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Liban - En dents de scie

Baffe(s) au centre

Vingt-sixième semaine de 2011.
Il est des perceptions troublantes : tout ça pour ça ? Cinq ans à attendre, la main sur le cœur pour la majorité des Libanais, la main sur le kalachnikov pour une partie d’entre eux, que l’acte d’accusation du TSL vienne inaugurer le (long) chemin vers la vérité et la justice : c’est désormais chose faite. Le prologue est là. Particulièrement frustrant puisque, concrètement, la quasi-totalité de la planète n’a eu droit qu’à la confirmation de la bonne santé des sources utilisées il y a près de deux ans par le Der Spiegel. Certes. Et pourtant : la date du 30 juin, celle de la livraison du Livre saint œcuménique, Bible et Coran à la fois signé Daniel Bellemare, reste capitale. Psychologiquement, c’est un séisme, qui pourrait catalyser une série de réactions.
Il est des concomitances de (deux) volets très drôles : le Conseil des ministres, qui savait parfaitement que l’acte d’accusation allait être transmis aux autorités libanaises concernées ce 30 juin, s’est dépêché de rendre publique sa déclaration de politique générale pratiquement au même moment. Un texte dont l’histoire ne retiendra, dans tous les cas, que la piteuse, l’imbécile clause 14, flanquée, c’est dire, des réserves d’au moins huit ministres et qui évoque, dans une langue inconnue, même dans ce pays de toutes les aberrations, la façon dont le Liban (ne) traitera (pas) avec le TSL. Une clause à l’image de ce cabinet : totalement schizophrène, puisque le Liban ne dispose pas d’un gouvernement, mais de trois : le cabinet de la troïka new look Sleiman-Mikati-Joumblatt (qui souffrira sans doute très vite de ruptures sévères de ligaments, à force de multiplier d’insensés grands écarts), le cabinet de Nabih Berry (il jubile : son mouvement Amal, vampirisé depuis si longtemps par le Hezbollah, sort indemne, automatiquement grandi donc par rapport à son éternel rival, de l’acte d’accusation) et le cabinet né en février 2006 dans l’église de Mar Mikhaël, celui du Hezbollah et du CPL.
Il est des calamités nettement moins sympathiques : c’est ce collectif babylonien qui va tout faire pour se soustraire à la légalité internationale, c’est ce collectif qui risque de jeter le Liban dans une marginalisation aux effets dévastateurs – un collectif, il est urgent de ne pas l’oublier, qui n’existe que grâce à d’autoproclamés centristes. Qui n’ont rien appris, ni de l’histoire ni de la géographie : celles-ci ont prouvé que dès qu’une catastrophe politique, qu’un chamboulement régional surviennent, neuf fois sur dix, c’est à cause de cette hérésie de centrisme. En refusant un axiome pur : qu’en aucun cas la stabilité pourrait prévaloir sans vérité et sans justice, sans réconciliation non plus, le trio Sleiman-Mikati-Joumblatt ne fait pas que conforter absolument le comportement ultramilicien et fasciste des autres, il invente, dans une impériale solitude, de nouveaux accords de Munich. Avec une variante, cependant : l’humour, véhiculé vaillamment par le déjà inénarrable nouveau ministre de l’Intérieur. Il n’existe pas au Liban des régions où les FSI ne peuvent entrer, a dit Marwan Charbel. Il est impératif que les amis de ce monsieur lui rappellent qu’il porte désormais une cravate et non plus ses galons de général ; qu’il fait désormais de la politique, qu’il exerce au Liban et que les Libanais ne sont pas (encore) lobotomisés.
Il est des certitudes terribles : viscérale, véritable raz-de-marée, abortive, la peur qui dégouline des yeux mêmes de la plupart de ces centristes libanais, cette peur d’une guerre globale (interlibanaise ou avec Israël) que le Hezbollah pourrait provoquer à n’importe quel moment si Téhéran en faisait la demande, cette peur-là a centuplé depuis que la chute de la maison Assad est devenue, aussi longtemps que cela prenne, inéluctable. Certes justifiée, cette terreur, au lieu de littéralement les porter, à ces centristes, elle les emporte, loin, elle les enfonce dans des compromissions honteuses, des abdications honteuses, des dénis de soi honteux, des renoncements honteux. Pire : la peur rend stupide : centristes ou pas, suppliques en faveur de la coexistence ou pas, matraquage de l’urgence de la stabilité ou pas, rien n’empêchera le Hezbollah d’allumer le feu s’il en reçoit l’ordre. Sauf, naturellement, le Hezbollah.
Hassan Nasrallah est censé s’exprimer ce soir sur l’acte d’accusation. Peut-être qu’il y renoncera au dernier moment parce qu’il ne peut qu’attendre, pour l’instant, les Syriens. Peut-être qu’il rabâchera une énième fois ses poncifs, que son parti n’est nullement concerné par le TSL. Peut-être qu’il demandera à ses partisans de planter de nouvelles tentes au centre-ville ou à ses miliciens de re-retourner leurs armes contre leurs concitoyens. Peut-être assénera-t-il que les quatre suspects ont agi à l’insu total du parti, comme ces espions recrutés par la CIA. Peu importe : Hassan Nasrallah est actant, décideur, il agit, il n’attend pas, il a le choix. Il le sait. Il le montre.
Les centristes, eux, subissent, ploient, attendent, craignent, ils ont sciemment dynamité leurs choix. Ils le savent. Désormais, ils le montrent. Ils sont les premières victimes (consentantes) de l’acte d’accusation de Daniel Bellemare.
Vingt-sixième semaine de 2011.Il est des perceptions troublantes : tout ça pour ça ? Cinq ans à attendre, la main sur le cœur pour la majorité des Libanais, la main sur le kalachnikov pour une partie d’entre eux, que l’acte d’accusation du TSL vienne inaugurer le (long) chemin vers la vérité et la justice : c’est désormais chose faite. Le prologue est là. Particulièrement...
commentaires (8)

c'est vrai c'est grandiose! Ah ce Pierre Bellemare, sur ce coup il a vraiment fait fort!

