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Nos Lecteurs ont la Parole

On ne badine pas avec l’Iran

Georges TYAN
C'était, si mes souvenirs sont bons, début 2005. En conseil municipal, nous débattions de la suite à donner à la requête d'un homme de religion visant à retirer tous les bancs publics placés sur les trottoirs de l'avenue Foch, jouxtant la grand mosquée de la place.
Des jeunes, des moins jeunes, des enfants et surtout, paraît-il, des couples venaient se reposer sur ces bancs. La mixité avait sans doute offusqué les âmes prudes, d'autant plus que certains, comme dans la chanson de Brassens, se bécotaient sur ces bancs publics.
Arguant que dans toutes les capitales du monde moderne, des bancs étaient mis à la disposition des piétons, pour reprendre leur souffle, discuter ou admirer l'architecture, j'ajoutais en toute logique que, finalement couples ou pas, nous étions à Beyrouth, joyau scintillant du Moyen-Orient, non en Afghanistan et encore moins en Iran.
Mal m'en prit. Comme mû par un ressort, le représentant du Hezbollah bondit de son siège, gesticule, les bras moulinant l'air, et m'intime d'un ton catégorique de me rétracter. On ne badine pas avec l'Iran.
Je vous éviterais les détails de ce qui advint. Rien de grave, rassurez-vous, nous étions quand même entre gens de bonne compagnie, sauf que ces bancs publics furent bel et bien retirés.
Suite à cet esclandre, ce monsieur et moi-même devinrent de bons et respectueux amis, d'autant plus qu'il n'avait rien à voir avec la mosquée, ni son périmètre, mais évoquer l'Iran, était tout simplement tabou.
C'est un petit exemple parmi tant d'autres où l'obscurantisme a prévalu face à la logique. Il donne une idée assez claire de l'immixtion religieuse dans notre vie quotidienne, par le biais de la pression politique, dénaturant au plus haut point les relations domestiques.
Promenez-vous en ville, regardez un peu les personnes que vous croisez. J'ai peine à croire que vous lirez, inscrite sur leurs fronts, leur religion. Par contre, si vous avez le don de percer les méninges, vous saurez que, dans leur majorité, ils sont tout en premier et libanais en dernier.
Aberrant, ce faible sentiment d'appartenance à son pays. Alors qu'il doit être chevillé au corps, viscéral, immaculé, il laisse la porte ouverte à tous les chants des sirènes, pour peu qu'ils flattent l'ego, qui prend alors une ampleur démesurée et verse dans la mégalomanie.
Les exemples sont nombreux et flagrants. Inutile de citer des noms. Toujours est-il qu'il n'est donné à personne d'être le plus chrétien des chrétiens, ou plus musulman que les musulmans. Dans cette course à l'excès, il n'y a aucun gagnant, tous sont recalés, avec à la clé, un perdant et de taille celui-là : le Liban.
Je suppose qu'une partie des Libanais ont saisi la subtilité de cette équation. L'autre partie, dont les déboires ont jalonné l'histoire et fut longtemps le parent pauvre de la république - sa profondeur géographique ayant été tour à tour occupée par les Palestiniens et les Israéliens -, s'y met mais en s'accrochant aux interdits et aux tabous.
Car au lieu de s'installer en fer de lance d'un Liban retrouvé, renouvelé, exploitant les richesses naturelles recouvrées, elle tente de lever l'ancre et d'entraîner le pays vers des lieux, dont dans sa plus grande majorité, elle ne comprend pas le langage.
Cette radicalisation cependant n'est pas du seul fait de cette mouvance. Au fil des ans, elle a obtenu aisément tous les avantages qu'elle désirait, juste en haussant le ton, pointant un index menaçant sur les écrans de télévision, s'habillant parfois de noir, comme pour prendre le deuil d'une nation dont cependant, si elle venait à disparaître, elle serait la première à pâtir.
Toutefois, il ne fallait pas plus que ces mises en scène théâtrales pour que ses contempteurs, par peur de perdre certains avantages insignifiants, de reculade en veulerie, se rendent à ses arguments et parfois en rajoutent, invoquant la raison du plus fort.
Dans mon for intérieur, je doute que ce fort en muscles soit de si faible jugeote pour ne pas avoir assimilé la leçon des trois décennies passées. Le Liban est un gros morceau, qu'il ne pourra jamais avaler, ni digérer, peut-être à le détruire, ce qui n'est certainement pas à son ordre du jour. Mais, vu les acquis obtenus sans coup férir, il valait bien la peine d'essayer.
La richesse du Liban, si richesse il persistera alors, réside uniquement dans l'entente des 18 communautés qui le forment. Je m'adresse et n'aurai de cesse de le faire à l'intention de tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, croient pouvoir impunément fausser le jeu démocratique : le Liban est un pays consensuel par excellence, il n'y a jamais eu de vainqueurs.
Qu'on se le dise enfin !
Georges TYAN

C'était, si mes souvenirs sont bons, début 2005. En conseil municipal, nous débattions de la suite à donner à la requête d'un homme de religion visant à retirer tous les bancs publics placés sur les trottoirs de l'avenue Foch, jouxtant la grand mosquée de la place.Des jeunes, des moins jeunes, des enfants et surtout, paraît-il, des couples venaient se reposer sur ces bancs....

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