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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens

Lutte contre le trafic d’êtres humains : la Syrie ouvre son deuxième refuge pour femmes

La Syrie a promulgué, en ce début d'année, une loi très attendue par les organisations chargées de lutter contre le trafic sexuel et le trafic d'êtres humains en général. Signataire de la convention internationale contre le trafic humain, la Syrie ne disposait pas d'outils législatifs et juridiques pour faire face à ce fléau. Depuis le 10 janvier, et sans même attendre l'entrée en vigueur de la loi prévue dans le courant du mois, c'est chose faite, puisque les autorités ont ouvert à Alep le deuxième refuge pour femmes en Syrie. 

Le centre s’adresse à toutes les femmes, mais surtout aux réfugiées irakiennes à Damas. Des centaines de milliers d’Irakiens sont établis en Syrie, à l’instar de cette femme qui vient de voter, à Damas, lors des dernières législatives irakiennes organisées le 7 mars. Louai Beshara/AFP

En 2005, l'Office des migrations internationales (OMI) organisait, avec le concours du ministère syrien de l'Intérieur, un séminaire sur le trafic d'êtres humains, auquel étaient conviés des représentants du ministère des Affaires sociales ainsi que des représentants du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Ce séminaire donnait lieu à la mise en place d'une commission nationale syrienne chargée de préparer un projet de loi contre le trafic d'êtres humains. Une loi qui porterait un intérêt particulier aux femmes et enfants victimes de la traite des êtres humains.
La traite des êtres humains est un fléau particulièrement prégnant en Syrie en raison, comme le souligne le Dr Ibrahim Derraj, professeur de droit à l'université de Damas et membre de la commission nationale de lutte contre le trafic d'êtres humains, « de son emplacement géographique et d'une politique exemptant de visa d'entrée tous les ressortissants des pays arabes, y compris ceux de pays en guerre comme le Soudan et la Somalie ». Néanmoins, ajoute-t-il, « c'est le déclenchement de la guerre en Irak et le flux incessant de réfugiés que ce conflit a entraîné qui a donné des proportions inquiétantes au phénomène, et par conséquent, une visibilité accrue ».
Aujourd'hui, la communauté irakienne en Syrie est estimée à des centaines de milliers de personnes. Mais les Irakiens ayant franchi la frontière au cours des sept dernières années pour transiter par la Syrie vers un pays tiers ou qui sont retourné en Irak se comptent par millions.

Renforcement du statut de la victime
Pour Maria Rumman, présidente de l'OMI à Damas, la nouvelle loi sur le trafic d'êtres humains est une grande source de satisfaction. Et ce d'autant plus que « la loi a été promulguée par décret présidentiel », ce qui, pour cette femme qui a passé de nombreuses années à sensibiliser les autorités et la société civile au trafic d'êtres humains, « est une manière de signifier qu'il ne peut y avoir de débat sur une telle question ». Sur un plan plus pratique, il s'agit également de court-circuiter la bureaucratie parlementaire en facilitant et en accélérant l'application de la loi. Une loi, poursuit-elle, qui va enfin permettre de distinguer clairement les victimes des trafiquants. En effet, jusque-là, les prostituées arrêtées par la police étaient, quel que soit leur âge, envoyées en prison. Avec un traitement spécial toutefois, note Nadia, travailleuse sociale qui s'est rendue plusieurs fois dans ces lieux de détention, car « elles étaient totalement dissociées des autres détenus et bénéficiaient de soins médicaux, recevaient la visite du HCR et du Croissant-Rouge syrien ».
Avec la nouvelle loi, les femmes entrées clandestinement sur le territoire syrien ou se trouvant en situation irrégulière ne seront, en outre, plus poursuivies ou expulsées, mais protégées à partir du moment où elles seront reconnues victimes de trafic humain.
La loi prévoit enfin des peines de prison plus lourdes pour toute personne reconnue coupable d'activité criminelle ayant trait au trafic d'êtres humains ainsi que la constitution d'une brigade, placée sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, chargée de lutter contre les réseaux de trafiquants.

Un nouveau refuge
L'un des « outils » accompagnant cette loi est ce nouveau refuge pour femmes, qui a ouvert ses portes il y a quelques semaines à Alep. Un refuge financé par la Commission européenne à hauteur de 1,5 million d'euros pour une période de mise en œuvre de 18 mois.
L'ouverture de ce second refuge - le premier a vu le jour à Damas le 31 décembre 2008 - entre dans le cadre d'un programme de la Commission européenne d'aide aux réfugiés irakiens en Syrie, mais qui n'exclut pas les Syriens pour autant, précise l'un des responsables à la délégation européenne à Damas. Il s'agit, selon lui, « d'apporter une aide substantielle aux réfugiés, mais également de soulager la société syrienne de ce fardeau que constitue cette communauté de réfugiés forte d'un million et demi d'âmes ». Le refuge n'est en effet pas exclusivement réservé aux Irakiennes, même si elles devraient en constituer un important contingent.
Le refuge, dont l'ouverture a été saluée par l'ensemble des travailleurs sociaux et des ONG œuvrant dans le domaine des réfugiés irakiens, pourra héberger jusqu'à 30 pensionnaires, lesquelles pourront bénéficier d'une assistance médicale, psychologique et juridique. De plus, une formation professionnelle leur sera dispensée de manière à augmenter leur autonomie financière. Elles recevront également une aide pour constituer des dossiers d'immigration si elles souhaitent être réinstallées dans un pays tiers. Enfin, un retour en  Irak, pour celles qui l'ont quitté sous la contrainte, sera facilité. Mais uniquement si elles en font la demande.
Les enfants seront également admis jusqu'à l'âge de 14 ans. « Nombreux sont les enfants, raconte Nadia, qui sont enlevés en Irak et revendus en Syrie. Ils passent de main en main, ce qui multiplie les risques de mauvais traitements et d'abus sexuel. » Un trafic dont, bien souvent, sont responsables les milices irakiennes qui ont fait de ce « commerce » une source de revenus lucrative, selon Ola Ramadan, militante des droits de l'homme. Également en cause, en raison de la pauvreté, la précocité de l'âge auquel sont contractés certains mariages, lesquels exposent parfois de jeunes filles à des époux, au mieux malveillants, au pire crapuleux.
« Ce refuge, conclut un responsable de la délégation à Damas, nous semble particulièrement utile, car nous apportons là une réponse concrète à un problème grave, celui touchant aux personnes les plus vulnérables de la communauté irakienne, à savoir les femmes, souvent veuves, avec enfants en bas âge. »


*Europa jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBCI, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.
En 2005, l'Office des migrations internationales (OMI) organisait, avec le concours du ministère syrien de l'Intérieur, un séminaire sur le trafic d'êtres humains, auquel étaient conviés des représentants du ministère des Affaires sociales ainsi que des représentants du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Ce...