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Couverture spéciale de la révolte en Libye - Reportage

La résistance laisse la situation mûrir à Tripoli

L'emprise des services de sécurité de Mouammar Kadhafi sur Tripoli s'affaiblit mais demeure trop grande pour qu'un soulèvement puisse être tenté à court terme dans la capitale libyenne, estiment des opposants réunis au sein d'un réseau clandestin de la ville.
Ces activistes, qui demandent que l'on ne révèle ni leur identité ni le lieu de la rencontre, ont déclaré à Reuters que le colonel Kadhafi contrôlait Tripoli au moyen d'informateurs et en ordonnant rafles et meurtres en série.
Mais ils parlent d'un appareil de répression sur la défensive, de centres de détention en nombre décroissant, d'interrogateurs ne sachant pas quelles questions poser, de personnes arrêtées puis libérées sans logique apparente.
Quatre militants de deux groupes d'opposition différents ont donné leur point de vue sur les conditions à réunir pour briser le contrôle de Kadhafi sur la capitale, son principal bastion. Leurs propos ne sont pas de nature à conforter ceux qui misent sur un règlement rapide du conflit déclenché depuis quatre mois.
Certains Etats de l'Otan considèrent un soulèvement à Tripoli comme le moyen le plus sûr de renverser Kadhafi après des mois de raids aériens et d'attaques des rebelles hors de la capitale qui n'ont produit aucun résultat décisif.


MAILLAGE DE SÉCURITÉ SERRÉ


"Aucun événement ne renversera à lui seul le régime ici à Tripoli", a dit un membre du Mouvement des générations libres répondant au nom de Niz. "Et il faudra du temps."
"Quatre mois, c'est long pour ceux qui sont pilonnés (par les forces pro-Kadhafi), pour ceux qui sont violés ou torturés. Mais objectivement, ce n'est pas long si l'on considère que ce régime est en place depuis 42 ans."
Selon ces activistes, un soulèvement à Tripoli requiert la poursuite des bombardements de l'Otan, une progression marquée des rebelles d'autres régions en direction de la capitale et un réseau d'opposition bien structuré dans la ville elle-même.
La création de ce réseau est devenue très difficile du fait que le gouvernement a coupé le réseau internet et les échanges téléphoniques par SMS, privant ses opposants d'accès à des moyens de communication qui ont contribué à l'éviction des dirigeants de la Tunisie et de l'Egypte.
"Nous sommes obligés de procéder à l'ancienne, cela prend du temps", a dit une militante de la Coalition des jeunes femmes de Tripoli nommée Fatima.
Dans le climat ambiant, l'organisation d'une rencontre avec ces militants a exigé qu'ils prennent des dispositions complexes pour que les services de renseignement ne la découvrent pas.
Ils font état d'un maillage de sécurité très développé dans la ville, surtout la nuit, avec des points de contrôle qui changent d'un jour à l'autre. Des personnes sont placées en détention des heures, des jours ou des semaines. "Il y a des arrestations en série tous les jours, des meurtres tous les jours", a déclaré Niz.
Selon les activistes, des personnes peuvent être arrêtées en raison de leur provenance s'il s'agit de villes comme Misrata ou Zlitane, où ont éclaté des soulèvements. Elles le sont parfois en raison de leur nom de famille, qui indique souvent en Libye la région d'origine ou l'appartenance ethnique.


"LOI DE LA JUNGLE"


Dans d'autres cas, les arrestations semblent opérées au hasard. "Il n'y a pas de règles", a dit Amal, militante de la coalition féminine.
Les autorités nient toute répression contre les dissidents, affirmant qu'une écrasante majorité de la population soutient Kadhafi et présentant ceux dont ce n'est pas le cas comme des criminels et des activistes d'Al Qaïda.
Les propos des militants n'ont pu être confirmés de source indépendante, la plupart des représentants de la presse internationale étant confinés dans un hôtel de Tripoli et rarement autorisés à se déplacer sans escorte.
S'il reste très actif, l'appareil de sécurité donne des signes d'affaiblissement, disent les activistes. Ils parlent d'une aggravation de la délinquance nocturne dans la ville et l'expliquent par le fait que les autorités se concentrent sur la défense du régime et négligent le maintien de l'ordre public.
Selon le militant Amal, des civils armés par le gouvernement pour renforcer la répression en viennent à dépouiller des habitants: "Ces volontaires ont pris ces armes non parce qu'ils croient en Kadhafi mais parce qu'ils voulaient du pouvoir."
"C'est la loi de la jungle", a dit Niz. "Il n'y a plus de loi, il n'y a plus que la protection du régime."
Les services de sécurité sont divisés, ont subi des défections et perdu des centres d'interrogatoire lors des raids de l'Otan, rapportent les militants. "Certaines personnes sont envoyées à des interrogateurs qui ne savent pas quoi leur demander", dit Salim, du Mouvement des générations libres.
"On arrête des gens qui ont commis de nombreux délits mais on les libère sans interrogatoire, on en garde d'autres qui n'ont rien fait pendant des semaines", ajoute-t-il. "Il n'y a pas de logique. Les uns sont libérés au bout de quelques heures, les autres détenus durant des jours et torturés."
Les militants notent cependant que les méthodes dures appliquées par le régime, son large recours aux indicateurs et la fermeture des réseaux sociaux se révèlent efficaces, de nombreux Libyens restant effrayés à l'idée de s'insurger.
"Beaucoup de gens, y compris des soldats, sont anti-Kadhafi, mais ils ne le montrent pas encore parce qu'ils ont peur", a dit Amal. "Ils attendent que les rebelles (d'autres régions) se rapprochent, pour que les combats puissent prendre fin rapidement au lieu de durer des mois."
"Quand le soulèvement se produira, il sera spontané", estime Niz. "Un événement planifié à l'avance sera impossible, car le régime s'y sera préparé. Ce serait du suicide."

L'emprise des services de sécurité de Mouammar Kadhafi sur Tripoli s'affaiblit mais demeure trop grande pour qu'un soulèvement puisse être tenté à court terme dans la capitale libyenne, estiment des opposants réunis au sein d'un réseau clandestin de la ville.Ces activistes, qui demandent que l'on ne révèle ni leur identité ni le lieu de la rencontre, ont déclaré à Reuters que le...