Il est évident que c'est l'équation lénifiante S-S qui tempère les ardeurs du 8 Mars. Les Syriens et les Saoudiens, après avoir dispensé leurs injonctions de stabilité, de sécurité et de maintien du gouvernement, à l'issue du sommet tripartite de Baabda, les ont réaffirmées lors de la rencontre Abdallah-Assad à Riyad. Tenue pour gommer les effets électrifiants de la visite d'Ahmadinejad, terminée la veille.
Ce partenariat arabe, le 8 Mars espère qu'il parviendrait encore, malgré l'échec de précédentes tentatives, à faire retarder la publication de l'acte d'accusation jusqu'au printemps prochain. Walid Joumblatt observe cependant qu'on ne ferait que reporter le problème et non le résoudre. À l'en croire, on ne peut parvenir à une solution qu'à travers la politique.
Justement, le directoire du Hezbollah a chargé le chef de son bloc parlementaire, Mohammad Raad, de tracer une ligne politique déterminée. En attendant, les députés du parti ont été priés de ne plus afficher de positions en public, et surtout de ne plus lancer des déclarations en flèche. Il leur a été prescrit de n'engager que des dialogues calmes avec l'autre bord. Et de s'accrocher à la primauté du dossier des faux témoins, carte essentielle face à la majorité comme au tribunal international. Car elle permettrait d'en geler les travaux, en prélude à son abolition.
Les loyalistes s'étonnent pour leur part de l'irréalisme, et de l'inconséquence, de leurs vis-à-vis du 8 Mars. D'abord, l'intangibilité et l'indépendance du TSL ont été confirmées par le Conseil de sécurité, autorité suprême, et par le secrétariat général de l'ONU. On ne peut donc rêver de le supprimer. Ensuite, les délégués du 8 Mars avaient approuvé à l'unanimité, lors de la première réunion du comité du dialogue le 2 mars 2006, l'impératif de découvrir la vérité, inscrit en tête de l'ordre du jour. Ainsi que tout ce qui en découle : la commission d'enquête internationale, avec élargissement de sa mission aux autres attentats et assassinats. Et, surtout, les participants avaient tous applaudi à la création du TSL. Ils avaient prié le gouvernement, dans un climat détendu, d'assurer le suivi du sujet.
Pourquoi, se demandent les loyalistes, tourner casaque, se mettre à exiger la suppression du TSL et cesser de vouloir que la vérité soit établie ? Pourquoi préjuger des actes du TSL qui n'a pas commencé à siéger ? Pourquoi lui être hostile, alors que ses deux seules prestations actives ont consisté à faire libérer les quatre généraux et à admettre la recevabilité de la requête de documents présentée par Jamil Sayyed ?
Les majoritaires insistent : aucun des cinq Grands, membres permanents du Conseil de sécurité, ne peut aller contre la résolution créant le TSL, établie sous le chapitre VII, le plus rugueux et impératif. Car c'est d'un crime terroriste qu'il s'agissait. Aucun non plus, c'est comme pour le principe du libre-arbitre, ne peut s'autoriser à demander quoi que ce soit au tribunal, dont l'indépendance est totale, ce qui est la moindre des choses en matière de justice.
Cela étant, les loyalistes, et nombre de centristes, pensent que le 8 Mars projette de modifier les règles du jeu, et la situation, politiques. En inversant les rôles, grâce à un net ralliement de Joumblatt. Après quoi, il deviendrait possible de faire sauter le gouvernement, d'en former un nouveau, avec ou sans Hariri. Pour prendre des décisions, dont l'arrêt du financement, pouvant mener à l'abolition du TSL. En passant par la nomination d'un juge d'instruction dans l'affaire des faux témoins. Dans l'espoir, l'illusion plutôt, que le TSL croiserait alors les bras, en attendant que ce dossier des faux témoins, pris en charge par la justice libanaise, ait été jugé.