Soit. Mais si lire et écrire sont les deux mamelles de la communication, s’il est convenu que le parler y prend sa source, nous voilà par cette forme d’ignorance au seuil d’une ère de conflits et de malentendus. Babel n’est pas loin où l’incompréhension disperse. On sous-estime le pouvoir pontifiant des mots. Sans eux, il ne reste que les gestes. Or un geste, fut-il le plus doux du monde, est toujours perçu comme hostile s’il n’a pas été préparé par des mots. Allons-nous vers un monde de grognements informes où la police devra remplacer la courtoisie ? Tout prête aujourd’hui à le croire. Tant que l’on se parle par écrans interposés, tant que l’information prétend remplacer la culture, tant qu’on se refuse à écrire « je t’aime » en toutes lettres, les abréviations phonétiques tenant lieu de tout aussi brefs engagements, la génération qui prépare l’avenir avance à reculons sur la pente douce de l’obscurantisme. Parce que la pauvreté du langage a pour corollaire la précarité de l’opinion. Parce que les esprits sans mots ont cette virginité qui fait les choux gras des dictateurs. Il faut d’urgence restituer au livre la place qu’il occupait sur le temps des loisirs. Pour la paix, sans doute. Pour la liberté, sûrement.
Pente douce
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 22 septembre 2011 à 00h42
Soit. Mais si lire et écrire sont les deux mamelles de la communication, s’il est convenu que le parler y prend sa source, nous voilà par cette forme d’ignorance au seuil d’une ère de conflits et de malentendus. Babel n’est pas loin où l’incompréhension disperse. On sous-estime le pouvoir pontifiant des mots. Sans eux, il ne reste que les gestes. Or un geste, fut-il le plus doux du monde, est toujours perçu comme hostile s’il n’a pas été préparé par des mots. Allons-nous vers un monde de grognements informes où la police devra remplacer la courtoisie ? Tout prête aujourd’hui à le croire. Tant que l’on se parle par écrans interposés, tant que l’information prétend remplacer la culture, tant qu’on se refuse à écrire « je t’aime » en toutes lettres, les abréviations phonétiques tenant lieu de tout aussi brefs engagements, la génération qui prépare l’avenir avance à reculons sur la pente douce de l’obscurantisme. Parce que la pauvreté du langage a pour corollaire la précarité de l’opinion. Parce que les esprits sans mots ont cette virginité qui fait les choux gras des dictateurs. Il faut d’urgence restituer au livre la place qu’il occupait sur le temps des loisirs. Pour la paix, sans doute. Pour la liberté, sûrement.
Madame Fifi Abou Dib, je vous salue pour votre excellent article. Rien ne peut remplacer un bon livre. Anastase Tsiris
03 h 46, le 22 septembre 2011