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Dossiers Liban

III- L’expérience libanaise et le projet avant-gardiste des chrétiens : de Michel Chiha à Rafic Hariri

Professeur universitaire et expert en affaires géopolitiques, le Dr Nabil Khalifé a élaboré une étude géopolitique sur la situation des chrétiens d'Orient qui donne une lecture géopolitique complémentaire au document final du synode sur les Églises du Moyen-Orient qui s'est tenu au Vatican du 10 au 24 octobre dernier à l'initiative du pape Benoît XVI (voir « L'Orient-Le Jour » des 11 et 12 janvier). Dans cette troisième partie, le professeur Nabil Khalifé aborde le cas spécifique de l'expérience libanaise, appelant notamment à l'élaboration d'un « projet de salut préliminaire » pour les chrétiens du Liban qui serait basé sur l'apport historique et fondamental d'un quartette libanais : Michel Chiha, le père Michel Hayek, Rafic Hariri et le père jésuite Paul Noya. Un texte qu'il dédie à la mémoire d'Antoine Choueiri.
1 - Quel est le « plus » fondamental qu'a apporté l'expérience libanaise, ou de façon plus précise la pensée libanaise, pour résoudre le problème libanais et à sa base le problème des minorités ? Dans quelle mesure cette expérience pourrait-elle être utile et adéquate pour les chrétiens et pourrait-elle poser les jalons essentiels à l'assemblée des chrétiens du Moyen-Orient ?

