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Liban - Droits de l’homme

Journée mondiale du sida : pour que cesse enfin la marginalisation des patients !

À l'occasion de la Journée mondiale du sida, célébrée le 1er décembre, c'est un appel à préserver les droits des patients au travail, à l'éducation, au traitement..., mais surtout un appel à préserver la dignité de ces personnes et de tout individu, que lancent ONG et spécialistes au Liban.

Des militants d’une ONG indienne allumant des bougies dans le cadre d’une campagne de sensibilisation organisée à l’occasion de la Journée mondiale du sida, célébrée aujourd’hui.Photo Jayanta Dey Agartala/AFP

Pour un pays qui se vante d'être l'un des artisans de la Charte des Nations unies pour les droits de l'homme, le Liban a encore du chemin à parcourir.
Récemment, un enfant de 7 ans a été interdit de scolarisation... parce qu'il est porteur du VIH ! La nouvelle de sa maladie a fait le tour du village et actuellement, il est en plus montré du doigt. En ce moment, des efforts sont déployés par la société civile pour permettre à cet enfant d'accéder à l'éducation. Un droit qui lui est inaliénable.
Ce cas, rapporté par l'ONG SIDC, n'est pas isolé. Cette histoire est en fait aussi celle d'Amale, de Mahmoud, de Georges, de Rana... et de toute personne séropositive qui se voit refuser un travail, une assurance médicale, des soins médicaux, l'accès à l'université ou à l'école... sous prétexte du sida.
Trente ans après la découverte du virus en 1983, les personnes atteintes du sida restent marquées au fer rouge au Liban et dans de nombreux pays de la région. « Au Liban et dans le Moyen-Orient, nous avons toujours une attitude peureuse et discriminatoire vis-à-vis des personnes atteintes du sida », déplore le Dr Jacques Mokhbat, président de la Société libanaise pour les maladies infectieuses et la microbiologie clinique et de la Société libanaise de sida. « Cette attitude émane de l'ignorance puisque nous repoussons et avons peur de ce que nous ignorons, affirme-t-il. L'ignorance entraîne la peur, et la peur mène à la discrimination. »
« Les pays européens, les pays d'Amérique du Sud et l'Australie ont dépassé ce problème en garantissant par la loi - mais surtout par l'application de cette loi - les droits des personnes vivant avec le VIH, poursuit le Dr Mokhbat. Au Liban, la loi n'a pas spécifiquement singularisé les personnes vivant avec le VIH et devrait, par conséquent, protéger tout citoyen. Malheureusement, dans la pratique, on ne peut que constater une stigmatisation vis-à-vis de ces malades, et ce à plusieurs niveaux. »
Tout d'abord, le Liban, à l'instar de certains autres pays de la région, continue d'exiger un test VIH pour tout étranger qui y vient travailler, « sauf pour les diplomates ». « Au Liban, le problème n'est peut-être pas mis au-devant de la scène parce que la majorité des travailleurs émigrés sont des ouvriers, note le Dr Mokhbat. Ce sont donc des personnes qui ne bénéficient d'aucun droit chez certains employeurs. À partir du moment où on n'a pas de relations sexuelles avec ces employés de maison et ces ouvriers, je ne comprends pas la raison pour laquelle on doit s'effrayer face à leur séropositivité. On peut, bien sûr, s'inquiéter pour eux et chercher à les aider, mais autrement, je ne vois pas le risque national que peut présenter un employé séropositif. »

