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Nos Lecteurs ont la Parole

Sur cette terre où Noël advint

Par Louis INGEA
« Noël est le rougeoiement perpétuel de l'esprit », me disait le gnome devant la grotte...
Dans un monde où l'avancée de la matière se fait tous les jours plus dense et plus étouffante, il est bon de s'arrêter, l'espace d'une méditation, sur l'incontournable pérennité de ce parfum spécifique qui imprègne l'Univers et a pour nom « l'esprit ».
Parce que non seulement l'esprit imprègne, mais il régit aussi.
Il aura fallu des millions d'années pour que vienne à maturité l'élément primitif de la création. Il aura fallu attendre que la longue évolution de la matière finisse par révéler au grand jour les vibrations intimes de la vie qui sommeillaient en son sein, la rendant progressivement plus malléable, plus apte à la génération.
Alors, d'un règne à l'autre, du minéral à l'animal, en passant par le végétal, l'esprit, comme « une onde qui bout dans une urne trop pleine », s'y sera forgé son chemin pour éclater lumineusement à travers sa version ultime du développement physique, le nec plus ultra des êtres vivants : l'homme !
Tel un calice sacré et consacré, ce « corpus » recueillait, de la sorte, son pain nourricier, hostie sans laquelle nulle forme de vie ne peut atteindre ni prétendre à sa plénitude.
En en prenant conscience, l'homme s'est ainsi retrouvé forcé d'harmoniser les rapports entre les deux tendances de son essence même : la matière et l'esprit. Difficile et redoubtable mission dévolue à l'infiniment petit par l'infiniment grand ! Promu maître d'œuvre, charpentier d'une création en continu, l'infiniment petit était catapulté à l'intérieur de l'espace-temps jusqu'au rang de contremaître particulier au service de l'esprit universel.
Que ces considérations aux relents philosophico-mystiques n'effraient pas mon lecteur...J'ai seulement tenté, usant de termes simples, de braquer l'attention sur la valeur existentielle de notre personne et sur le fait que, dans la subtile dualité unissant matière à esprit, c'est à ce dernier, finalement, que revient la suprématie.
Dès lors qu'il s'incarne en nous et parmi nous, l'esprit ne souffre nul artifice et nulle justification. Seule, la pureté de son absolu lui sert de parure. Voilà qui doit expliquer le sens profond de l'extraordinaire événement survenu il y a environ vingt siècles : la naissance, hors du commun, d'un enfant-symbole dépourvu, à dessein, des accessoires encadrant d'habitude toute venue au monde. Une étable pour décor, une botte de foin en guise de berceau, le souffle tiède d'un bœuf au titre de chaleur ambiante...et rien que des chiffons pour son emmaillotement : tels furent les éléments du dépouillement voulu pour annoncer l'entrée de l'innocence dans notre monde.
Parce que la vérité, nous le savons bien, n'a pas besoin d'ornements. Parce que la vérité s'exprime hors du temps et du lieu, sans autre recours que son message de lumière.
Noël, conséquemment et contrairement aux croyances folkloriques, n'appartient donc pas à ceux qui sont nés ou qui se disent chrétiens. Noël fait partie intégrante de l'histoire de l'humanité.
Sur cette terre où Noël ne pouvait pas ne pas advenir, sur cette terre où se côtoient dans le tumulte le plus regrettable juifs, chrétiens et musulmans, Noël s'affiche superbement comme un défi face à tous les égoïsmes.
C'est précisément ce que nous suggèrent les yeux tendrement écartés du divin enfant. C'est ce à quoi nous invitent ses deux paumes tendues en avant. C'est ce vers quoi nous supplient ses premiers cris de nouveau-né.
Or, à constater la suffisance et la soif de pouvoir dont n'ont cessé de faire preuve ceux qui prétendent gouverner une nation, il ne reste aux bien-pensants que la perspective du vertige et du désespoir.
Dans le microcosme libanais, l'exemple n'en est, hélas, que plus saisissant. Nous sommes devenus la réplique et la caricature de toutes les bassesses. Négligence, corruption, imbécillité, désordre et fatuité règnent sans partage sur nos comportements. Nous trahissons, au rythme de notre respiration, notre mission originelle et mutilons en nous-mêmes la racine de notre véritable nature. Au mieux, dira-t-on, sommes-nous capables d'enfouir dans le sol le « talent » dont nous fûmes dotés, pour nous imaginer béatement l'avoir conservé en lieu sûr.
Ce qui se passe autour de nous n'est pas autre chose que l'illustration sur le terrain de ce calcul étriqué, érigé en victoire de la matière et adoration du veau d'or. La société de consommation, née fatalement de la connexion des instincts avec le mépris de toute éthique, est en train de dévoyer, si nous n'y prenons garde, les composantes de notre être pour le dévier irrémédiablement du chemin tracé pour lui, dès les origines de l'univers. J'entends par là le phénomène inoui de la bien-nommée « montée de conscience », seul accomplissement et seul sommet digne de justifier le sens de notre vie et de répondre aux questions premières et dernières...
Il ne suffit plus que Noël, inlassablement, se fête tous les ans. Il devrait plutôt accompagner notre vie au quotidien. Car Noël est l'appel lancinant de cette force universelle qui mène nos destinées. Dans l'amour réside sa meilleure expression. Et l'amour, sève intarissable, inonde à son tour la matière. Sauf que, hélas, nous le ravalons allègrement au niveau des pulsions primitives, aveuglés que nous sommes par la jouissance des nourritures terrestres.
Il est heureux, à tout le moins, de savoir que Noël, entêtement proprement divin, nous obsède sans répit. Car en chacun de nous, l'intellectuel, l'homme de science, l'artiste, l'économiste, le travailleur ou le simple mortel, revient toujours, au soir de Noël, cette émotion cristalline qui est le reflet de la « note individuelle vibrant au diapason de l'appel du Tout ».
Devant le sourire de l'enfant dénudé, personne n'est insensible. La face de l'innocence est le sceau, la marque, le label de notre condition humaine. Sans l'amour et tout ce qui en découle, sans l'esprit et tout ce qui en ressort, il n'y a pas d'être humain digne de ce nom. Aussi Noël est-il le noyau central de tout départ et la promesse indéfectible de notre rayonnement dans le royaume de l'esprit.
En cette veillée sacro-sainte, que nous soyons au pied de la crèche, pour les uns, ou devant un sapin illuminé, pour les autres, scrutons et essayons d'assimiler le message que l'éternel nouveau-né nous communique de toute la force de son dénuement et de son apparente faiblesse.
Puissent les Libanais, chrétiens et musulmans unis par la citoyenneté et par la pensée, se promettre, malgré l'infantilisme de leurs dirigeants, de venir à bout de la pourriture ambiante qu'ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. Parce qu'au-delà des menaces et des rugissements, plus fort que le « rougeoiement » des guerres et des incendies, celui de l'esprit, lui, offert en pâture à notre intelligence, devra assumer d'une façon ou d'une autre, tel un magnétisme infaillible, la victoire de l'innocence.
Tels sont mes vœux de fin d'année à tous les lecteurs, à tous mes amis...
« Noël est le rougeoiement perpétuel de l'esprit », me disait le gnome devant la grotte...Dans un monde où l'avancée de la matière se fait tous les jours plus dense et plus étouffante, il est bon de s'arrêter, l'espace d'une méditation, sur l'incontournable pérennité de ce parfum spécifique qui imprègne l'Univers et a pour nom « l'esprit ».Parce que non seulement...

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