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Nos Lecteurs ont la Parole

Un même sujet, deux visions

Par Michel ÉLEFTÉRIADÈS
Cher Michel,
Je n'aurais jamais pensé que nos opinions viendraient à diverger autant en cinq ans. Ce n'est pas en tant que ton ami que j'ai demandé un droit de réponse, mais en tant que l'ami de deux des « victimes » de ta dernière « feuille de route » (L'Orient-Le Jour du lundi 11 octobre 2010). J'ai été à deux reprises l'hôte de Dieudonné, que tu traites d'antisémite, et je serai l'hôte dans trois semaines du professeur Tariq Ramadan qui ne trouve pas grâce à tes yeux, lui non plus.
Beaucoup d'écrivains ont dit de belles choses, s'il fallait à tout prix une citation pour commencer ton texte dans lequel tu critiques la visite du président d'un pays que la majorité des Libanais considère ami. Il aurait été plus décent que tu ailles faire ton marché ailleurs que chez les auteurs israéliens, même si ces derniers, grâce à la culpabilité cultivée et entretenue du peuple allemand et de ses libraires, se retrouvent couverts de prix*.
Réduire Tariq Ramadan à un salafiste, le mettre au niveau de Omar Bakri et s'étonner que le Liban reçoive ce professeur à Oxford, qualifié par le très américain Foreign Policy Magazine de « One of the Top 100 Global Thinkers for 2009 » et par le non moins américain Time Magazine de « One of the Top 100 Innovators for the 21st Century », est impardonnable venant de la part du dernier intellectuel du 14 Mars.
Tout aussi impardonnable est le fait que tu succombes au lexique des BHL, Finkielkraut et autres pontes du « politiquement correct », concept que tu critiques dans ton article mais en le plaçant du mauvais coté. Non, cher Michel, Dieudo n'est pas raciste, Dieudo critique la politique israélienne et ses défenseurs. Il est taxé d'antisémitisme par ceux qui estiment que « le peuple élu » a toujours raison et qu'il est incritiquable.
Concernant la visite de Gad el-Maleh, je constate malheureusement que je n'avais pas réussi à te convaincre qu'il est normal qu'un artiste qui a apporté son soutien à l'armée d'un pays ennemi soit déclaré persona non grata. Qui peut imaginer un concert de Johannes Heesters ou de Zarah Leander dans le Paris libéré de 1946 ?
Je pourrais critiquer chaque ligne, chaque mot de ton article. Ce n'est ni l'envie ni les arguments qui manquent, mais je crains que l'espace qui est consacré à mon droit de réponse ne soit trop exigu pour contenir mon apologie du général Aoun et la défense de sa politique à laquelle tu t'attaques avec virulence, et insatiablement, mon estime pour le Dr Mahmoud (comme l'appelle Dieudonné) et son irréprochable réputation que tu qualifies de complètement ternie, l'exposé de mon approche de la Shoah que je partage avec un de mes prochains invités, le Dr Norman Finkelstein, ma critique des enquêtes sur le 11 Septembre...
Pour conclure, venons-en au titre de ton article et à son principal sujet. Je ne comprends pas pourquoi tu mets un bémol à la bienvenue du président Ahmadinejjad et que tu moques ceux qui veulent l'accueillir, les traitant de parias volontaires, en ajoutant qu'ils « veulent lui réserver un accueil historique, frénétique, passionné, en se camouflant de la couverture chrétienne des partisans orange » (comme si quelqu'un, à plus forte raison le Hezbollah, avait besoin d'une couverture camouflage pour recevoir un chef d'État reconnu par le monde entier et invité par le président de la République libanaise). Et pourtant, le démocrate que tu es, défenseur acharné des droits de l'homme et de la liberté d'expression, avait passé sous silence, voire mis un dièse à la visite du roi d'Arabie saoudite, dont le joli portrait ornait les routes et les rues de Beyrouth avec comme slogan le « roi de l'humanisme », à moins que ce ne soit le « roi de l'humanité » ; les voies de la traduction, tout comme celles de l'objectivité, sont parfois impénétrables.
Nos visions respectives sur le monde et ses événements semblent ne plus avoir d'intersection, ce qui ne m'empêche pas d'avoir autant d'affection pour toi qu'avant 2005.
Amicalement,

* David Grossman a reçu le 10 octobre 2010 le prix de la paix des libraires, la plus haute distinction littéraire allemande.

Cher Michel,
l Je te remercie pour ta réponse (habile et subversive), que je pourrais également me faire un plaisir de décortiquer point par point. Mais je me contenterai, faute de temps, d'un seul constat : dans ta démonstration et ton discours, je me rends compte qu'au final, ta merveilleuse utopie, le Nowheristan, que tu présentais comme un havre de paix et de liberté pour les esprits libres, enfin délivrés de toutes les chaînes holistes, identitaires, sectaires et confessionnelles, suit lentement mais sûrement le chemin de toutes les autres utopies : au nom de « lendemains qui chantent », il s'agit désormais d'applaudir et de louer constamment et fidèlement les Bachar el-Assad, Mahmoud Ahmadinejad, Hugo Chavez et autres démagogues et despotes de la planète. Et cela, cher ami, me remplit de tristesse.


M.H.G.
Cher Michel, Je n'aurais jamais pensé que nos opinions viendraient à diverger autant en cinq ans. Ce n'est pas en tant que ton ami que j'ai demandé un droit de réponse, mais en tant que l'ami de deux des « victimes » de ta dernière « feuille de route » (L'Orient-Le Jour du lundi 11 octobre 2010). J'ai...

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