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Nos Lecteurs ont la Parole - Le Liban à la conférence-débat à Mertola (Portugal)

Gérer la transition démocratique arabe

Par Antoine MESSARRA
La conférence-débat organisée par le réseau portugais de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures (FAL) sur le thème « Dialogue et citoyenneté en Méditerranée » débouche sur des perspectives de transition démocratique à travers des processus et des actions culturelles ciblées, principalement en vue de la promotion de la culture de légalité, de la chose publique et du lien social.
La localité fascinante de Mertola, dont la mise en valeur revient à Claudio Torres, directeur du Campo Arqueologico de Mertola, symbolise l'échange et le patrimoine historique cumulé et mis en valeur, notamment par le Festival islamique annuel organisé au moment même de la conférence.
Ce fut d'abord une occasion de présenter les objectifs de la FAL et les données et conclusions du Rapport Anna Lindh 2010 sur « Les tendances interculturelles dans l'espace euro-méditerranéen » (Francisco Veiga, directeur du Réseau portugais, et Eleonora Insalaco, coordinatrice du Rapport Anna-Lindh 2010).
Les Européens sont-ils concernés par le « Printemps arabe » ? Cette qualification figure dans le programme de la conférence avec cependant un point d'interrogation, du fait notamment que les révoltes ou révolutions dans des pays arabes se déroulent avec exaltation, mais aussi avec des inquiétudes sur les perspectives de démocratisation.

Six problèmes prioritaires
L'Europe et les pays arabes sont principalement concernés par six problèmes prioritaires : les échanges économiques, la mobilité migratoire, la coopération sécuritaire, l'impact culturel et valoriel des échanges, le fait que la Méditerranée orientale est le berceau de trois grandes religions, et la mémoire partagée des rapports. La civilisation occidentale est aussi en risque et les rapports euro-arabes sont nécessaires pour la santé de l'Europe.
On souligne au départ : « En se brûlant, Mohammad Tarek Bouazizi entre dans une impunité totale par rapport à la répression politique et politico-religieuse et, de ce fait, brise les tabous de l'autoritarisme. La jeunesse a saisi l'événement avec les moyens de la post-modernité. La prochaine fois, ce sera le dictateur qui brûlera » (Jalel el-Gharbi, Tunisie).
L'attentat militaire terroriste contre le président Rafic Hariri et son convoi, le 14 février 2005, est souvent cité, avec le traumatisme salutaire qu'il a provoqué à la manière d'une catharsis et avec l'émergence d'une exigence de justice face à l'assurance - impunité et plusieurs autres attentats. C'est une occasion de « réveil » aussi pour des Européens ravagés par le train-train quotidien, le désengagement et la lassitude du mercantilisme, et une diplomatie souvent asservie au chantage sécuritaire. C'est dire qu' « on ne pourra plus jamais parler comme avant » (Giovanna Tanzarella, déléguée générale de la Fondation René Seydoux pour le monde méditerranéen, Paris).
Universalité ou particularité des principes de la démocratie et des droits de l'homme ? Les reporters étrangers qui couvrent des mouvements populaires, notamment en Égypte et en Libye, constatent et vivent l'universalité de l'aspiration à la liberté et du contenu fondamental de la liberté : « Je constate dans ces mouvements que les gens sont semblables avec la même vision de la liberté, en Égypte comme chez nous. Il ne fallait pas un expert en démocratie pour leur expliquer les fondements de la démocratie » (Paulo Moura, journaliste, Lisbonne).
Il ne suffit pas de suivre ce qui se passe dans nombre de pays arabes (Isabel Alcario, Institut portugais de relations internationales - IPRI). Il faudra surtout en comprendre le sens et la trajectoire. Des intellectuels peu engagés dans le combat démocratique appréhendent un retour camouflé du pouvoir hégémonique et du népotisme. Oui, cela va revenir, par la nature même des choses ! Mais il faudra que les intellectuels, les journalistes et les militants de la société civile évitent de contribuer à la propagation d'une mentalité contestataire.
Le syndrome contestataire fait le jeu du totalitarisme et amène les populations à regretter la stabilité d'autrefois sans liberté. Après toute révolution, il y a une période de convalescence, qui peut être courte ou prolongée, où il faudra non plus contester comme un adolescent toujours pubère, mais participer, proposer et contrôler les mises en pratique effectives de la transition démocratique. Autrement dit, être acteur dans cette transition. Un des participants souligne : « Autrefois je me comportait à l'égard de la police en tant que réseau subordonné au régime. Aujourd'hui, c'est notre police, qu'il faut donc soutenir et œuvrer pour sa reconstruction. »
Les révolutions dans l'histoire n'ont jamais opéré par elles-mêmes un changement, mais elles créent une dynamique nouvelle en vue d'un changement grâce à un processus éducatif et culturel. Il en découle que le Printemps arabe d'aujourd'hui a besoin d'une fécondation éducative et culturelle.
Quelles sont dans cette perspective les priorités d'une culture citoyenne, surtout dans une phase de transition démocratique ? Les priorités d'avenir d'une culture citoyenne dans le monde arabe d'aujourd'hui sont : la culture de légalité, de l'espace public et de l'autonomie, la mémoire collective, la dépolitisation des clivages et le pragmatisme civique. Il faudra surtout et au départ libéraliser la formation des associations, syndicats et partis.
Réagir contre la persistance d'une mentalité contestataire après une révolution implique la réhabilitation du sens de l'autorité laquelle, à la différence du pouvoir, est régulée par la loi. C'est la culture de légalité.

Antoine MESSARRA
Membre du Conseil constitutionnel, professeur, membre du Conseil
consultatif de la Fondation euro-méditerranéenne
Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures
La conférence-débat organisée par le réseau portugais de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures (FAL) sur le thème « Dialogue et citoyenneté en Méditerranée » débouche sur des perspectives de transition démocratique à travers des processus et des actions culturelles ciblées, principalement en vue de la promotion de la culture de...

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