2 - Jusqu'à présent, aucun projet global et exhaustif n'a été élaboré pour apporter une réponse logique et raisonnable aux préoccupations et aux aspirations des chrétiens du Moyen-Orient. Les textes synodaux évitent d'aborder « le » politique de crainte de verser dans « la » politique, bien que les conflits dans la région aient un background religieux avec une réalité et des objectifs politiques. Dans le chapitre des défis auxquels sont confrontés les chrétiens, l'assemblée synodale écrit : « Au Liban, les chrétiens sont divisés sur le double plan politique et confessionnel, et nul n'a un projet acceptable de tous » (Instrumentum Laboris, article 34). Cette description de la réalité des chrétiens du Liban n'est qu'une simplification du contexte historique qu'ils traversent, à l'instar des autres chrétiens du Moyen-Orient.
Il est déplorable de relever que face au « problème ancestral des minorités », pour reprendre le terme de Charles Malek, nous n'avons pas exploité les occasions qu'offrent l'injustice, l'oppression et les massacres, nous n'avons pas réfléchi et tiré les leçons nécessaires, et nous n'avons pas tenté - que ce soit les Églises, les pouvoirs en place, les hommes de science, les penseurs ou les théologiens - d'élaborer une vision intellectuelle, théologique, géopolitique, en vue d'une approche visant à régler le problème des minorités chrétiennes au Moyen-Orient. On ne peut pas dire qu'une telle vision réglerait ce problème du fait que le conflit fondamental sous-jacent à ce problème porte « sur Dieu » (Charles Malek), mais il reste que cette vision aurait le mérite de sortir les minorités chrétiennes de l'œil du cyclone pour les réintroduire dans l'histoire et la géographie, dans le cadre d'un État et d'une société libres.
c - L'élaboration d'une telle vision ne saurait être une entreprise exclusivement chrétienne, mais elle devrait être islamo-chrétienne par excellence car la relation entre la minorité chrétienne et la majorité arabe sunnite est une relation dialectique. Cette vision nécessite des recherches chrétiennes intellectuelles et des options musulmanes historiques (et non pas uniquement des options politiques) qui devraient être prises par des leaders musulmans arabes sunnites qui soient éclairés et tournés vers l'avenir. De telles options devraient ouvrir la voie à une nouvelle vision d'un islam nouveau, à une nouvelle arabité, à une société nouvelle.
d - Cette vision islamo-chrétienne, dans le fond et dans la forme, est aussi une tentative de dépasser la discorde ainsi que l'ensemble des plaintes, des craintes et des appréhensions qui en découlent. Il est nécessaire, aujourd'hui avant demain, d'élaborer un projet global qui serait le résumé d'une pensée tournée vers l'avenir, un projet qui sauverait les chrétiens du Moyen-Orient, qui s'imposerait à l'histoire de la région, à ses peuples, ses États et ses collectivités, du fait qu'il serait fondé sur un réalisme historique, la foi en Dieu, la culture de la paix, et l'aspiration à la liberté. Nous sommes aujourd'hui, chrétiens et musulmans, à un moment rare de notre Histoire qui pourrait ne pas se représenter...
e - À la lumière de ce qui précède, nous appelons à l'élaboration d'un projet de salut préliminaire pour les chrétiens qui serait basé sur un quartette libanais (en laissant la porte ouverte à des contributions intellectuelles d'autres pays) :
+ Un penseur sociologique : Michel Chiha
+ Une personnalité ayant une vision religieuse : le père Michel Hayek
+ Un leader sunnite ayant fait des choix historiques : Rafic Hariri
+ Un théologien : le père jésuite Paul Noya.
Nous exposons ci-dessous les grandes lignes de ce que ces quatre personnalités ont avancé comme idées afin de garantir notre existence, affirmer notre présence et assurer notre avenir en tant que chrétiens d'Orient.
A - Michel Chiha. L'homme du réalisme historique. Il souligne ce qui suit :
+ Nos sociétés pâtissent de différends, voire de contradictions, au niveau de leur structure sociologique (les minorités).
+ Il n'en demeure pas moins que nous sommes appelés à édifier un État souverain et libre fondé sur des valeurs : la diversité culturelle, la compréhension et l'équilibre entre les composantes de la société, le libéralisme dont le premier et seul objectif est non pas l'équilibre mais la stabilité.
+ Tout pays qui regroupe des minorités doit être « un pays de minorités confessionnelles associées ».
+ Un pays de ce type fait face à deux facteurs antagonistes : la différence et l'unité. La différence trouve sa source depuis des siècles dans les livres religieux qui fixe les lois du statut personnel (le mariage, l'héritage...). Cette question ne saurait être changée ou modifiée.
+ Par contre, quels sont les éléments qui unissent, ou qui devraient unir, les composantes de la société et de la nation ? La réponse ne repose nullement sur de longues tirades angéliques portant sur l'abolition du confessionnalisme ou la laïcité. La réponse, Michel Chiha l'a définie en deux paramètres valables pour le Liban, le Moyen-Orient, et le monde en général, à savoir l'unité de la terre et l'unité de destin. Michel Chiha a ainsi défini la première théorie au Moyen-Orient qui fixe à la société des bases que des penseurs allemands ont qualifiées de théologie de la terre et théologie de destin.
B - Le père Michel Hayek.
+ Il met l'accent sur l'authenticité des chrétiens d'Orient : authenticité dans la foi, authenticité au niveau de la terre, authenticité dans la culture, qui se manifeste à deux niveaux : l'enracinement culturel avec l'environnement, et l'ouverture culturelle sur le monde.
+ La chrétienté d'Orient constitue, et doit rester, un projet de libération de l'homme, « projet porté au point de rencontre des trois continents pour exprimer le sort de l'Orient tout entier : le sort de ceux qui endurent dans leur vie et dont la liberté est réprimée, ceux qui aspirent à la terre et à la liberté ».
+ Le pacte entre musulmans et chrétiens n'existait pas à l'époque de l'indépendance, il a été élaboré et exprimé explicitement à cette époque. « Avant cette période, il était dans le subconscient des minorités et a été avalisé par chacune d'entre elles avant d'être rédigé sous forme d'entente écrite, et ce lorsqu'elles ont décidé de se fortifier dans la montagne afin de préserver ce qui leur restait, à savoir leur patrimoine spirituel. »
+ Ce pacte est dans son essence l'expression d'une volonté et une expression de liberté, dans le même temps. Il est l'expression de valeurs spirituelles qui interagissent entre elles. Il représente un facteur de développement de l'homme libanais, arabe et oriental. Il ne s'agit donc pas simplement d'un compromis bilatéral (entre maronites et sunnites) et de ce fait il ne représente pas « un pacte bilatéral entre musulmans et chrétiens, mais plutôt un pacte entre minorités qui se sont personnifiées en communautés ».
+ Le père Michel Hayek souligne que le chrétien libanais oriental ne doit pas se contenter de proclamer son appartenance à l'arabité, mais il doit considérer qu'il est ancré à l'arabité en y ajoutant un paramètre positif qui peut se résumer comme suit : « Je suis responsable de l'arabité et du monde arabe. Je réclame la liberté pour tout pays arabe et tout homme arabe. Mon père m'a confié une responsabilité qui n'a été confié à personne d'autre, et je dois l'assumer. Il m'a confié à l'arabité et aux musulmans, et de la même façon il m'a confié l'arabité et les musulmans ». Telle est la spécificité de l'arabité dans son visage humain dont le message est porté par l'homme oriental libre dont l'esprit le mène à renouveler le monde. Telle est la nouvelle arabité, expression d'une civilisation, qui puise les facteurs de renouveau et de changement dans la civilisation humaine.
C - Rafic Hariri