Albireo

07 h 41, le 02 juillet 2011

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Commentaires (8)

  • c'est vrai c'est grandiose! Ah ce Pierre Bellemare, sur ce coup il a vraiment fait fort!

    Albireo

    07 h 41, le 02 juillet 2011

  • "Fiat justitia ruat caelum"...que justice soit rendue même si le ciel doit s'écrouler, vous nous dites...Mais quid si le renard siège au procès de l'oie nous répond l'autre camps? Doit-on mener notre pays vers l'enfer pour satisfaire le renard? Pour une fois, je rejoins les paroles de (cet autre vieux renard) Mr. Joumblat, la paix civil avant tout. Malheureusement, seul l'histoire de notre pays, et ce qui l'en adviendra dans les mois qui viennent rendra ou pas justice à feu Rafic Hariri.

    Georges Chebib

    06 h 56, le 02 juillet 2011

  • Eh bien écoutez, j'ai une alternative à vous proposer. Un PR du FL, un PM rattaché au Seoud et un Mollah pour le perchoir. Cela vous conviendrez peut être mieux que le centrisme? Pour ma part je tire mon chapeau aux PR et PM d'avoir opté pour cette position difficile mais qui apporte la flexibilité nécessaire dans le fonctionnement des institutions. Roy ALLAM

    roy ALLAM

    05 h 07, le 02 juillet 2011

  • Le masque de ce "conglomérat" vient de tomber ! Il est condamné enfin à se dévoiler par "cette fantomatique marotte". Tout acte de sa part ne sera qu’une simple posture "minable" donc intenable au regard de la communauté internationale qui le bouscule et le pousse dans ses derniers retranchements, autant elle est enfin exigeante ! Etant entendu que cette "marotte" oxymore mais idéologiquement monochrome, ne représente qu’une "usurpatrice caricaturale pseudo-majorité" formée uniquement d’illustres "similis-résistants protos-réformateurs déshéritos-progressistes à la fade stature", n’étant présidée "pâlement" que par ce "simple Arbre de la science", "l’Exégète Nagib" himself en personne, Grand ? "théoricien renommé" de la "Pensée Mikatiste : Le Mikatisme", chef incontesté du non moins "non-illustre Mouvement à l’eau de Rose" ! Les voilà de ce fait au pied du mur ces "subtils astucieux bienheureux", censés dans leurs "esprits ?" uniquement se camoufler tapis dans l’ombre derrière le Solennel Hariri, croyaient-ils "ces pathétiques-là" ! Malgré tous leurs "bluffs", leur "puéril" stratagème tombe à l’eau car maintenant, après "la pseudo-divine quasi-résistance autoproclamée" et claironnée sur tous les toits encore en état au Liban, ils sont condamnés à devoir enfin démontrer par "ce fameux avorton nouveau-né" du changement, de la résistance réformo-progressiste de quoi ils seraient prétendument capables, ces "incapables panarabos-persiques", "similis résistants-réformés" d’après-fête et fin de l’Histoire, face à ce Fatal Grand Tribunal !

    KARAMAOUN Antoine-Serge

    05 h 07, le 02 juillet 2011

  • quel bel article. je vous tiens tellement au coeur, ce liban merveilleux. joseph artes bxl

    joseph artes

    04 h 35, le 02 juillet 2011

  • - Qu'on le veuille ou non le centrisme a sa place aujourd'hui, dans le contexte des choses. Deux pôles diamétralement opposés, et qui ne se dialoguent guère, ne peuvent jamais remettre le pays sur les rails. On ne parle pas ici de mathématiques ou moins et moins font plus. Une troisième force, si elle est positive, peut jouer le rôle d'intermédiaire et approcher, peut-être, les antagonistes vers le réalisme. Que les deux forces du bipolarisme pensent LIBAN avant toute autre chose. Des sacrifices sont demandées de tous pour que vive le LIBAN. C'est mon avis. Tasso Tsiris

    Tasso Tsiris

    03 h 44, le 02 juillet 2011

  • Le "centrisme" dont vous parlez est d'effet nul. Vous en montrez avec perfection le ridicule. "Il joue de manière surprenante le rôle de l'autruche", dit l'anciem ministre Mohammad Abdel Hamid Beydoun. On ne gouverne pas avec un tel rôle. Quand ledit centrisme tirera la tête du sable, il sera foudroyé par le choc à la perception des dégâts qu'il aura causés au Liban sur le plan national et le plan international.

    Halim Abouchakra

    02 h 37, le 02 juillet 2011

  • Grandiose!!! Simplement grandiose!!!

    Petrossou

    00 h 01, le 02 juillet 2011

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