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Marges de manœuvre, limites et perspectives de la société civile dans la dépollution de la Méditerranée

Kabbani : Certains ministres « font la sourde oreille »

Mohammad Kabbani. Photo Sami Ayad

Le député Mohammad Kabbani, président de la commission parlementaire de l'Énergie, des Transports et des Travaux publics, a participé aux travaux de Compsud et du séminaire sur le rôle de la société civile dans la dépollution de la Méditerranée (H2020). Il a accordé une interview à L'Orient-Le Jour, en marge de ces événements, dans laquelle il explique les raisons qui entravent, selon lui, la bonne marche des projets de développement au Liban, menaçant de transformer certaines questions en interpellations au Parlement.

 

Q - Quels bénéfices avez-vous tirés de votre participation à Compsud et au séminaire sur H2020 ?
R - Je considère que ma participation aux réunions du Cercle des parlementaires méditerranéens pour le développement est utile pour moi comme pour le Liban. Les Européens sont très préoccupés par l'état de pollution de la Méditerranée et sont soucieux d'aider leurs partenaires à réaliser sa dépollution. Au cours de cette réunion a été abordé le sujet de l'échec de l'adoption de la stratégie méditerranéenne sur l'eau en raison de différends politiques en rapport avec le conflit israélo-arabe. Notre contribution a été de demander que le texte final de cette stratégie soit transmis aux gouvernements de la région afin qu'ils puissent harmoniser, non officiellement mais effectivement, leurs politiques de l'eau avec les principes énoncés dans la stratégie.

Comment appliquer sur le terrain les mesures préconisées de dépollution de la Méditerranée, sachant que le Liban est l'un des pollueurs ?
Le Liban profite de certains projets dans le cadre de H2020, dont le plus important actuellement est celui de l'étude menée sur l'agrandissement et la modernisation de la station d'épuration des eaux usées de Ghadir (sud de Beyrouth). Celle-ci n'est pas bien reliée aux réseaux d'égouts comme c'est souvent le cas au Liban, en raison du chaos qui règne. Notre espoir est de voir d'autres projets mis sur les rails, notamment celui de la station d'épuration au nord de Beyrouth, qui n'a toujours pas été réalisée bien que le collecteur soit prêt à Dbayé.

Pourquoi de tels projets restent-ils en suspens alors que les bailleurs de fonds se disent prêts à financer ce qui contribue à la dépollution de la mer ?
Le problème du Liban, c'est qu'il n'existe pas de stratégies dans les secteurs principaux. À chaque fois qu'un nouveau ministre est nommé, il choisit d'ignorer tout ce qui a été fait avant lui pour recommencer à zéro. Il entreprend alors de mettre en place de nouveaux plans qui se résument bien souvent à une série de projets sans visée stratégique, répondant plutôt aux impératifs des calculs politiques du ministre en question, donc souvent concentrés dans sa région. Il y a aussi une nouvelle tendance, celle que j'appelle « dépenser pour dépenser », qui consiste à dépenser le plus de fonds possibles afin de servir les intérêts privés du responsable, indépendamment du contexte national.

De quels ministères parlez-vous exactement ?
Je ne veux pas généraliser. Cette tendance existe au sein des ministères actuels, et explique le fait que certains demandent à dépenser l'argent provenant du budget national, ignorant les prêts contractés par le gouvernement. Dans le premier cas en effet, le ministre peut contrôler toutes les étapes des dépenses, ce qui, à mon avis, ouvre la voie au gaspillage. À l'opposé, quand les prêts passent par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), des contrôles multiples sont exercés, y compris par le bailleur de fonds lui-même.

Pourquoi n'y a-t-il pas de contrôle sur les ministres ?
Il devrait y en avoir, mais le ministre fait souvent la sourde oreille. Il y a des ministres auxquels le gouvernement évite de s'y confronter. Soit ils évitent le contrôle, soit ils lancent des projets avec des contrats de gré à gré, ce qui est contraire aux règles.

Dans ce cas, ce serait contraire à la loi. Pourquoi le gouvernement n'applique-t-il pas la loi ? Quel est votre rôle en tant que parlementaires ?
Nous avons souvent soulevé ces problèmes au Parlement, mais nos capacités sont limitées. Dans notre commission, nous exerçons un contrôle sur ces agissements, en passant par de nombreux secteurs : projets hydrauliques, électricité, transports, aviation... Récemment, le directeur général de l'Aviation civile, qui est un expert reconnu dans toute la région arabe, a démissionné parce que le ministre a mis la main sur ce secteur. Ce sont les raisons pour lesquelles les grands projets, qui requièrent une décision du Conseil des ministres, restent gelés, Peut-être est-ce mieux comme cela, et vaut-il mieux attendre une époque où régnera l'entente sur l'importance de ces projets, et où un contrôle plus efficace pourra être exercé.
Quels ministres accusez-vous exactement ? Vous semblez parler de vos adversaires politiques...
(Refusant de donner des noms) Pas du tout. Ces ministres appartiennent à tous les courants politiques. Pour ma part, je refuse les accusations réciproques. La corruption sévit dans plusieurs ministères. Mais je suis obligé de parler des ministères qui concernent ma spécialisation, et ces ministres ne sont pas tous mes adversaires politiques.

Pourquoi ne pas adresser une question au gouvernement ?
Je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, mais les atermoiements et la rareté des réunions plénières du Parlement ne m'ont pas permis d'obtenir des réponses. Toutefois, je préviens aujourd'hui que si cela continue, je transformerai ces questions en interpellations, et, si le contexte politique me le permet, je demanderai au gouvernement de poser la question de confiance. Que dois-je dire à la population ? Je continuerai de me battre jusqu'à ce que je me heurte à un mur en béton armé, fait d'un mélange d'appartenances politiques et de confessionnalisme.

Comment profiter de réseaux régionaux comme Compsud pour contourner les difficultés dont vous parlez ?
J'ai déjà remarqué que des ministres ont tendance à mettre les mots dans la bouche des représentants d'organisations internationales, leur demandant telle ou telle conclusion pour leurs rapports. Je demande à l'UE de jouer le rôle de contrôleur de la transparence et l'efficacité des plans qui leur sont présentés. Le bailleur de fonds peut intervenir pour réduire la corruption et le gaspillage qui sont arrivés à un stade très avancé au Liban. À ce niveau, Compsud est une ONG, mais elle est efficace et a des connexions.

Le député Mohammad Kabbani, président de la commission parlementaire de l'Énergie, des Transports et des Travaux publics, a participé aux travaux de Compsud et du séminaire sur le rôle de la société civile dans la dépollution de la Méditerranée (H2020). Il a accordé une interview à L'Orient-Le Jour, en marge de ces événements, dans laquelle il explique les raisons qui...