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Économie - Éclairage

Liban-Iran : et si on parlait économie ?

À l'occasion de la visite (tant) controversée du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, et à la lumière de l'élargissement des sanctions de l'ONU à l'égard de l'Iran et des accords de coopération qui devraient être signés incessamment entre Beyrouth et Téhéran, un état des lieux sur les échanges économiques entre les deux pays s'impose.
Au-delà du débat politique sur les relations entre le Liban et l'Iran, accusé par certaines parties locales d'« ingérence » dans nos affaires internes à travers son soutien inconditionnel au Hezbollah, les liens économiques et le potentiel de coopération entre les deux pays, à la lumière de la forte croissance dont bénéficie la République islamique et du développement de son arsenal énergétique, méritent d'être examinés ; 29e puissance économique mondiale, 3e producteur de pétrole, 2e plus grande réserve de gaz naturel, l'Iran est en effet une puissance économique incontournable dans la région.
L'explosion de l'URSS et la fin de la première guerre du Golfe avaient poussé Téhéran à mettre en place, à partir du début des années 90, une stratégie visant à consolider sa posture économique et à optimiser l'exploitation de ses ressources naturelles, notamment dans le domaine de l'énergie. L'Iran pourrait ainsi devenir à l'avenir un partenaire économique stratégique pour le Liban, notamment grâce à son infrastructure énergétique, à la pointe de la technologie.
En attendant, les relations entre les deux pays se limitent aujourd'hui à de faibles investissements directs et des échanges commerciaux chétifs, comme en témoignent les derniers chiffres officiels des douanes, selon lesquels le volume des échanges commerciaux a atteint 87 millions de dollars en 2009, après avoir enregistré un pic de 150 millions de dollars en 2008. La balance commerciale, historiquement déficitaire, est depuis 2006 excédentaire en faveur du Liban. Dans les détails, notons que les principales exportations libanaises vers l'Iran sont des engrais (à hauteur de 85 %), alors que les principales importations vers le Liban sont composées de fruits frais et séchés (à hauteur de 52 %) et de tapisserie (20 %). Ces chiffres sont aujourd'hui bien en deçà du volume des échanges entre le Liban et ses principaux partenaires, à savoir les États-Unis, la France et la Chine. À titre comparatif, le volume des échanges avec la France avait totalisé 1,72 milliard de dollars en 2009.
Ces résultats officiels ne représentent toutefois qu'une partie infime des échanges réels entre le Liban et l'Iran, selon plusieurs sources concordantes interrogées par L'Orient-Le Jour sous le couvert de l'anonymat. Rappelons à cet égard que lors de son intervention télévisée de samedi dernier, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait tenu à remercier Téhéran de son soutien politique, moral et financier, évoquant ainsi des « sommes énormes » versées par l'État iranien pour la reconstruction du Sud-Liban. D'ailleurs, plusieurs ONG libanaises implantées dans le Sud-Liban et la banlieue sud de Beyrouth depuis la guerre civile libanaise, et engagées dans l'approvisionnement de services urbains, éducatifs et sanitaires, ont été fondées sur le modèle d'institutions iraniennes et soutenues financièrement par des fonds en provenance de Téhéran. Citons à titre d'exemple l'ONG Jihad el-Bina', spécialisée dans la reconstruction et l'approvisionnement en eau potable. La contrebande d'armes, tant contestée, n'est-elle pas aussi un exemple de ces échanges réalisés sous X ? En somme, une distinction est à faire entre les échanges commerciaux officiels d'une part, et les « aides » - difficilement évaluables - d'autre part. Le tout sur fond de pressions politiques internationales pour tenter de convaincre Téhéran de mettre fin à ses activités nucléaires sensibles.

