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Nos Lecteurs ont la Parole

Soyez xénophobes

Par Georges TYAN
Il est toujours lassant de se remémorer l'histoire, c'est faire du surplace au lieu d'avancer. Mais parfois c'est très utile si l'on veut ne pas reculer et perdre les acquis de ces quelques années de répit et de reconstruction de la pierre, non de l'être humain qui lui, sans aucune aide, est tenté de revenir à la préhistoire.
Le président Jimmy Carter avait réveillonné avec le chah d'Iran. Et moins d'un mois plus tard, ce dernier est chassé de son trône et meurt miné par la maladie en Égypte, seul pays à avoir osé accueillir ce pestiféré. Quant au président égyptien Anouar Sadate, qui avait eu l'audace de braver l'ostracisme qui frappait son hôte, il a fini sous les balles de la conjuration.
L'ambassadrice April Glaspie fut reçue par Saddam Hussein. Que lui a-t-elle dit ?
On l'ignore ; toujours est-il que n'étant pas daltonien, Saddam Hussein a pris ses paroles pour un feu vert et envahi le Koweït. Il a terminé pendu, poursuivi par la vindicte des Bush père et fils.
Il n'y a pas longtemps chez nous, Condoleezza Rice se réunissait à Aoukar, où se trouve le siège de l'ambassade US, avec les chefs de feu Kornet Chehwane et du 14 Mars confondus. Cela n'a pas empêché Israël de détruire notre infrastructure ; le régime syrien se porte comme un charme ; le centre-ville a été squatté ; le Hezbollah a toujours bon pied bon œil, et c'est plutôt le TSL qui bat de l'aile.
À bien y penser, l'oncle Sam est prodigue en belles paroles et en vœux pieux. Il les balance à la pelle, en veux-tu en voilà, ils ne lui coûtent pas un seul sou. Mais quand sonne l'heure des actes , il devient plus que parcimonieux et joue les filles de l'air.
Ici je frise l'ingratitude. L'Amérique ne nous a-t-elle pas fait don de quelques centaines de véhicules rutilants, grands consommateurs d'essence, dans lesquels nos braves agents de l'ordre se pavanent, gyrophares allumés, même au repos ?
Notre armée n'a-t-elle pas reçu des transports de troupes usagés, dépourvus d'armement même léger, alors qu'elle était cruellement en manque de munitions, de canons, de mortiers, quand au nom de la liberté elle se faisait tuer à Nahr el-Bared ?
Nous avions eu droit alors à tous les encouragements du monde, mais personne ne nous a offert un lance-pierres, c'est tout juste si les artilleurs de l'armée ont pu monter avec leurs moyens étriqués un lance-roquettes sur un hélicoptère réformé, gracieusement prêté, si mes souvenirs sont bons, par le royaume hachémite.
Je ne suis pas de ces antiaméricains dépressifs et primaires. Bien au contraire, je respecte ce pays, sa grandeur, sa démocratie à toute épreuve. Ce que je n'aime pas, c'est sa politique étrangère, qui use jusqu'à la corde ceux qui lui font confiance et qu'il laisse sans sommation tomber au premier coup dur, ou dès que ses intérêts ne sont plus en jeu.
C'est somme toute normal, la loyauté, que ce soit en politique, en finance ou dans la vie courante, est une notion qui fonctionne à sens unique. On ne renvoie jamais l'ascenseur.
Il aura donc fallu la visite du président iranien, son discours aux relents d'ingérence politique affirmée, doublée des fuites au sujet des résultats du sommet tenu entre le monarque saoudien et le président syrien, pour nous rappeler au bon souvenir du gouvernement américain.
Il faut garder le chaudron libanais sur le feu, au cas où cela coincerait encore plus en Irak ou dans la région, il y aura de quoi titiller tout ce beau monde qui pense faire abstraction de la volonté de l'oncle Sam et s'installer à son compte.
Mais en attendant, c'est chez nous que cela tangue. Je ne vois pas pourquoi notre pays doit toujours servir d'exutoire à la politique étrangère du monde entier. Le nucléaire iranien, c'est là- bas, le gouvernement irakien aussi, les implantations sauvages israéliennes, pas chez nous, la Turquie qui s'islamise, itou, l'Afghanistan, le Pakistan, à l'autre bout de la planète.
De tout ce qui précède, moi en tant que Libanais, je dis très poliment : je n'en ai rien à faire. Bien sûr, le Liban n'est pas une île, mais il n'a pas non plus à subir perpétuellement les répliques des secousses politiques qui ont lieu au fin fond du globe terrestre.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre, mais j'estime de mon devoir de rappeler à la raison nos dirigeants, pour peu qu'ils comprennent la langue de Molière. Ou, à défaut, qu'ils se la fassent traduire, car tous, à mon humble avis, ont pris le mauvais virage sur une pente qui commence douce mais devient rapidement vertigineuse et sans fin.
Pour une fois, soyez xénophobes, vous parlez tous le même langage, nul besoin d'un interprète entre vous, fermez pour un temps cette porte aux étrangers, même aux plus proches d'entre eux, faites table rase du passé, de ses erreurs et de ses affres, installez-vous ensemble, ne vous regardez point en chiens de faïence, mais en tant qu'êtres humains, et discutez, discutez jusqu'à plus soif, pour votre bien et celui de tous les Libanais.
Il est toujours lassant de se remémorer l'histoire, c'est faire du surplace au lieu d'avancer. Mais parfois c'est très utile si l'on veut ne pas reculer et perdre les acquis de ces quelques années de répit et de reconstruction de la pierre, non de l'être humain qui lui, sans aucune aide, est tenté de revenir à la préhistoire.Le...

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