Rechercher
Rechercher

La drogue, un poison de plus en plus en vogue - Social

La drogue, un poison de plus en plus en vogue

La toxicomanie gagne du terrain et devient de plus en plus aiguë. Les jeunes en sont la cible privilégiée et la frange de population la plus vulnérable. La Journée internationale de lutte contre la drogue, célébrée hier, donne l’occasion de faire le point de la situation sur ce plan.

On commence par fumer un joint puis on sent le besoin de sensations plus fortes. (D.R.)


Haschisch, cannabis, héroïne, cocaïne, ecstasy, hallucinogènes et médicaments ont établi partout leur règne hideux. Selon des statistiques récentes du Bureau de lutte contre la drogue, les experts du secteur affirment que la consommation, la production et le trafic de la drogue sont en pleine expansion. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de consommateurs est en nette croissance et l’âge de la première consommation en baisse. Les plus touchés seraient les jeunes universitaires et les élèves du cycle secondaire. Entre 18 et 25 ans, 298 cas d’arrestations ont été recensés en 2008 ; 1002 en 2009 contre 1189 en 2010 (le bilan de 2011 est en cours). Parallèlement, une trentaine de mineurs arrêtés en 2008 affirment avoir pris leur premier joint entre 14 et 17 ans, contre 79 cas en 2009 et 74 autres en 2010. Le phénomène prend de l’ampleur. Selon une source sûre, la drogue est aux portes des écoles, dans les universités et partout où les jeunes se trouvent. Elle aura de beaux jours encore. Pour la journée internationale de lutte contre la drogue, célébrée hier, il est impératif de tirer la sonnette d’alarme !

Un spectre menaçant
Cette enquête de terrain auprès de spécialistes et d’« usagers » de la drogue permettra peut-être de réfléchir á la prévention, surtout auprès des personnes à risque, de même qu’elle devrait permettre d’aborder le problème de l’accès aux soins et celui de la réduction des dommages liés aux stupéfiants, á partir de propos tenus par des personnes qui sont ou ont été dépendantes. Elle lève ainsi le voile sur le monde de la drogue, plus particulièrement parmi les jeunes, et sur la détresse que vit notre société sur ce plan. C’est dans nos familles, écoles, universités, centres commerciaux, pubs, boîtes de nuit, lieux publics, salles de concerts ou aussi parkings que naît ce fléau, généralement considéré comme « une maladie exotique ».
Le chemin de la drogue n’est pas nécessairement pavé de « bizarreries » d’une catégorie particulière d’adolescents et de jeunes fondamentalement marginaux, mais de tout un enchevêtrement de facteurs étroitement imbriqués : fragilité affective, crises dans le couple parental, sentiment d’isolement au sein de la famille, problèmes économiques, effet de mode, recherche de nouvelles sensations. La glissade est presque toujours longue et lente. Elle pourrait se reconnaitre á certains indices, permettant aux parents, éducateurs et enseignants d’intervenir et de venir en aide au jeune en péril, de comprendre ce qui se passe en lui lorsqu’il devient étranger aux yeux de son entourage et vis-à-vis de lui-même.