Résolution 1929 de l'ONU : où se situe le Liban ?
En effet, formelles ou pas, les relations économiques entre le Liban et l'Iran restent limitées par les contraintes imposées par les multiples sanctions internationales infligées à l'Iran.
Rappelons à cet égard que l'Union européenne (UE) a approuvé le 26 juillet dernier de nouvelles mesures restrictives contre Téhéran, en raison de la poursuite du programme des activités nucléaires, jugé « douteux » par la communauté internationale. Ces sanctions sont venues appuyer la résolution 1929 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) votée le 9 juin dernier. Cette quatrième résolution contre l'Iran - la plus sévère puisqu'elle touche à plusieurs secteurs, dont le secteur bancaire - avait, rappelons-le, été votée à 12 voix pour, le Liban s'étant abstenu, et le Brésil et la Turquie ayant voté contre. La concrétisation de ce vote s'est fait ressentir dans l'Union européenne (UE), principal partenaire économique de l'Iran, à travers un éventail de mesures punitives.
Ailleurs dans le monde, plusieurs pays ou compagnies ont également répondu à l'appel, suspendant une partie de leurs activités avec l'Iran. Ainsi, les banques des Émirats ont récemment interrompu les virements vers Téhéran, tandis qu'au Japon, le constructeur d'automobiles Toyota Motor a décidé de suspendre ses exportations de véhicules vers l'Iran.
Au Liban, les effets de cette quatrième série de sanctions - plus contraignantes que les précédentes - ne se sont pas encore fait sentir, mais elles pourraient affecter négativement les échanges entre les deux pays.
Ainsi, au niveau du secteur bancaire, par exemple, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, avait récemment souligné la nécessité, pour les banques locales, de se conformer aux dispositions de la résolution 1929, précisant toutefois que le volume des transactions avec des institutions ou des sociétés iraniennes était historiquement très faible. Le gouverneur de la BDL avait également indiqué à cet égard que Saderat Iran Bank - la seule banque iranienne opérant au Liban - devra aussi respecter les sanctions internationales. Parallèlement, trois des plus grandes banques libanaises, à savoir la BLOM Bank, Bank Audi et la Byblos Bank, avaient annoncé qu'elles n'étaient pas impliquées dans des transferts en direction d'Iran. Ce climat financier n'est donc pas pour aider à la dynamisation des échanges bilatéraux. Il n'en reste pas moins que les récents allers-retours entre Beyrouth et Téhéran, et la signature de plusieurs accords économiques prévue en marge de la visite du président Ahmadinejad, visent à intensifier les relations entre les deux pays, notamment dans le domaine de l'énergie, et de desserrer ainsi l'étau.

Projet d'accords pour 450 millions de dollars
Dans ce cadre, le ministre de l'Énergie Gebran Bassil, qui s'était rendu en Iran il y a deux semaines pour « évaluer les moyens de coopération » entre Beyrouth et Téhéran, avait signé la semaine dernière avec son homologue iranien la mouture d'un projet de deux accords dans le domaine de l'énergie, d'un montant de 450 millions de dollars. En vertu de ces accords, l'Iran devrait accorder au Liban des prêts bonifiés à long terme en vue de financer des projets dans les secteurs de l'eau et de l'électricité. L'aide financière mais aussi technique de Téhéran n'est d'ailleurs pas à négliger, a tenu à souligner le ministre Bassil au cours d'un entretien avec L'Orient-Le Jour. « Durant ma visite (à Téhéran), j'ai pu constater le potentiel qui existe sur le terrain et prendre conscience des profits que pourrait tirer le Liban à plus d'un niveau (...). Sur le plan électrique, par exemple, l'Iran bénéficie aujourd'hui d'un surplus énergétique qui pourrait pallier, ne serait-ce que partiellement, notre déficit », a-t-il souligné. Quant aux projets entrepris dans le domaine hydraulique, « ils prolifèrent désormais à vue d'œil (...). À titre d'exemple, 100 barrages hydrauliques sont aujourd'hui en cours de construction », a-t-il indiqué, soulignant « l'apport technique important que pourront apporter les compagnies iraniennes à des projets similaires au Liban ». Le ministre de l'Énergie a toutefois tenu à préciser que ces dernières seront traitées au même titre que les autres compagnies étrangères, dans le cadre du lancement d'appels d'offres transparents.
Faut-il alors croire en la mise en place d'une relation économique saine entre deux États souverains ? Difficilement, répondront les incrédules. C'est que dans cette partie du monde, encore plus qu'ailleurs, l'économie est avant tout le valet servant de la/des politique(s).
Au-delà du débat politique sur les relations entre le Liban et l'Iran, accusé par certaines parties locales d'« ingérence » dans nos affaires internes à travers son soutien inconditionnel au Hezbollah, les liens économiques et le potentiel de coopération entre les deux pays, à la lumière de la forte croissance...
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