Option favorite du conseil d'administration de NYSE Euronext, le mariage avec Deutsche Börse pourrait échouer si Bruxelles, gardienne de la concurrence en Europe, s'y opposait. La Commission européenne a laissé entendre que ses services risquaient d'ouvrir une enquête approfondie. Cette offre risque en effet de créer un quasi-monopole dans les dérivés, secteur-clé pour les opérateurs boursiers. Grâce à ce rapprochement, le nouvel ensemble détiendrait 90 % du marché européen des dérivés (contrats liés aux taux de change, taux d'intérêt, matières premières, etc.), ce qui léserait les autres acteurs du secteur.
Parmi eux, le CME, l'opérateur de la Bourse de Chicago et Intercontinental Exchange (ICE), qui a justement déposé une offre sur NYSE avec Nasdaq.
« Une grande partie du marché des dérivés est encore de gré à gré », rappelle toutefois Axel Pierron, du cabinet Celent, estimant que c'est sur cette part du marché non captée par les opérateurs que la bataille va s'engager.
Un mariage avec Deutsche Börse permettrait également à NYSE Euronext de bénéficier d'une offre de compensation en interne via Eurex Clearing, filiale du groupe allemand, ce qui léserait la Chambre européenne LCH.Clearnet. « Ceux qui ont des questions à se poser sont le London Stock Exchange (LSE), qui n'a pas réussi à développer un marché de dérivés significatif, et la société européenne de règlement-livraison Euroclear, qui risque de voir sa concurrente Clearstream (utilisée par Deutsche Börse) récupérer les flux de NYSE Euronext », estime pour sa part Jean de Castries, du cabinet Equinox Consulting. L'offre conjointe de Nasdaq et d'ICE pourrait, elle aussi, se traduire par d'importants problèmes de concurrence et par de nombreuses suppressions de postes à New York, selon plusieurs sources proches du dossier. « Les problématiques d'emplois vont se poser dans les deux scénarios », note toutefois M. Pierron.
Le schéma retenu est celui d'un démantèlement : Nasdaq reprendrait les Bourses du groupe NYSE Euronext ainsi que son activité américaine dans les options, tandis qu'ICE reprendrait la partie dérivés. Cela poserait notamment problème pour les introductions en Bourse, explique M. de Castries, celles-ci ne passeraient plus que par l'entité Nasdaq-NYSE aux États-Unis, créant ainsi un monopole de la cotation d'actions. « La question qui se pose est de savoir si ces rapprochements vont bénéficier aux clients. Avec moins de concurrence, on peut craindre que les prix remontent », souligne M. de Castries. « C'est ce qu'on est en train de voir au Canada où les grands clients expliquent que le rapprochement de la Bourse de Toronto et du LSE n'est pas dans leur intérêt », poursuit-il. Si les banquiers européens se sont peu exprimés sur le sujet, les actionnaires de NYSE Euronext devraient eux rendre leur décision le 7 juillet.
© AFP