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Choix chrétiens

« Sans les chrétiens, le Liban n'aurait plus de raison d'être. Sa vocation est d'être pluriel, ouvert sur le monde, véritable centre de dialogue des religions et des civilisations. » Ces propos sont ceux tenus par Rafic Hariri bien des années avant son assassinat, lors d'une rencontre avec des journalistes de L'Orient-Le Jour, dont l'auteur de ces lignes, à qui il reprochait leurs critiques régulières, dans les colonnes du journal, de sa gestion des affaires politiques, comme « un Premier ministre, PDG d'une entreprise nommée Liban ».
Rafic Hariri en était profondément blessé. Le regard porté sur l'avenir, persuadé, alors, que la paix régionale était à portée de main, il voulait absolument que le Liban soit au rendez-vous de l'histoire, fort d'une infrastructure reconstituée au sein de laquelle les élites chrétiennes auraient eu un rôle essentiel à jouer.
Patatras : la paix promise, de Madrid à Oslo, de New York à Camp David, s'est avérée un pur mirage du désert, et les paris de Rafic Hariri se sont fracassés contre le mur des surenchères, se sont délités dans des gouffres financiers, prix lourdement payé pour une vision de bâtisseur.
Pourquoi cet avant-propos ? Juste pour dresser un triste constat : la paix régionale, aujourd'hui, est encore plus hypothétique qu'il y a deux décennies, et les chrétiens attendent toujours dans les antichambres de l'exclusion que leur soit délivré le sauf-conduit qui leur permettra de redonner au Liban sa raison d'être, qui autorisera le pays du Cèdre à retrouver sa vocation première : un État de droit basé sur la tolérance et le respect d'autrui, en paix avec lui-même et avec les autres, loin des tumultes et des menaces de guerres menées à l'infini.
Destinés, dès l'épopée de l'indépendance, à en être l'âme, le protecteur intransigeant, les chrétiens se retrouvent, aujourd'hui, neutralisés, marginalisés, du fait même de leurs divisions, de leurs déchirements, entraînés dans des axes et des courants contraires qui en font de simples comparses.
Une dérive dont sont responsables ceux-là mêmes qui ont cautionné l'inacceptable, couvert les écarts les plus fous et absous, sans autre forme de procès, les responsables présumés de forfaits intolérables.
Une dérive dont sont responsables ceux-là mêmes qui ont tout fait pour retarder l'élection présidentielle, pour ôter au chef de l'État sa fonction naturelle d'arbitre suprême, ceux-là mêmes qui ont applaudi à l'aberration du tiers de blocage et rendu quasiment impossible la bonne marche des institutions légales.
Une dérive couronnée par les atteintes inacceptables au symbole même de la pérennité maronite, celui à qui « la gloire du Liban a été donnée », comme se plaisent à le rappeler les nombreuses ouailles de Bkerké.
La question, aujourd'hui, est fondamentalement chrétienne, c'est d'elle que découlera la suite des événements, c'est elle qui tracera l'avenir du Liban pour les années à venir.
Les enjeux, autant politiques que culturels, seront posés dans toute leur acuité aux législatives de juin prochain. S'il est d'ores et déjà admis que les dés sont jetés dans les régions à prédominance sunnite ou chiite, il est tout aussi clair que la bataille se jouera presque exclusivement dans les zones chrétiennes, d'où l'importance de chaque bulletin qui sera déposé dans l'urne.
Par-delà les personnes, les candidats qui vont se bousculer au portillon, l'électeur aura à se positionner, à voter en fonction des choix politiques, des alliances ou ententes conclues sans son consentement, sans son approbation.
Par son vote, il aura à répondre, en filigrane, aux questions fondamentales suivantes : Quel Liban voulons-nous ? Celui de l'État de droit ou de l'État dans l'État ? Celui détenteur exclusif des décisions de guerre ou de paix, ou celui otage d'une milice puissamment armée ?
Quel Liban voulons-nous ? Celui libéré des forces israéliennes, en 2000, et syriennes, en 2005, ou celui qui s'évertue à fournir des prétextes aux intrusions de l'un, aux agressions de l'autre ?
Quel Liban voulons-nous ? Celui d'une démocratie saine où la majorité gouverne et l'opposition conteste, ou celui du blocage légalisé qui achèvera de paralyser ce qui ne l'a pas encore été ?
En résumé, et en une phrase : les électeurs chrétiens auront, tout simplement, à décider, demain, s'ils veulent d'un État fort, donc d'un président maronite fort, ou s'ils préfèrent maintenir la situation en l'état : des institutions pulvérisées et des chefferies gloutonnes qui ne se nourrissent que des branches du Cèdre dépecé ■
« Sans les chrétiens, le Liban n'aurait plus de raison d'être. Sa vocation est d'être pluriel, ouvert sur le monde, véritable centre de dialogue des religions et des civilisations. » Ces propos sont ceux tenus par Rafic Hariri bien des années avant son assassinat, lors d'une rencontre avec des journalistes de L'Orient-Le Jour, dont l'auteur...
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