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Lifestyle - Société

Quand les veuves de Krusha décidèrent de bousculer la tradition

Dans les campagnes kosovares, les femmes travaillent la terre, comme leurs maris disparus.

Fahrije Hoti, au centre, et quelques femmes ont décidé de travailler la terre à la place de leurs maris décédés, pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Armend Nimani/AFP

Dans les campagnes kosovares, la femme s'occupe des enfants et du foyer tandis que l'homme est aux champs, mais Fahrije, avec quelques amies, veuves comme elle depuis le conflit de 1999, ont décidé de bousculer la tradition et de travailler la terre, comme leurs maris disparus.
« À Krusha (un village du sud du Kosovo), la guerre a laissé de nombreuses veuves seules avec leurs enfants », explique à l'AFP Fahrije Hoti, une femme énergique de 40 ans. « Nous recevions une aide de secours, se souvient-elle, mais elle suffisait à peine à nous procurer du pain. » « Nous ne voulions pas vivre éternellement de l'assistance sociale car nous voulions donner une chance à nos enfants. » Aussi Fahrije décida-t-elle un jour avec quelques veuves de Krusha d'apprendre à s'occuper de la terre, comme l'avait fait son mari toute sa vie, une initiative proprement révolutionnaire dans une société encore très conservatrice et patriarcale. « Elles ont manifesté un instinct de survie extraordinaire, cassant les codes anciens » dans les campagnes, résume, admiratif, le sociologue Migjen Kelmendi.
Le défi était considérable. Il fallait apprendre à cultiver les champs mais aussi affronter les préjugés de la société kosovare albanaise qui ne voit pas souvent d'un très bon œil les femmes très présentes en public. Quant à prendre les fonctions d'un homme, cela relève pour beaucoup d'un comportement antisocial.
Krusha est situé aux confins méridionaux du Kosovo et réputé pour sa production de paprika, dont dépend la quasi-totalité de la population. Le village a été sérieusement touché par la guerre entre les forces de l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic et la guérilla des indépendantistes kosovars albanais. Le 25 mars 1999, juste après le début des bombardements de l'OTAN, les forces serbes font irruption dans le village. Les hommes sont séparés des femmes. Cent dix hommes, certains très jeunes, sont exécutés et leurs corps brûlés. Parmi les victimes de ce massacre, le mari de Fahrije, Bashkim. La tuerie de Krusha figurait dans l'acte d'accusation de Slobodan Milosevic lors de son procès devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, à La Haye. Fahrije se retrouve seule, avec sa fille Sabina, alors âgée de 3 ans, et son fils Drilon, trois mois. En 2001, avec dix autres veuves, Fahrije apprend à conduire un tracteur, à la stupéfaction générale du village. « Comment osent-elles ? » s'interrogeait-on à voix haute dans le village, raconte Fahrije. « Nous devions d'une part apprendre un travail très dur que nous n'avions jamais exercé et d'autre part convaincre le village que les veuves ne pouvaient plus vivre dans l'isolement. »
Fahrije crée bientôt une organisation non gouvernementale, « Les veuves de Krusha », qui réunit quelques années plus tard une soixantaine de veuves autour d'une coopérative. « Nous avons brisé un tabou », déclare non sans fierté Pranvera Spahiu, une assistante de Fahrije. Des donateurs étrangers s'intéressent aux veuves de Krusha. Elles reçoivent une aide pour leur formation. Graines et pesticides naturels leur sont fournis. Au fil des années, les revenus des veuves de Krusha se sont améliorés. Certaines, comme Fahrije, peuvent financer la reconstruction de leurs maisons détruites pendant la guerre, d'autres l'éducation de leurs enfants à Pristina. « Il a été extrêmement difficile de prendre la relève de mon mari », confie Advije Duraku, 45 ans, tout heureuse de voir son fils, Ardian, 19 ans, entrer à l'université de Pristina. Quant à Fahrije, elle s'est lancée dans la politique et a été élue au conseil municipal local, un pas de plus dans son émancipation. « C'était dur de prendre le rôle de mon mari, mais la pauvreté est plus dure encore, souligne-t-elle. J'étais une simple femme au foyer mais je crois que nous avons gagné notre combat. Je suis désormais l'égale des hommes. »
Dans les campagnes kosovares, la femme s'occupe des enfants et du foyer tandis que l'homme est aux champs, mais Fahrije, avec quelques amies, veuves comme elle depuis le conflit de 1999, ont décidé de bousculer la tradition et de travailler la terre, comme leurs maris disparus.« À Krusha (un village du sud du Kosovo), la guerre a laissé de nombreuses veuves...

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