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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour en finir avec le despotisme éclairé

Par Marwan HARB
Face aux soulèvements populaires que connaît le monde arabe, certains centres de décision arabes et occidentaux estiment - malgré les populations elles-mêmes - que le monde arabe - notamment le Moyen-Orient - n'est pas encore mûr pour la liberté et que le despotisme éclairé ou réformateur est la forme de gouvernement qui lui est nécessaire.
Cela se manifeste quoique implicitement par les appels aux dictatures arabes d'entretenir des réformes politiques et économiques pour faire face au souffle de liberté qui traverse les « places de Libération ».
Cependant, ces voix ne se rendent pas compte que les réformes aussi bien politiques qu'économiques sont synonymes de suicide pour les régimes arabes. Comment appeler un régime autoritaire basé sur le parti unique à favoriser le multipartisme ? Comment appeler un régime économique basé sur les monopoles à favoriser l'égale répartition de la richesse nationale ?
Néanmoins, si des despotes éclairés sont qualifiés de modernes pour les réformes qu'ils mettent en place, la structure même du pouvoir politique et de la société n'est pas modifiée car les réformes servent en premier lieu leurs propres intérêts. Leurs réformes sont largement contradictoires car elles prétendent moderniser les structures de l'État mais continuent à favoriser la ploutocratie régnante : les privilèges financiers et le monopole de la scène politique. De plus, le gouvernement arbitraire d'un dictateur réformateur, comme le signale Diderot dans Réfutation d'Helvétius, « enlève au peuple le droit de délibérer, de vouloir ou ne pas vouloir, de s'opposer même à sa volonté lorsqu'il ordonne le bien ; cependant, ce droit d'opposition, tout insensé qu'il est, est sacré : sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu'on le conduit dans les gras pâturages ». Les peuples seraient alors « conduits par le bonheur à l'oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage ».
Révolution et réformes : deux mots qui vont très mal ensemble. Deux mots ennemis. Deux mots qui se livrent même une guerre inexpiable. La révolution, c'est la transgression, le risque, la rupture avec les habitudes, le dynamitage des vieilles structures, l'élan prométhéen de l'homme. Les réformes évoquent, à l'inverse, le conformisme frileux, l'empâtement, l'aplatissement de la vie.
L'homme arabe ne pourrait accéder à la dimension politique de l'existence qu'en se redressant et en faisant volte-face. Il marchait courbe et, soudain, il se tient droit. Au commencement est le soulèvement, nous dit Camus. Par le simple fait d'assigner une limite à l'oppression, la révolte affirme « la dignité commune à tous les hommes ». Elle met au premier rang de ses références « une texture commune, la solidarité de la chaîne, une communication d'être à être ». L'homme, jeté hors de ses gonds par l'inhumanité, découvre l'existence d'une nature humaine.
Dans l'hypothèse donc qu'un certain peuple n'est pas mûr pour la liberté, affirme Kant dans La Religion dans les limites de la raison, « la liberté ne se produira jamais ;
car on ne peut mûrir pour la liberté si l'on n'a pas été mis au préalable en liberté. » Ce n'est donc que quand la liberté publique commence que la révolution se termine, comme le dit si bien Louis de Saint-Just.
Face aux soulèvements populaires que connaît le monde arabe, certains centres de décision arabes et occidentaux estiment - malgré les populations elles-mêmes - que le monde arabe - notamment le Moyen-Orient - n'est pas encore mûr pour la liberté et que le despotisme éclairé ou réformateur est la forme de gouvernement qui lui est nécessaire. Cela se manifeste quoique implicitement par...

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