoir sur celles des Assad, Kadhafi, Abdallah Saleh et consorts. Cela permet de comprendre la stratégie déstabilisatrice à laquelle s’applique le Hezbollah de façon assidue depuis 2005 afin d’entretenir, sous sa coupe, le dysfonctionnement du système politique libanais. La guerre de juillet 2006, l’épisode du 7 mai 2008, la neutralisation par la force des baïonnettes des élections de 2009, l’intimidation et les menaces miliciennes sous le poids des armes illégales, le noyautage de l’appareil étatique sont, entre autres, autant de pions avancés patiemment sur l’échiquier du dysfonctionnement du système institutionnel.
À la double différence fondamentale qui distingue le Hezbollah des régimes arabes autocratiques vient se greffer un point commun tout aussi fondamental : le déni. Les expériences des dictateurs déchus, ou en voie de l’être, ainsi que le comportement du directoire du Hezbollah reflètent une stupéfiante obstination à refuser de voir certaines réalités en face, à ne pas admettre que la répression sanglante et l’oppression intégrale ne font qu’accentuer le cumul de frustrations et de rancune populaire qui, tôt ou tard, finissent par exploser au visage des tyrans. L’inqualifiable lynchage de Kadhafi et le comportement héroïque des révolutionnaires syriens qui défient quotidiennement la machine de mort du régime baassiste sont, certes, deux manifestations diamétralement opposées de cette fronde populaire, mais ils démontrent malgré tout que le mépris à l’égard de toute une population a pour conséquence directe de provoquer inéluctablement un effet boomerang malheureusement bien trop souvent maculé de sang.
Au lendemain des élections législatives de 2009, la nouvelle (et confortable) majorité parlementaire a élu le candidat de la minorité à la présidence de la Chambre... Et à l’ouverture de la session parlementaire d’octobre, il y a quelques jours, c’est un bureau de la Chambre totalement contrôlé par la (nouvelle) minorité (et ancienne majorité de 2009) qui a été reconduit dans...
commentaires (8)

Cette situation si confuse des frères musulmans qui gagnent des élections démocratiques dans les chars sio/yanky, font divaguer pas mal d'observateurs déboussolés, supporters de ces memes sio/yanky.Ils n'arrivent plus à retrouver leur repère.

Jaber Kamel

12 h 18, le 25 octobre 2011

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Commentaires (8)

  • Cette situation si confuse des frères musulmans qui gagnent des élections démocratiques dans les chars sio/yanky, font divaguer pas mal d'observateurs déboussolés, supporters de ces memes sio/yanky.Ils n'arrivent plus à retrouver leur repère.

    Jaber Kamel

    12 h 18, le 25 octobre 2011

  • Le Hezb, Kamel, n'est pas sorti du néant, et sans cause, à ses débuts, il est vrai. Mais ses métamorphoses après 2000 et ses comportements font l'appréhension de la moitié de la population. Les Chrétiens de l'autre moitié, le pensent tout bas aussi, bien qu'ils ne le disent pas tout haut ( exepté au Wikileaks ). C'est la face pile de la même monnaie extrémiste. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    12 h 11, le 25 octobre 2011

  • Il ne nous reste plus qu'à nous libérer du hezb pour libérer tout le Liban pris en otage par la milice armée du hezb . L'on y arrivera lorsque le peuple syrien se sera libéré du clan Assad et de ses chabibas, et lorsque le peuple iranien se sera libéré du guide suprême (qui se prend pour le Mehdé al montazar)et de ses Pasdarans qui sont à l'origine de la création du hezb qui n'en est qu'une petite extension libanaise comme le Hamas en est l'extension palestinienne et le clan Sadr l'extension irakienne . Tous ces peuples bougent et, comme toujours dans l'histoire, finiront par se défaire de leurs dictateurs et autocrates. Les ayatollahs et nos enturbannés locaux nous feront payer cher notre liberté, mais c'est le prix à payer en plus de celui déjà payé.

    Saleh Issal

    10 h 42, le 25 octobre 2011

  • Ce de quoi le hezb souffre le plus, c'est son manque de marketting, il se vend mal, non pas pour dire que ses membres sont des anges, loin de la, mais c'est un parti qui ne sort pas du neant comme les islamistes qu'on voit emerger aujoud'hui avec des financements occultes et qui prennent les rennes du pouvoir sans avoir combattu leur veritable ennemi israel. Leurs bourreaux/dictateurs ont ete a la solde des sio/yanky pour ecraser leur peuple au profit des usurpateurs de la Palestine.Voyez, j'ai entendu un journaliste de la LCI dire du responsable de Tripoli qu'il etait un ancien moujahid alors qu'il sort de guantanamo, livre par les yanky a khaddafi pour y subir des tortures. Ne nous laissons pas entrainer dans l'amalgame, le hezb n'a fait que liberer une partie du territoire du Liban et c'est ce qu'on veut lui faire payer c'est tout.

    Jaber Kamel

    09 h 26, le 25 octobre 2011

  • Nous mettons le doigt,les uns après les autres,sur ce qui pourrait faire basculer la situation au Liban...à savoir,une démocratisation et une laïcisation du Hezbollah...M. Nasrallah pourrait jouer là une carte maîtresse...en aura-t-il la volonté?En aura-t-il la pouvoir?

    GEDEON Christian

    07 h 14, le 25 octobre 2011

  • - - Il est temps d'arrêter de répéter chaque jour la même chose , répétitions qui commencent à ressembler au Russes blancs qui étaient venus temporairement en France dans les années 20 de l'ancien siècle pour fuir leur révolution , avec l'espoir de retourner chez eux et récupérer leurs acquis .. on connaît la suite ! La révolution Blanche à déjà eu lieu au Liban , avec ce changement de majorité , bien définit dans l'article , mais ce que vous n'avez pas compris à la politique de la nouvelle majorité , c'est qu'elle a voulu associer l'opposition , actuelle minorité et ancienne " majorité " comme vous dites , en lui donnant des responsabilités au parlement , que vous considérez comme une chasse gardée à une secte et deux partis ! et leur refuser la participation au gouvernement pour pouvoir travailler sans bâtons dans les roues , comme ils ont l'habitude de faire . Voilà le réalité des choses , et croyez moi cher monsieur Touma , le pays va très bien et restera ainsi , malgré toutes les tentatives de déstabilisations qui ne franchiront même pas nos frontières ! Réjouissez vous et appréciez la belle vie , la quiétude , la paix et le calme , que cette nouvelle majorité NOUS offre et nous procure à nous tous , et disons lui Merci et bravo .

    JABBOUR André

    03 h 22, le 25 octobre 2011

  • Triste en effet pour le hezbollah de ne pas tirer les leçons des printemps arabes et des dictateurs déchus , dans ce monde arabe qui bouge assoiffé de démocratie et non de mépris et de préserver intacte cette mosaïque libanaise ou lui aussi est une minorité dans ce grand monde arabe à majorité sunnite . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    02 h 45, le 25 octobre 2011

  • Monsieur Michel Touma, votre article est superbement objectif. Vous dites et appelez les réalités par leur nom propre. Je ne peux rien y ajouter. Tout est dit. Félicitations chaleureuses. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    01 h 24, le 25 octobre 2011

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