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Liban - Étude

Pollution des plages : qu’en est-il réellement ?

Le Centre de sciences marines du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) fait part de son tout dernier bilan, offrant une étude complète de l'état des eaux et des indices de pollution chimique et organique sur les côtes du littoral libanais.

Graphe réalisé par le Centre de sciences marines du CNRS présentant les unités de coliforme fécal par 100 ml d’eau de mer.

Le Centre de sciences marines du CNRS travaille actuellement sur deux programmes principaux : la surveillance permanente de la zone côtière et le suivi de l'impact de la marée noire qui a frappée le littoral libanais en 2006 suite au bombardement des citernes de fuel de la région de Jiyeh. En parallèle, le centre porte également une attention permanente à la biodiversité par le biais d'études continues des zooplanctons et phytoplanctons qui constituent la faune et la flore marines.
Dans le cadre de ses programmes d'études et pour mener à bien le « projet Cana », l'un de ses plus gros projets s'étalant sur une période de 2 à 3 ans, le Centre de sciences marines a pu bénéficier d'un cadeau de taille offert par le gouvernement italien après les événements de 2006 : un bateau scientifique de pointe, accompagné d'une aide significative s'élevant à plus de deux millions d'euros. Les recherches effectuées ont permis au centre d'établir, entre autres, un bilan complet de la pollution marine sur les côtes du littoral libanais. Ce bilan comprend une étude de la pollution chimique (due au déversement de substances non décomposables, rejetées par les usines) et organique (provoquée par le déversement des égouts), ainsi qu'une étude sur l'impact de la marée noire qui a sévi en 2006.
Gaby Khalaf, président du Centre de sciences marines du CNRS, expose deux des activités principales du projet directement liées à l'étude de la pollution sur la zone côtière : « La première activité repose sur l'hydrologie, l'étude de l'état de l'eau, à travers laquelle le niveau d'oxygène et de salinité, le Ph et la température de l'eau sont régulièrement analysés sur différents points de la région côtière, à savoir : Tyr, Beyrouth, Batroun et Tripoli, explique-t-il. En parallèle, une étude de la biodiversité marine est également entreprise par le biais de plongées sous-marines répétées, en vue de prospecter et répertorier le patrimoine écologique sous-marin du Liban. Le deuxième plan d'activité entrepris dans le cadre du projet Cana se concentre, d'une part, sur l'étude de la pollution chimique et organique touchant les côtes libanaises, et d'autre part, sur l'impact de la marée noire de 2006. »
Plus précisément, les conséquences de la marée noire sont étudiées à travers l'analyse de bio-indicateurs marins, comme les moules, les oursins ou les éponges qui ont tendance à accumuler certains déchets. Selon M. Khalaf, les effets de la marée noire observés sur ces organismes se sont nettement atténués depuis 2006, mais sont toujours visibles. « À Ramlet el-Baïda par exemple, même si les traces de fuel ne sont plus visibles à l' œil nu à la surface de l'eau ou sur le sable, il suffit de creuser à pas plus de 30 cm de profondeur pour apercevoir des résidus de fioul. »
Le président du Centre de sciences marines du CNRS se veut néanmoins rassurant et précise que la pollution chimique, pollution la plus grave, n'est observée que sur une petite échelle au Liban, en raison principalement du nombre restreint d'usines en bord de mer. L'impact de la pollution chimique reste donc localisé dans la région de Selaata (Batroun), au large des cimenteries de Chekka et de la centrale électrique de Zouk, régions peu recommandées pour la baignade même si, jusque-là, aucun effet nocif n'a été observé sur les baigneurs. L'inquiétude porte surtout sur le danger potentiel lié à la consommation « en très grande quantité et s'étalant sur une très longue durée » de crustacés et fruits de mer pêchés au large des régions en question. M. Khalaf insiste : « La consommation d'une moule ou d'un poisson contaminé ne suffit pas à provoquer des cas de maladie chez l'homme, c'est l'accumulation à long terme des déchets chimiques qui pourrait inquiéter. »
En ce qui concerne les déchets organiques, pollution principale des côtes libanaises, le président du Centre de sciences marines explique que le danger n'est pas lié à la consommation de poisson, puisque le corps est capable de métaboliser les matières organiques, mais plutôt, comme dans le cas de la pollution chimique, à la consommation excessive de crustacés et de fruits de mer. Gaby Khalaf souligne néanmoins qu'aucune maladie n'a été détectée à ce jour.
Quant à la baignade, question ô combien importante en plein mois d'août au Liban, la perspective de faire trempette s'avère beaucoup moins plaisante lorsqu'on prend le temps de d'assimiler les informations suivantes : 90 % des égouts ménagers se déversent dans la mer, avec une concentration principalement élevée au large des grandes villes amplifiant chaque année l'étendue des dégâts. Le graphe ci-contre réalisé par le Centre de sciences marines du CNRS présente la concentration de « coliforme fécal » pour 100 ml d'eau de mer sur plusieurs points étudiés. Il révèle que les régions les plus affectées sont essentiellement Jounieh (Jun 40 sur le graphe) et les alentours de Beyrouth (Bey 12 et 20) avec jusqu'à 80 000 unités de coliforme fécal pour 100 ml d'eau de mer. Sachant que cette concentration ne devrait pas dépasser les 100 unités de coliforme fécal par 100 ml, cette observation est on ne peut plus alarmante.
Dans le même registre, l'unique station opérationnelle consacrée à l'épuration des eaux usées est située à Ghadir et ne traite que 8 % des déchets domestiques. Il existe onze autres stations de ce type dont seules deux, celles de Tripoli et de Chekka, sont fonctionnelles, mais ne peuvent être utilisées faute de réseaux et d'infrastructures nécessaires au conduit des déchets, question qui relève du Conseil de développement et de la reconstruction (CDR). M. Khalaf précise toutefois qu'un projet d'installation de réseaux est en cours et devrait s'étaler sur une durée de deux ans. Selon ce dernier, une des régions les plus touchées par la pollution organique est Ramlet el-Baïda qui reste très polluée malgré une certaine amélioration récemment observée due à l'orientation d'une partie des eaux usées vers la station d'épuration de Ghadir.
Entre la pollution chimique (à faible échelle), une pollution organique qui s'amplifie d'année en année, et les effets résiduels de la marée noire de 2006, on a beau vouloir fermer les yeux, les côtes libanaises ont indéniablement atteint un seuil de pollution proche de la saturation. Alors, si les autorités ne se sentent pas très concernées par la fonte des glaces dans l'Antarctique, peut-être daigneront-elles s'intéresser à l'état déplorable des eaux au large de leur propre territoire en accordant un peu plus de leur temps - et de leur budget - à l'infrastructure de base que tout gouvernement doit à son pays. 
Le Centre de sciences marines du CNRS travaille actuellement sur deux programmes principaux : la surveillance permanente de la zone côtière et le suivi de l'impact de la marée noire qui a frappée le littoral libanais en 2006 suite au bombardement des citernes de fuel de la région de Jiyeh. En parallèle, le centre porte également une attention...
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