+ Rafic Hariri a relevé le défi soulevé par Mohammad Arkoun au sujet de la vision de tous les leaders musulmans, anciens et nouveaux, concernant l'unicité de l'État. Il a ainsi lancé, pour la première fois dans l'histoire du Liban, des Arabes et des musulmans, l'idée de l'État pluraliste, défendant des choix historiques qui constituent un tournant dans l'histoire du Liban et de la région. Ces choix sont ouverts à tous, plus particulièrement aux chrétiens.
+ Le premier de ces choix est le libéralisme en tant que philosophie de vie, de société et de civilisation. Cette philosophie peut se résumer en ces termes : un homme libre, une société libre, une pensée libre, un peuple libre, une économie libre.
+ Le deuxième choix est la démocratie, considérée comme la fille légitime du libéralisme. Elle est la juste expression de la liberté politique qui débouche sur l'autorité légale plutôt que sur l'autocratie oppressive.
+ Le troisième choix est l'arabité, expression de civilisation et d'un pluralisme culturel dans sa dimension progressiste, tournée vers l'avenir, et comme base de l'État moderne. Il s'agit là d'une nouvelle vision de l'Homme arabe, de l'État arabe et de l'avenir arabe, qui se résume dans l'action menée en vue de la société de la connaissance, en faveur des universitaires et non des services de renseignements... L'Unesco a clairement souligné que « l'enseignement supérieur est le facteur qui déterminera l'avenir des pays au vingt et unième siècle ». D'où l'intérêt particulier porté par Hariri au renforcement de l'enseignement supérieur.
+ Le quatrième choix est en rapport avec le Pacte. L'option du Pacte a été imposée par la force en 1943. Hariri l'a transformé en un Pacte dans la pratique : sans conditions, sans dates, sans chiffres, mais plutôt un acte de foi dans la cause libanaise. Avec Hariri, la majorité arabe sunnite n'est plus simplement un des protagonistes du pacte islamo-chrétien, mais elle est partie prenante dans ce pacte, elle le prône et le couve, elle le considère comme la pierre angulaire dans l'élaboration et la pérennité de la formule libanaise, dans le maintien et le progrès de l'État libanais.
+ Le cinquième choix est l'entité libanaise, considérée comme une priorité et une option pérenne. Pour exprimer les quatre choix précités, et afin de les mettre en application sur le terrain, Hariri a mis l'accent sur deux points concomitants, de la plus haute importance : (i) La priorité accordée au Liban au niveau de la pensée, de l'action, et du combat sous le slogan « Liban d'abord » ; (ii) La pérennité du Liban, en tant qu'État et entité, dans ses frontières historiques établies, comme espace géographique représentant une garantie pour la liberté existentielle de toutes les familles libanaises.
+ Le sixième choix est le centrisme, comme conception musulmane par excellence. Il exprime la modération et établit la pensée islamique contemporaine au niveau du centre dans « la patrie du centre ». Une telle pensée a longtemps été défendue par les grands penseurs musulmans, et à leur tête, aujourd'hui, cheikh Youssef el-Kardaoui. De même, des mouvements politiques dans les milieux musulmans ont choisi le centrisme comme base de leur action intellectuelle et politique (le mouvement du président Négib Mikati).
En résumé, les choix historiques du président Rafic Hariri ont constitué un tournant radical que le Liban n'a jamais connu dans son Histoire depuis 1920. Il s'agit là de choix cruciaux pour les chrétiens d'Orient s'ils sont généralisés et adoptés au niveau des leaders de la région. Même si certains n'ont pas saisi leur signification et leur portée, et même si d'autres les combattent en vue de les éliminer pour des raisons bien connues de tous, ces choix restent, à l'ombre des mouvements musulmans fondamentalistes, une opportunité rare pour le Liban, la région et le monde... Les chrétiens et les musulmans sont appelés à consolider et développer cette opportunité, et non pas à la dénaturer et à la perdre...
D - Le père jésuite Paul Noya
+ Il est le professeur d'Adonis et l'inspirateur de sa thèse bien connue qui a pour titre « Entre le constant et le variable ». Il s'agit d'une problématique radicale qui traverse les religions, les civilisations et les cultures à travers les âges.
+ Il considère que les chrétiens du Moyen-Orient, et les chrétiens en général, sont devant deux choix cruciaux et décisifs : (i) Ils sont dévoués à la religion du Fils (et non du Père) ; (ii) Ils sont appelés à adhérer au « nouveau Paulisme ».
+ La religion du Fils est la religion du variable car elle est la religion du fils de l'Homme. Par le fait même, elle est la religion de la liberté et de la libération de l'homme. Dieu nous a créés pour la liberté et non pour l'esclavagisme. C'est à ce niveau précis que le fondamentalisme religieux chrétien chute « car la foi chrétienne ne revêt pas un caractère idéologique », mais elle admet que la vie de l'homme dans l'histoire se réalise par des moyens diversifiés et imparfaits. Il reste que l'Église insiste à mettre constamment l'accent sur la dignité de l'homme et considère que le respect de la liberté est à la base de son action. Mais la liberté ne prend toute sa dimension qu'en englobant la vérité (encyclique du centenaire / 44-46). Dans ce sens, les chrétiens du Moyen-Orient sont dévoués à la religion du Fils afin d'éviter d'être fondamentalistes, d'une part, et afin d'assurer leur rôle au plan de l'ouverture culturelle, d'autre part.
+ Le Paulisme nouveau signifie le renouvellement du rôle, de la mission et de la crédibilité de saint Paul dans notre époque contemporaine, et dans la région du Moyen-Orient, en particulier. Pour quelles raisons ? (i) Parce que saint Paul a rassemblé en sa personne la profondeur de la foi dans le Christ Annonciateur, la profondeur de la connaissance dans la tradition juive - du fait qu'il était pharisien - ainsi que la profondeur de la pensée grecque, du fait qu'il a fait ses études dans sa région natale Tarsus (Tarse). Il fut le premier et dernier idéologue de la chrétienté du fait qu'il conciliait l'Annonciation chrétienne avec la tradition juive et la pensée grecque.
+ Saint Paul avait assimilé la situation historique des chrétiens à son époque et l'importance des défis auxquels ils étaient confrontés. En toute conscience, voire sous l'effet de l'inspiration divine, il a réagi à ces défis en élaborant un ouvrage qui rassemble la religion, la société et la culture, faisant tomber tout sectarisme religieux, ethnique ou social : « Là, il n'est plus question de Grec ou de juif, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre, il n'y a que le Christ qui est tout et en tout. »
+ Les chrétiens du Moyen-Orient ont aujourd'hui besoin, plus que jamais auparavant, d'un Paulisme prophétique nouveau qui puisse élaborer une vision chrétienne enracinée dans sa foi (par le biais de la religion du Fils), et marquée par sa relation avec la charia islamique (et le monde musulman dans toutes ses composantes), sa relation avec la problématique des thèses juives (le conflit avec Israël), et sa relation avec la pensée occidentale (et le monde occidental dans toutes ses orientations) considérée comme l'héritière légale de la pensée grecque.
+ En résumé, cette vision « pauliste » qui reflète et inspire les chrétiens du Moyen-Orient place ces derniers face à l'expérience de la foi dans son sens spirituel, face au salut des nations et non pas uniquement le salut des juifs dans le sens théologique, face à la nécessité de dépasser les racines des fondamentalismes juif, chrétien et musulman dans le sens social, face à l'unification entre la dimension sémite et la dimension grecque de la culture, face à l'ouverture sur le monde dans le sens apostolique global, personnifié par le Prophète des nations constamment présent dans l'Histoire du christianisme. N'est-ce pas là la signification du titre du livre du pape Benoit XVI Saint Paul : un Maître pour notre temps.

