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Au loup, au loup...

Des vociférations d'un côté, des provocations de l'autre, des insultes calibrées le matin, des biceps qu'on gonfle le soir, on se dit alors : « Ça y est c'est la guerre. » Et le lendemain, comme par enchantement, on se calme, on décide d'une trêve, le temps de refaire ses comptes, de voir jusqu'où on peut aller loin, pas trop loin quand même parce que l'heure n'a pas sonné...
Partie remise donc : le président Michel Sleiman peut y aller de son discours d'homme d'État aux Nations unies, marteler les conditions d'une paix que nul n'a envie de garantir, expression symbolique d'un État de droit sévèrement malmené à domicile, voué aux gémonies par les tenants de « l'ordre nouveau ».
Parallèlement, Ahmadinejad peut, lui aussi, préparer tranquillement sa très prochaine visite à Beyrouth, mettre la dernière touche au spectacle qu'il entend présenter au Liban-Sud, à la porte de Fatima de préférence, au nez et à la barbe des Israéliens... Un spectacle dans la droite ligne du show offert à l'Assemblée générale de l'ONU, devant un parterre de personnalités pour le moins ébahies.
Une trêve, donc (toute relative quand même), le temps d'un intermède onusien, le temps d'une visite du fait accompli, celui de l'osmose parfaite entre un Hezbollah plus agressif que jamais et un Iran venu au Liban même pour s'assurer du respect des dogmes...
Ahmadinejad parti, exécuté le « marché de dupes » l'espace de 48 heures, les meneurs de jeu auront alors tout loisir de revenir à leur antienne, de remobiliser tribus et communautés, d'acérer les armes des règlements de comptes longuement planifiés.
Dire que les mois à venir s'annoncent inquiétants, sinon critiques, relèverait d'une lapalissade. La montée des tensions confessionnelles, la médiatisation acharnée des ressentiments, des haines communautaires, avec, en arrière-plan, le glaive et la balance d'une justice immanente, mais d'ores et déjà rejetée, augurent de difficultés inextricables, de dérapages difficilement évitables.
Le leitmotiv, étalé dans les journaux, ressassé sur les écrans de télévision, est le suivant : Si le Tribunal spécial pour le Liban n'est pas torpillé, définitivement enterré, c'est la guerre civile assurée, une guerre de tranchées entre sunnites et chiites, une « irakisation » effroyable que « seul le retour des forces syriennes au Liban » pourrait juguler.
Au loup, au loup... Un scénario bis asséné comme le rappel d'un cliché éculé : l'histoire est un éternel recommencement.
Détestable communautarisme religieux qui ouvre la voie à tous les excès, à toutes les interférences, qui transforme l'État en spectateur impuissant d'un chaos programmé. Sunnites, chiites, maronites, catholiques, druzes, orthodoxes... la liste est longue, les opinions sont multiples, antagonistes. Allah peut-il encore reconnaître les siens ?
Pour finir, une leçon d'humilité, d'universalité, délivrée par Jean Daniel dans le Nouvel Observateur. Le journaliste rappelle ses origines juives, « les châles de prière qui ont été le ciel et le bouclier » de son enfance, révèle avoir pratiqué le ramadan avec des compagnons musulmans, et conclut en ces termes : « Quant à être chrétien, je le suis simplement parce que je suis français. Je le suis par osmose, par imprégnation...Tout est chrétien en France, dans la pierre et dans la culture... »
Mais au Liban, dans ce Liban déchiré, meurtri, de quelle confession sont donc nos pierres, à quelle communauté appartiennent-elles ? On s'y perdrait évidemment, et c'est là tout le drame...
Des vociférations d'un côté, des provocations de l'autre, des insultes calibrées le matin, des biceps qu'on gonfle le soir, on se dit alors : « Ça y est c'est la guerre. » Et le lendemain, comme par enchantement, on se calme, on décide d'une trêve, le temps de refaire ses comptes, de voir jusqu'où on peut aller loin,...
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