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Nos Lecteurs ont la Parole

C’est ainsi que le Liban est fait

Georges TYAN
Quelle levée de boucliers et en face quel tonnerre d’applaudissements ! Il faut dire que notre classe politique toutes appartenances confondues, donne plaisir à voir, écouter, lire, regarder et entendre sans jamais rien comprendre de ses péroraisons.
Beaucoup conviendront avec moi qu’il s’agit là d’une caste vivace, énergique, réactive ; elle démarre au quart de tour dès qu’on lui donne matière à penser, comme dans un jeu de rôle : « Tu parles, je te réponds », quelle que soit la manière, la politesse n’étant pas toujours de mise.
Il faut noter que, jusqu’à présent, l’artillerie lourde n’est pas entrée en action ; elle ne le fera pas, me semble-t-il, le soin de la repartie ayant été laissé aux seconds couteaux, ce qui est judicieux, comme quoi si une correction est à apporter, une excuse à présenter, elle le sera sans dommages collatéraux, il y aura toujours quelqu’un de dévoué pour porter le chapeau.
La personne incriminée, elle, moins détendue qu’à l’ordinaire, renvoie ses contempteurs à son œuvre complète, leur demandant de lire le verset en entier, non les morceaux choisis par une presse prompte à monter en épingle, les deux ou trois phrases objet de tous les ressentiments.
Dans un pays normalement constitué, tout ce charivari n’aurait pas eu lieu, l’homme de religion aurait été invité très poliment, mais fermement, à s’occuper de la santé religieuse de ses ouailles, laissant la politique politicienne aux professionnels en la matière qui malheureusement ne se sont avérés être rien d’autre que des amateurs pas toujours éclairés.
La séparation entre le spirituel et le temporel est bien en évidence dans notre Constitution mais, us et coutumes obligent, les politiciens de tout cru, de tout temps, de tout siècle, n’ont jamais eu de cesse de recourir aux chefs religieux de leurs communautés respectives, les immisçant dans les moindres recoins de la vie politique courante, s’en servant, non parfois, mais à tout bout de champ, comme d’un paravent, pour arriver à leurs fins.
Cela a eu pour effet pervers, il faut le souligner, d’accentuer le clivage entre les communautés qui forment le tissu social de notre pays, chaque locataire d’un siège pastoral se sentant investi d’une double mission : céleste (spirituelle), cela va de soi, et plus terre à terre, devant assumer également le rôle de guide politique, que chez nous, à l’instar de ce qui se passe dans toutes les démocraties qui se respectent, logiquement, ils ne doivent pas exercer.
Mais un homme est un homme, qu’il soit vêtu d’une bure ou d’un turban, il est donc tout à fait normal que lorsqu’on vous institue contre toute logique, en ultime référence politique, qu’on vous encense et vous applaudit du matin au soir, en dépit de votre simplicité et humilité innées, vous adoptiez, à votre corps défendant un comportement aux antipodes de votre naturel. C’est tout à fait humain.
Chacun de vos gestes est épié, chaque parole que vous prononcez tombe dans le domaine public, même si les lumières des projecteurs et les caméras de télévision faisaient partie de votre quotidien, votre statut est désormais tout autre, : vous prêtez le flanc, quand cela arrange les uns, à leurs louanges, ils vous portent aux nues, tandis que les critiques acerbes, allant souvent jusqu’à la calomnie, des autres, n’en finissent pas de tarir.
C’est la loi de la nature, la rançon d’être devenu le recours par excellence d’un peuple qui se cherche, d’un pays ballotté entre deux courants, chacun prétendant l’aimer à sa manière, l’un se posant en chantre de l’indépendance, de la souveraineté et de la liberté, le second voulant lier son avenir à des régimes en partance pour l’au-delà, ou à d’autres encore, où la tolérance sous toutes ses formes avoisine zéro.
C’est ainsi que Liban est fait ; son peuple, lui, subit en attendant des jours meilleurs.
N’empêche que dans le déchirement de ce choix inique, cornélien, le peuple reste versatile, c’est connu. Il brûle ses idoles sur le bûcher de ses appréhensions, il n’aime pas être brusqué, changer de cap, l’inconnu l’horripile, loin de ses certitudes il devient irrationnel, ses réactions sont imprévisibles, violentes, l’adulation fait place en un éclair à la haine la plus féroce, il n’y a point de juste milieu, c’est le désamour le plus total.
Souvenez-vous des 100 jours de Napoléon, rentré en France sous les vivats, chassé tel un malfrat sous les quolibets ; de Winston Churchill, congédié après avoir gagné la Deuxième Guerre mondiale ; du président Fouad Chéhab qui avait, entre autres, aménagé le port de Jounieh, tracé de larges routes au Kesrouan et qui, en reconnaissance, fut battu à plate couture aux législatives de 1968, dans sa propre région, sa propre maison. L’histoire abonde de ces exemples frappants.
Ce glissement du spirituel vers le politique, sa mainmise totale, sans partage, sur l’une des principales composantes de notre pays a prouvé, si besoin encore est, combien néfaste est cette pratique qui, je le répète, est uniquement le fait de politiques s’étant retranchés derrière les hommes de religion et croyant pouvoir les manipuler à leur guise.
Tel est pris qui croyait prendre. Mais arrive un temps où il faut que Dieu garde ce qui Lui revient et rende au commun des mortels l’usage de leur liberté politique, loin de toute contrainte ou exclusive.

Georges TYAN
Quelle levée de boucliers et en face quel tonnerre d’applaudissements ! Il faut dire que notre classe politique toutes appartenances confondues, donne plaisir à voir, écouter, lire, regarder et entendre sans jamais rien comprendre de ses péroraisons. Beaucoup conviendront avec moi qu’il s’agit là d’une caste vivace, énergique, réactive ; elle démarre au quart de tour...

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