Un « cancer » qui ronge notre société
Ils sont quatre camarades. Ils ont 15 à 16 ans. Issus de familles aisées, scolarisés dans les établissements les plus huppés, ils n’ont qu’une idée en tête : multiplier les excès. Finies les « parties », place aux soirées du samedi soir où tout leur est permis. Livrés à eux-mêmes, ils s’autorisent tous les excès. Arrêtés pour usage de drogue puis libérés, ils dévoilent une épreuve peu enviable : la confrontation humiliante avec leurs parents au commissariat de police. Face à cette éprouvante situation, il n’est pas difficile d’imaginer la réaction des parents qui va du choc et de la peur á la culpabilisation et la honte, en passant par la colère et la révolte. On ne peut s’empêcher de se demander qui des parents ou des enfants sont le plus á plaindre ?
Interrogé sur les motifs de leur consommation de drogue, les réponses de ces jeunes fusent, timides ou insolentes. Pour Raja, « la première rencontre avec la drogue a eu lieu lors d’une fête. Ses effets étaient immédiats ; je me suis senti bien », avoue-t-il d’une petite voix. « C’était à l’occasion d’un concert ; on m’a offert du haschisch et ça m’a plu », lance Jad, le regard insolent. Quant à Rami et Fadi, « fumer le premier joint est d’abord une curiosité, un plaisir de découvrir, de goûter au fruit défendu ». Un symbole peut-être de l’entrée dans la vie adulte ?
Les parents sont outrés de savoir que leurs enfants s’adonnent á la drogue alors que fumer une cigarette á cet âge est intolérable pour eux. Le constat est alarmant ! Si la drogue est depuis longtemps un problème chez les adolescents, la nouveauté est que la consommation se banalise chez les jeunes et devient de plus en plus précoce.
« Bon nombre d’entre nous pensent que la drogue, ça n’arrive qu’aux autres ; mais nous ne réalisons pas la quantité et le danger des produits qui sont á la portée de nos enfants et qui perturbent leur santé, leur scolarité, leur vie familiale et sociale », explique le colonel Adel Machmouchi, chef du bureau de lutte contre la drogue au poste de gendarmerie de Hobeich (Ras-Beyrouth), dont la réputation de responsable faisant preuve de beaucoup d’humanité et d’un grand courage n’est plus à faire. Il insiste sur la nécessité de mener une lutte sans merci contre ce fléau qui sévit dans tous les milieux, quels que soient les religions, les origines, le lieu où l’on habite. « Nos enfants côtoient ce danger au quotidien, affirme-t-il. La drogue qui s’est déjà infiltrée dans les écoles, les facultés va poursuivre ses ravages. Arrivé au stade de la dépendance, l’adolescent peut facilement verser dans la délinquance : le vol, le viol, la prostitution... D’où l’importance d’adopter très tôt un comportement préventif qui aura pour effet de limiter les excès propres á l’adolescence et á ses dangers. Toutefois, les actions de prévention ne peuvent être efficaces que si elles se font dans le cadre d’une politique nationale et en ayant en tête l’objectif selon lequel tout un chacun a une part de responsabilité dans le combat contre ce fléau destructeur. »
Le colonel Machmouchi invite les parents à redoubler de vigilance quant « aux activités de leurs enfants, leurs entretiens téléphoniques, leurs sorties nocturnes, leurs cercles d’amis et leurs dépenses », soulignant que « bon nombre de familles respectables perdent leurs enfants du fait de ce piège mortel ».

Les plantations qui narguent les autorités
Le colonel Machmouchi met ensuite l’accent sur l’expansion des récoltes de haschisch dans la vallée de la Békaa et au Hermel. Dans ces deux régions, l’arrivée des beaux jours marque le début de la saison pour les agriculteurs. Ils plantent des graines qui, dès les premières chaleurs, deviendront des plantes de cannabis et de pavot. « Durant la guerre, semer les graines de haschisch était banal. Mais depuis quelques années, nous menons systématiquement des campagnes d’éradication des champs de plantes psychotropes », explique le colonel Machmouchi . « Malgré toutes les embûches rencontrées lors de ces opérations, un travail considérable a été mené au niveau de la lutte contre les narcotrafiquants : 1 300 hectares de champs de cannabis ont été détruits en 2009 contre 1 100 autres en 2010 », précise-t-il.
Un travail de titan est mené par les forces de l’ordre pour lutter contre le trafic de la drogue. Leurs efforts ont été cependant ralentis en raison du vide institutionnel et des tensions politiques dans le pays. « Malheureusement, comme le pays est en proie cette année à de vives tensions, nous n’avons voulu donner à personne l’occasion d’exploiter la situation pour provoquer des problèmes de sécurité », explique le colonel Machmouchi. Les agriculteurs ont profité du vide politique pour s’adonner à leur culture, défiant les forces de l’ordre et se protégeant derrière leurs armes. Et de conclure : « Non loin des ruines de Baalbeck et de Anjar, une magnifique vallée est envahie par le cannabis. Ne serait-elle pas plus prospère transformée en un site touristique ? »
Un environnement favorable permet en quelque sorte l’extension de ce domaine d’activité, et dans un tel contexte, l’adolescent parvient á se procurer facilement de la drogue chez les dealers á des prix abordables, qu’il achète de son argent de poche.

 

Prochain article : Pourquoi les jeunes se droguent-ils ?

Haschisch, cannabis, héroïne, cocaïne, ecstasy, hallucinogènes et médicaments ont établi partout leur règne hideux. Selon des statistiques récentes du Bureau de lutte contre la drogue, les experts du secteur affirment que la consommation, la production et le trafic de la drogue sont en pleine expansion. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de consommateurs est en nette...