Conclusion générale
Les travaux de l'assemblée spéciale pour les chrétiens du Moyen-Orient ont besoin, en sus des textes de l'écriture et des prières, d'une approche géopolitique qui puisse mettre en relief les aspects que n'aborde pas le texte religieux. Cette étude constitue une tentative modeste sur ce plan.
Nous avons œuvré, après l'analyse du problème des minorités, à trouver une plate-forme, par le biais du « quartette » libanais, pour l'élaboration d'un projet ayant une vision d'avenir, un projet islamo-chrétien qui préserve aux chrétiens de la région le maximum de présence et de liberté, plus particulièrement la liberté de conscience, dans le cadre d'un espace géographique et d'un État qui a foi dans l'égalité, la justice et la liberté, et qui les assure à tous, un État démocratique et pluraliste, un État au sein duquel les chrétiens devraient prendre conscience du fait que la référence pour toute solution se trouve en premier lieu entre les mains de la majorité arabe sunnite, sans que cela signifie en aucune façon d'entrer dans une confrontation avec les chiites, les chrétiens devant œuvrer à se tenir à l'écart de la tempête qui s'annonce dans la région du fait que plus d'une faction s'emploie à provoquer une discorde sunnito-chiite.
Ces chrétiens se doivent en toute circonstance de rester attachés à deux vérités :
A - « La foi est l'espérance », comme le souligne le pape Benoît XVI.
B - Ils doivent opter pour un choix définitif et irrévocable, à savoir que si nous sommes les fils d'Églises périphériques, cela ne signifie pas que nous devons être des gardes-frontières à Israël ou l'Occident. Nous sommes plutôt, et nous avons été, les gardes de la dignité humaine, de la dignité de l'homme dans sa foi et sa conscience, message que nous a confié le Christ.

Par le professeur
Nabil Khalifé

1 - Quel est le « plus » fondamental qu'a apporté l'expérience libanaise, ou de façon plus précise la pensée libanaise, pour résoudre le problème libanais et à sa base le problème des minorités ? Dans quelle mesure cette expérience pourrait-elle être utile et adéquate pour les chrétiens et pourrait-elle poser les jalons essentiels à l'assemblée des chrétiens du Moyen-Orient ?...

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