Une demi-heure avant le rendez-vous, fixé à 21h, les manifestants ont commencé à arriver au centre-ville, certains seuls, d’autres accompagnés d’amis. Il y avait des journalistes, des écrivains, des artistes, des militants des droits de l’homme. Il y avait aussi des anonymes, des personnes venues parce qu’elles croient à l’amitié entre les peuples, parce qu’elles veulent que la dignité humaine soit respectée au Liban comme en Syrie, et parce qu’elles rêvent de démocratie et de liberté pour tout le monde arabe.
Roger Assaf, homme de théâtre proche du mouvement du 8 Mars, était parmi les premiers arrivants à la place des Martyrs. Il n’était pas le seul intellectuel, artiste ou militant des droits de l’homme proche de ce courant à allumer une bougie en guise de soutien au peuple syrien. Il y avait notamment l’universitaire Fawaz Traboulsi et le journaliste Pierre Abi Saab.
Dans un bref entretien avec L’Orient-Le Jour, M. Assaf, appartenant à la vieille gauche libanaise, a lancé en plaisantant qu’il fait partie du « Mouvement du 32 février », indiquant qu’il s’est rendu place des Martyrs pour être avec ses amis intellectuels. « Plus rien ne peut arrêter le mouvement de protestation syrien. Je suis là pour dire que les êtres humains ont tous le droit à la liberté », affirme-t-il.
Il y avait aussi des intellectuels neutres, militants des droits de l’homme, comme l’artiste Marcel Khalifé et le chercheur palestinien Sakr Abou Fakhr, qui a indiqué que « cette manifestation aide à réhabiliter nos principes démocratiques ».
« La honte du Liban »
L’ancien ministre et député du bloc parlementaire du Futur, Ahmad Fatfat, était là à titre personnel. Il a qualifié l’abstention du Liban au Conseil de sécurité de « honte ». « J’ai l’impression que nous sommes en train de perdre notre souveraineté et que les décisions diplomatiques libanaises se prennent à Damas », a-t-il ajouté, mettant en garde contre le fait de « perdre notre démocratie ».
Hazem Saghieh, éditorialiste proche des milieux du 14 Mars, a noté de son côté que « le peuple libanais ne peut pas se taire devant les crimes commis en Syrie ». Il a mis l’accent aussi sur « la confusion » du Premier ministre, Nagib Mikati, qui a bien accueilli les propos du roi d’Arabie qui avait dénoncé la répression en Syrie.
Parmi les manifestants, beaucoup avaient pris part à des rassemblements place des Martyrs lors des grandes manifestations du 14 Mars.
Zahwa Majzoub, professeure d’université, est là parce qu’il « faut soutenir toutes les révolutions arabes » et « parce que la révolution en Syrie donnera un nouveau souffle à l’intifada du 14 Mars ».
Diana Kallas, spécialisée en affaires publiques, souligne qu’elle « manifeste pour la dignité du peuple syrien ». Amanda Abi Khalil, qui travaille dans le domaine de l’art, indique que « la mobilisation pour la Syrie est nécessaire. Il faut que des voix se lèvent contre les crimes perpétrés dans ce pays ».
Des dissidents syriens
Brandissant des pancartes, des drapeaux syriens et libanais, des manifestants se sont rassemblés devant la statue des Martyrs répétant les mêmes slogans scandés actuellement en Syrie. « Bachar, dégage », « Bachar va-t’en, on ne t’aime pas », « Bachar est un sanguinaire, un traître », « Nous donnerons notre âme et notre sang à Hama/Deir ez-Zor/Damas... ».
Tour à tour, des manifestants prenaient la parole pour réciter des sortes de poèmes rapportant les événements en Syrie, alors que la foule répétait les paroles après eux.
L’on pouvait lire sur les pancartes : « Honte pour le Liban au Conseil de sécurité », « Le régime syrien est un assassin, au Liban et en Syrie », « Non au silence au Liban », « Toutes les quinze minutes, une personne est arrêtée en Syrie » ou encore « Toutes les deux heures, un martyr tombe en Syrie ». Les manifestants brandissaient aussi deux banderoles portant des dizaines de noms d’opposants syriens et frappées de l’inscription : « Ma voix les libérera ».
La manifestation a aussi rassemblé des dissidents syriens. Certains cachaient leur visage par une keffieh pour ne pas être reconnus des services de renseignements de leur pays. Parmi eux un spécialiste des médias sociaux qui a quitté la Syrie il y a déjà cinq mois. « Je ne suis jamais resté autant de temps hors de Damas. Mais je n’ai pas le choix. Je n’ai pas peur de mourir ; je ne veux pas être emprisonné et torturé. Chez nous, on ne sait jamais quel sort est réservé aux personnes arrêtées, elles disparaissent... » confie-t-il.
Chahine, originaire lui aussi de Damas et spécialiste également des nouveaux médias, a déjà donné plusieurs interviews à la presse, sous le couvert de l’anonymat, cachant son visage et son identité. Hier, il était présent la tête nue et le visage découvert. « J’ai été démasqué par les services de renseignements syriens. Mes amis m’ont balancé sous la torture. Nous savions dès le début que nous allions payer un prix très élevé pour la liberté », dit-il. Il donne des chiffres : « Jusqu’à présent en Syrie, on compte 2 300 martyrs, 14 000 personnes emprisonnées, 3 000 disparus et 12 000 blessés. »
Chahine et ses camarades, exilés au Liban, veulent rentrer en Syrie. Ils veulent vivre libres et dignes dans leur pays. Pour le moment, ils manifestent à Beyrouth, à la place des Martyrs, plantent leurs drapeaux devant les imposantes statues de bronze. Une place et des statues témoins de toutes les revendications et libertés.
à se croire au dessus de tout on ne voit plus se qui se passe dans l'arène... hihihi, il faut souffler par le nez quand même Anastase.
17 h 23, le 09 août 2011