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Nos Lecteurs ont la Parole

Du confessionnalisme politique à la laïcité

Par Joseph W. ZOGHBI
Le confessionnalisme est une appartenance à une confession donnée. Le « confessionnalisme politique », que certains veulent abolir sans se soucier de l’appartenance confessionnelle des citoyens, n’est pas, comme on veut le dépeindre, une simple distribution, entre les diverses communautés, de postes au sein du pouvoir politique et de l’administration. C’est une théorie politique que les pères de l’indépendance ont élaborée et qui est liée à une « formule d’entente ». L’abolition de « l’entente » est possible, mais comme c’est l’essence même de l’existence de l’État qui est en jeu, il faudrait trouver une autre forme d’entente « qui la remplacerait et qui rassurerait les diverses communautés libanaises sur leur avenir.
Le confessionnalisme est une appartenance humaine et sociale complexe. Nous avons aujourd’hui au Liban 17 communautés reconnues dans les textes de lois et d’autres plus petites non reconnues. La personne, quelle que soit sa communauté, considère que sa destinée réside dans l’environnement même où elle évolue. Les personnes d’une même confession partagent des intérêts communs qui les différencient de ceux des autres confessions. Elles pressentent qu’elles ne peuvent s’accomplir qu’à travers leur confession et donc celle-ci a pour eux une valeur profondément existentielle. Appartenir à une communauté donne la sensation d’appartenir à ses semblables et tend à fortifier la personne par cette appartenance. Les personnes d’une même confession ont donc, outre des affinités religieuses et des croyances ancestrales, des relations de sang, ainsi qu’un comportement et une vision déterminés de la vie. L’éducation est une composante essentielle à travers les écoles privées, et l’indépendance des confessions quant aux lois civiles est une particularité libanaise importante dans ce système confessionnel. Les personnes d’une même confession se regroupent aussi géographiquement dans des lieux déterminés et historiques, selon l’origine et le développement de la communauté à travers les âges.
Ce qui rapproche les personnes de diverses confessions, c’est les intérêts
politico-économiques qui tissent des liens interconfessionnels. Pour avoir un avenir politique, l’homme ou la femme doivent avoir principalement l’aval de leur confession pour ne pas être rejetés, même s’ils ont l’aval de toutes les autres confessions. Une chose est claire : cette formule d’entente favorise quand même la modération malgré les soubresauts historiques meurtriers. L’homme ou la femme politique doit aussi s’appuyer sur les cercles d’amis, les intérêts économiques et politiques.
Ce confessionnalisme politique n’a pas toujours produit, pour le moins qu’on puisse dire, que des aspects positifs, d’où notre quête pour trouver une autre formule d’entente. La tendance du Libanais à sombrer dans l’appartenance confessionnelle conflictuelle provient de la fragilité de la formule d’entente qui produit un équilibre instable, lequel doit constamment être retrouvé, malgré les nombreux intérêts politico-économiques. Cette fragilité conduit à des divisions confessionnelles et des crises chroniques de confiance, et à un sentiment de refus mutuel plus ou moins grave entre les confessions et surtout entre chrétiens et musulmans, ainsi que, récemment ; entre musulmans.
Les crises de confiance sont principalement le résultat des retombées des situations politiques, sociales ou économiques mondiales. Au Liban, ces problèmes s’amplifient et s’éternisent. La division actuelle du monde entre islam et chrétienté, entre islam radical et islam modéré, et entre islam chiite et islam sunnite a au Liban des retombées énormes. Si on prend les bases confessionnelles des conflits, aucune personne appartenant à l’une ou l’autre des communautés ne peut être au-dessus de tout soupçon de connivence avec l’une ou l’autre tendance, à cause de son appartenance. Un sunnite est tout de suite catalogué comme voulant préserver le statu quo favorable aux sunnites et faire triompher la « oumma » ; un chiite est catalogué a priori portant un treillis et des armes et voulant faire triompher la « wilayet el-fakih » ; et un chrétien est catalogué comme profitant de l’une ou l’autre situation dans sa lutte pour le leadership de sa communauté et pour rétablir le leadership chrétien au Liban. Cette vision est, certes, réductrice mais elle donne une idée sur la contenance des grosses boîtes noires qui constituent la « fédération communautaire au Liban » et ses relations mondiales.
Par ailleurs, nous en sommes toujours à rechercher notre appartenance nationale : est-elle libanaise principalement, chrétienne, arabe, musulmane sunnite ou chiite ? Là aussi, chaque choix conduit à des accusations de suspicion et quelquefois de traîtrise ...
Un seul remède : ne pas politiser le confessionnalisme et les appartenances. Mais est-il possible de ne pas le faire dans la situation actuelle de la formule d’entente ? Et la solution signifie-t-elle simplement l’abolition du confessionnalisme politique ?
Et si nous voulions tout changer ?
Il n’est pas possible d’abolir le confessionnalisme politique tant qu’on n’a pas trouvé de palliatif à la participation de toutes les confessions en tant qu’ensembles au pouvoir central de l’État – au niveau du législatif, de l’exécutif, du judiciaire, de l’administratif,etc. –, de manière à tranquilliser tous ces ensembles sur leur droit au pouvoir. Ou de faire participer tous les citoyens, quelle que soit leur confession, d’une manière juste et égale dans les affaires de l’État.
Mais comment abolir le confessionnalisme politique avec l’existence de lois civiles distinctes pour les diverses communautés et des systèmes d’éducation tous azimuts, selon les croyances de chacun ? Lois non égalitaires et quelquefois rétrogrades.
On ne peut s’attaquer à la formule d’entente qui tend à faire participer les confessions au pouvoir en « oubliant » leur indépendance concernant les systèmes éducatifs et les lois civiles.
La seule et unique possibilité pour abolir le système confessionnel au Liban ne consiste pas seulement à abolir le confessionnalisme politique ;
il convient d’établir aussi la séparation totale de la religion et de l’État, et donc d’appliquer la laïcité.
Le confessionnalisme est une appartenance à une confession donnée. Le « confessionnalisme politique », que certains veulent abolir sans se soucier de l’appartenance confessionnelle des citoyens, n’est pas, comme on veut le dépeindre, une simple distribution, entre les diverses communautés, de postes au sein du pouvoir politique et de l’administration. C’est une théorie...

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