Rechercher
Rechercher

Économie - Liban - Éclairage

La crise grecque, un avertissement fort pour le Liban

Au-delà de l'impact positif que pourrait avoir la chute de l'euro sur l'économie locale, la crise grecque a désormais mis à nu les faiblesses des pays largement endettés, parmi lesquels le Liban fait figure de proue.


Si le Liban semble pour le moment avoir échappé à la crise grecque, dont le risque de contamination continue de planer sur divers pays d'Europe et du bassin méditerranéen, le pays, qui croule sous le poids d'une dette colossale, a toutefois grand intérêt à méditer sur les causes de ce dérapage qui a fortement secoué l'Europe et sa monnaie unique.
Les cas libanais et grec présentent en effet de nombreuses similitudes ; avec une dette qui représente 150 % de son PIB (contre un pic de 180 % en 2006) et un déficit public qui ne cesse de se creuser et qui devrait s'élever à 11 % du PIB cette année, le Liban risque théoriquement de connaître le même sort que celui de la Grèce, dont un ratio de dette au PIB de 130 % a suffi pour faire plonger le pays, et avec lui toute la zone euro, dans le rouge.
Certes, l'établissement d'un simple parallélisme entre les deux pays n'est pas suffisant pour tirer des conclusions absolues, d'autant que l'entrée en jeu des fonds spéculatifs dans le cas grec, avec comme leitmotiv l'affaiblissement de l'euro, semble avoir joué un grand rôle dans le déclenchement de cette crise.
« Mais il s'agit d'un avertissement », souligne Paul Doueihy, directeur du centre de recherche économique à l'Université de Balamand. « Le Liban doit tirer une leçon de cette débâcle, d'autant que la situation financière de l'État grec dure depuis plusieurs années déjà (...). Rien n'empêche donc que le verdict tombe sur le Liban », a-t-il averti.
Pour éviter le scénario hellénique, le pays du Cèdre devrait donc doubler de vigilance et travailler davantage pour contrôler son déficit public et freiner l'accroissement de sa dette, dont le volume global a récemment dépassé le seuil des 52 milliards de dollars. Même si, en termes relatifs, celle-ci a largement reculé au cours des trois dernières années, grâce notamment à une croissance soutenue, elle reste parmi les plus élevées à l'échelle mondiale.
Dans ce contexte, le projet de budget 2010, soumis récemment par le ministère des Finances, ne semble pas être très rassurant. Le texte, qui exclut la hausse de la TVA pour des considérations sociales, prévoit en effet une détérioration des finances publiques, le déficit devant atteindre plus de quatre milliards de dollars - un plus haut historique.
Selon les analystes, le Liban ne peut plus miser uniquement sur le large soutien de la communauté internationale et de ses voisins arabes pour justifier ses dépassements, encore moins sur le fait de n'avoir jamais manqué d'honorer ses engagements par le passé, même si cela lui a valu dernièrement le satisfecit des principales institutions internationales et agences de notation mondiales.
« Cette crise est une sorte d'alerte à tous les pays largement endettés », souligne ainsi Paul Doueihy.

Risque de fuite de dépôts ?
En attendant, le Liban risque de pâtir indirectement de cette crise, estime de son côté le directeur du département de recherche à la Byblos Bank, Nassib Ghobril. « Une éventuelle hausse des spreads sur les Credit Default Swaps (CDS) risque en effet d'augmenter le coût de garantie de la dette souveraine », explique-t-il. Ces contrats de protection financière permettent aux détenteurs d'une dette de se protéger contre le risque de défaut de paiement propre à la partie endettée, en l'occurrence l'État. Le prix de cette « assurance » augmente généralement au fur et à mesure que le risque de défaut s'accroît.
« Les dépôts bancaires risquent en outre de subir une légère contraction, en raison de la fuite de l'argent spéculatif, qui tend depuis le déclenchement de la crise grecque à émigrer des économies émergentes », ajoute Ghobril.
Le directeur du département de recherche à la Byblos Bank exclut, par ailleurs, un effet domino sur le Liban, même si une réelle crise souveraine à l'échelle du continent européen venait à prendre forme. « Les banques commerciales ainsi que la Banque centrale sont les principaux créanciers de l'État libanais. Nous n'avons pas d'investisseurs institutionnels étrangers », explique-t-il, faisant allusion aux États, banques et institutions impliqués dans la dette grecque, qui risquent d'être ébranlés en cas de défaut de paiement.
Enfin, « même si les taux d'intérêt sur les bons du Trésor en devises (eurobonds) risquent d'augmenter légèrement, le Liban ne serait dans ce cas que légèrement affecté, aucune échéance importante de remplacement de dette n'étant prévue à l'horizon », ajoute-t-il.

Impact positif : la chute de l'euro
Malgré l'existence de tous ces risques potentiels, le Liban pourrait sortir gagnant de cette crise qui touche l'Europe, tout comme il avait paradoxalement profité, il y a presque deux ans, de l'éclatement de la bulle financière internationale. Bénéficiant à l'époque du statut de « terre de refuge », grâce à une résilience exceptionnelle de son secteur bancaire couplée à une accalmie sur le plan politique interne, le Liban avait en effet attiré de nombreux capitaux fuyant des marchés plus affaiblis que jamais. Aujourd'hui, la chute de l'euro, qui a récemment enfoncé le seuil des 1,30 face au dollar (malgré le rebond d'hier, au lendemain de l'annonce du mégaplan européen de sauvetage, voir p.9), pourrait profiter à l'économie libanaise, dont plus du tiers des importations proviennent d'Europe. « La thèse d'une poursuite de la baisse n'est plus à écarter, même si le taux pourrait connaître certaines fluctuations », assure à cet égard Paul Doueihy. Selon lui, l'impact sur le coût d'importation du Liban est certes important, mais il est à calculer avec précaution, d'autant qu'une bonne partie des commerçants locaux s'était déjà retournée vers les marchés américain et chinois, au lendemain de la flambée de l'euro. « Au-delà du facteur prix, la Chine dispose aujourd'hui d'une position compétitive à l'égard des autres marchés, ayant fidélisé de nombreux marchands », souligne-t-il.
Il n'en reste pas moins que cette dépréciation permettra aux agents de certains secteurs, où les produits européens demeurent largement prisés (à l'instar du secteur automobile), de bénéficier de marges plus importantes et d'offrir ainsi sur le marché des produits à des prix plus bas...
Quoi qu'il en soit, la crise grecque a de quoi faire frémir les pays largement endettés. Le Liban, qui a réussi - un peu par miracle - à échapper aussi bien à la crise mondiale qu'à la crise du Golfe en décembre dernier, ne devrait surtout pas dormir sur ses lauriers.
Si le Liban semble pour le moment avoir échappé à la crise grecque, dont le risque de contamination continue de planer sur divers pays d'Europe et du bassin méditerranéen, le pays, qui croule sous le poids d'une dette colossale, a toutefois grand intérêt à méditer sur les causes de ce dérapage qui a fortement secoué...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut