Toutes ces certitudes dans lesquelles on baigne depuis l'enfance, le culte du chef, la puissance du groupe, d'où vient que d'autres les contestent ? On peut se boucher les oreilles pour ne pas les entendre. Mais il faudrait quatre mains pour s'empêcher aussi d'ouvrir les yeux et voir leur nombre. Pourquoi ne pensent-ils pas pareil ? Si les valeurs dans lesquelles on a grandi étaient incontestables, pourquoi se trouve-t-il tant de monde pour les contester ? Quand on en arrive à cette question, on est déjà dans le doute.
Et le doute est insupportable à qui n'a pas d'opinion de rechange, la sienne ayant été confisquée avant même de se former. Le doute, c'est la faille dans la masse, le fil dans le beurre, la lézarde dans le mur protecteur des idées arrêtées, la fissure dans la pierre angulaire de la voûte si confortable des certitudes. Douter est péché mortel au monde de la pensée unique. C'est le trouble douloureux qui précède la réflexion, le verbe même du substantif liberté, un processus individuel et pervers qui fait nager à contre-courant par-delà ses forces. Dès lors, qui vous incite au doute perce votre cuirasse, ce talisman. Et ça, c'est impardonnable.
Cette douleur-là, Zeineddine savait-il qu'il la colportait au bout de sa hampe, dans les couleurs de son fanion ? Cela justifiait-il que l'on s'acharne sur son corps à l'arme blanche ? Est-il admis de sanctionner par un crime de sang-froid tout acte perçu comme une provocation ? Et comment évaluer une provocation dès lors que la simple expression d'une opinion contraire est comprise comme telle ? Au Liban, il est des situations où l'on peut manquer d'arguments. Jamais de munitions ■