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Cendres

Souvenir de septembre : la terre est chaude. L'air est déjà froid et embaume le feu de bois. Des tumulus fumants envahissent la montagne, comme si la terre explosait en centaines de petits volcans. Des branches mortes au soleil de l'été on fabrique le charbon de l'hiver. Nos rituels rustiques sont toujours de mort et de renaissance, d'épuisement et de combustion, de métamorphose de l'inutile, de transfiguration du périmé.
Le chaos qui semble régner sous nos cieux n'est pas aussi insensé qu'il le paraît. Loin des grandes théories, il obéit simplement au retour nécessaire de la vie sur elle-même. Et tout retour signifie l'inversion d'un processus, le rebours d'un chemin. Toujours il nous faut repartir à zéro, reconstruire sur des ruines, remettre en question nos certitudes (nous évitons d'ailleurs d'en avoir), commencer là où d'autres se sont arrêtés, nous arrêter quand le reste du monde avance. Cela s'appelle l'instabilité, cette malédiction qu'il nous arrive de transformer en grâce.
Miraculée de la crise mondiale, notre économie, malgré le surendettement, a survécu en nageant à contre-courant : étant restés en marge de la fièvre boursière à défaut de moyens, nous en avons peu subi les conséquences. Ainsi de suite : la haute-couture libanaise, insignifiante quand Paris faisait tourner la planète du luxe, a trouvé sa place au soleil presque au même moment où Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent déclaraient la mort du secteur. Combien sont-ils désormais, sept ? huit ? dix au moins à défiler sur les plus beaux podiums du monde, offrant au label libanais d'inespérées lettres de noblesse. À rebours vous dis-je, et ça marche, c'est notre « façon d'marcher ». Pareil pour l'immobilier : s'il n'a pas encore vraiment subi le choc mondial, c'est parce qu'il était déjà en retard sur la demande, malgré la construction acharnée de ces dernières années.
Plus que jamais la croix de cendre, que portent les chrétiens à leur front cette semaine, est le signe du flux et du reflux de la vie dans ce pays qui meurt et renaît sans cesse, et tombe et se relève dans la phobie des explosions et des conflits armés, la mésentente de ses dirigeants, le langage haineux de certains d'entre eux, l'absence de perspective devenue endémique. De tout cela il s'est fait un panache qui flotte au vent avec superbe. Peu importe qu'il caracole en queue du peloton, il continue quand les autres s'arrêtent. C'est à croire qu'il va finir premier ■
Souvenir de septembre : la terre est chaude. L'air est déjà froid et embaume le feu de bois. Des tumulus fumants envahissent la montagne, comme si la terre explosait en centaines de petits volcans. Des branches mortes au soleil de l'été on fabrique le charbon de l'hiver. Nos rituels rustiques sont toujours de mort et de renaissance, d'épuisement et de...
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