Discrimination au travail
La discrimination est également notée dans « certaines sociétés et universités du Liban très respectables, qui vont jusqu'à exiger le test de VIH avant d'embaucher une personne ou d'accepter un étudiant », fait remarquer le Dr Mokhbat.
Et les cas de ces personnes lésées, parce que séropositives ou atteintes du sida, se comptent à la pelle. Cette année, un homme de 27 ans, père de deux enfants, a été chassé de l'hôtel où il était employé comme agent de surface parce qu'il était séropositif, rapporte SIDC. Un autre s'est vu refuser l'entrée à l'université pour la même raison. Le patron d'une société a menacé de renvoyer une femme, dont le mari est mort des suites du sida, si elle ne se faisait pas tester...
Le problème se situe aussi au niveau médical. Les personnes atteintes du sida sont transférées dans les hôpitaux centraux, ceux se trouvant dans les régions refusant souvent de les prendre en charge, prétextant « qu'ils n'ont pas l'équipement nécessaire pour le faire ». « Ce qui est absurde parce que la prise en charge de ces patients ne nécessite pas un équipement précis », souligne le Dr Mokhbat, soulignant que grâce aux traitements antirétroviraux, « la majorité des personnes atteintes n'a pas besoin d'hospitalisation, mais elle peut avoir besoin de soins pour d'autres maladies ». « Par ailleurs, le personnel médico-infirmier ne peut pas savoir si tous les patients auxquels il a affaire sont séropositives ou non, et donc, il est de son devoir de prendre les mesures préventives nécessaires quelle que soit la situation », note-t-il.
Un autre problème que soulève le Dr Mokhbat est celui des médias, surtout télévisés, qui insistent à avoir des témoignages de personnes atteintes de sida. « Mais qu'est-ce qu'on garantit à ces individus ? Comment les protéger ? se demande-t-il. Ces patients ont le droit de taire leur maladie quelle qu'elle soit. C'est leur secret médical et ils ont le droit de le préserver. Une personne qui déclare souffrir d'une maladie chronique pourrait perdre son assurance - parce que les compagnies assurent uniquement ceux qui sont en bonne santé ! Mais une personne qui a le VIH se voit automatiquement refuser une assurance médicale. Ce qui est absurde, sachant que le coût actuel des soins d'une personne vivant avec le sida est nettement inférieur au coût des soins du diabète, des maladies cardiaques, d'une insuffisance rénale et de plusieurs autres maladies chroniques, qui peuvent aussi, dans certains cas, entraîner une dégénération de l'état du patient, voire une mortalité, plus rapide que celle constatée dans des cas de VIH. Cette attitude était compréhensible il y a vingt ans lorsqu'on ne disposait pas encore de traitements médicamenteux contre le VIH. Mais actuellement, les traitements permettent à l'individu une survie quasi normale. »
Encore faut-il que ces patients aient accès aux médicaments ou les spécialistes à d'autres protocoles thérapeutiques. En effet, le ministère de la Santé s'est engagé il y a plusieurs années déjà à assurer les traitements du sida, comme il le fait d'ailleurs pour toutes les maladies chroniques. Un engagement qu'il n'arrive toutefois pas à tenir, non seulement au niveau du sida, mais aussi au niveau de toutes les maladies qu'il couvre, en raison notamment d'une mauvaise gestion des stocks. Les patients se sont habitués à l'idée puisqu'il s'agit d'un problème endémique et essaient de se procurer par leurs propres moyens les médicaments, lesquels ne doivent pas être interrompus d'autant que le virus peut muter ou devenir résistant.
Le problème constaté est d'une autre nature et il est plutôt grave, selon les spécialistes. « Nous n'arrivons pas à faire passer le message que le traitement du VIH évolue, qu'il y a de nouvelles molécules moins toxiques et plus efficaces qui doivent être introduites sur le marché et que c'est un virus qui développe une résistance aux traitements, dénonce le Dr Mokhbat. Par conséquent, si ce premier traitement échoue, les traitements de deuxième ligne sont vraiment très aléatoires et les traitements de troisième ligne sont inexistants. Or, en Europe et aux États-Unis, les spécialistes disposent de plusieurs autres protocoles en cas d'échecs thérapeutiques. Ce qui n'est pas le cas au Liban, et c'est fâcheux parce que nous figurons malheureusement au rang des pays les moins avancés dans ce domaine, alors que nous avons été le premier pays en voie de développement à introduire la trithérapie en 1996, après l'Europe. »

Rééducation sociale
Lutter contre la discrimination sous-entend toute une rééducation sociale et scolaire qui sera axée sur « le respect de l'individu quel qu'il soit ». « Le respect des droits de l'homme doit faire partie de l'étoffe sociale d'un peuple, insiste le Dr Mokhbat. Rien qu'à voir la manière dont sont traitées les employées de maison à leur arrivée à l'aéroport en dit long sur le travail à faire dans ce sens. Certaines sont gardées 48 heures dans une chambre insalubre à l'aéroport. Il en est de même de l'attitude des agents de la circulation vis-à-vis d'un conducteur dont la voiture ne porte pas de plaque bleue, de la manière dont certains employeurs traitent leurs employées de maison... Autant d'attitudes et de comportements qui dévoilent à quel point notre tissu social est détruit. À mon avis, le gouvernement doit penser à éliminer les décrets qui vont à l'encontre des droits de l'individu tels que mentionnés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. En outre, en 1988, le Liban a ratifié la convention de l'Organisation mondiale de la santé, sur base de laquelle il collabore avec cet organisme pour la lutte et la prévention du sida, et suit les recommandations adoptées dans ce cadre. D'ailleurs, le programme national de lutte contre le sida est placé sous l'égide de l'OMS. Comment donc continue-t-on à émettre des décrets et des règles qui vont à l'encontre de ces recommandations ? De quel droit juge-t-on les personnes vivant avec le sida ? »
Autant d'interrogations qui nécessitent impérativement une réflexion en profondeur, surtout en cette journée mondiale célébrée aujourd'hui.
Pour un pays qui se vante d'être l'un des artisans de la Charte des Nations unies pour les droits de l'homme, le Liban a encore du chemin à parcourir.Récemment, un enfant de 7 ans a été interdit de scolarisation... parce qu'il est porteur du VIH ! La nouvelle de sa maladie a fait le tour du village et actuellement, il est en plus montré du doigt. En ce...
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