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Les assyriens venus d’Irak, ou la lente agonie des chrétiens d’Orient

Une école, une église et une histoire jalonnée de persécutions

Maroun Morakel devant le portrait de Mar Narsay Dibase, chef de la communauté assyrienne et archevêque du Liban, de Syrie et d’Europe, décédé la semaine dernière après une longue maladie.

À Sed el-Bauchrieh, l'école qui dispense des cours jusqu'à la classe de troisième et l'église du quartier assyrien de la localité sont dédiés à saint Georges qui, selon les légendes, apparaissait toujours durant les guerres - menées par les assyriens qui voulaient se défendre - à la tête de l'armée sur un cheval blanc. Le quartier abrite également l'archevêché assyrien du Liban.
Maroun Morakel, directeur financier de l'école Saint-Georges, raconte l'histoire du quartier construit durant les années trente. Ceux qui y sont arrivés fuyaient les massacres du 7 août 1933, quand environ 6 000 assyriens avaient été tués en une seule journée par les Kurdes, souligne-t-il, notant que la délimitation géographique de l'Assyrie est la même que celle de l'actuelle Kurdistan. « Nous avons été longtemps persécutés, par les Perses, les Ottomans... Au XIXe siècle, 750 000 personnes de la communauté avaient été massacrées. Nous avons aussi un patriarche, saint Benjamin, qui est mort en martyr assassiné par les Kurdes », dit-il.
Jusqu'à présent, les assyriens du monde entier rendent hommage, le 7 août de chaque année, à leurs martyrs. « Durant la Première Guerre mondiale, les Anglais nous avaient promis un territoire indépendant, une véritable patrie assyrienne. Nous les avions soutenus. Puis la guerre est finie et ce sont les Kurdes qui ont eu notre terre », dit-il.
Les assyriens ont commencé donc à quitter en masse leur terre d'origine après 1933. Cette même année, le siège du patriarcat a été transféré, provisoirement, aux États-Unis. Il y est toujours.
En 1933 donc, une partie des assyriens fuyant l'Irak s'est installée en Syrie et une autre est arrivée au Liban. En Syrie, les assyriens ont construit des maisons à proximité de Hassaké, à la frontière nord avec l'Irak, sur les deux rives du fleuve Khabour. Une autre partie est arrivée au Liban, sans s'arrêter en Syrie. Les membres de la communauté se sont installés dans cinq zones : à Ksara, où des terrains leur ont été octroyés par les Nations unies ; à Achrafieh, où un secteur à proximité de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu porte leur nom ; à Ras-Beyrouth ; à Sednay dans le caza de Baabda et à Sed el-Bauchrieh.
Évoquant le quartier assyrien de Baouchrieh, qui accueille le plus grand nombre de personnes de la communauté au Liban, M. Morakel affirme que « c'était toute une colline qui appartenait à une femme russe. Elle a vendu à crédit des terrains aux assyriens qui venaient au Liban pour y trouver un refuge. Le mètre carré coûtait 25 piastres. Ensuite, elle leur a offert un grand terrain afin qu'ils puissent construire une église et une école ». L'église dédiée à saint Georges a été construite en 1953 et rénovée il y a tout juste cinq ans, grâce aux fonds octroyés par des assyriens libanais vivant à l'étranger.
Parlant de l'école du quartier, il précise qu'elle dispense des cours jusqu'à la classe de troisième. Elle compte 150 élèves dont 100 appartiennent à la communauté. Une heure de cours de langue assyrienne est dispensée obligatoirement aux élèves de la communauté. Des stages de langue sont également assurés en été à ceux qui le désirent.

La dix-septième communauté
« Le fait de préserver la langue assyrienne est très important pour nous. C'est la seule manière d'affirmer notre appartenance. Dans nos familles, nous parlons assyrien. D'ailleurs nos enfants arrivent à l'école à l'âge de trois ans et ne connaissent pas la langue arabe qu'ils finiront par apprendre en classe », explique-t-il.
Comme les syriaques et les chaldéens, les assyriens refusent d'être assimilés aux Arabes. « Nous appartenons à une autre civilisation, à la Mésopotamie. Les Arabes sont venus bien plus tard », souligne le directeur financier de l'école.
Maroun Morakel raconte que les assyriens ont été reconnus au Liban en tant que communauté religieuse en 1968. « Nous sommes la 17e communauté », dit-il. Au Liban, il y a officiellement 18 communautés, elles sont classées suivant les dates auxquelles elles ont été reconnues. La communauté copte est la dix-huitième.
C'est donc en 1968 que les assyriens ont pu avoir un évêque au Liban. Avant cela, un prêtre était chargé des affaires de la communauté.
Actuellement, les assyriens comptent 4 000 électeurs sur les listes électorales libanaises, mais beaucoup d'entre eux se trouvent à l'étranger. La communauté compte aussi 75 000 fidèles à Chicago, siège provisoire du patriarcat depuis 1933, année marquant le massacre en Irak. La communauté est également établie en Suède, en Australie et en Amérique du Nord.
« Quand les assyriens avaient quitté l'Irak, au siècle dernier, ils voulaient y revenir. Ils croyaient que leur séjour au Liban et en Syrie serait provisoire. Mais ils ont su qu'ils ne pourront plus jamais revenir chez eux. D'ailleurs, il est connu que les assyriens portent leurs maisons sur le dos », affirme M. Morakel, donnant encore un exemple plus récent : « Avant 1993, l'Irak comptait deux millions de chrétiens, aujourd'hui ils ne sont plus que 400 000. En moins de dix ans, environs 50 % des assyriens ont quitté leur terre d'origine », dit-il.
« Le Liban reste notre seul espoir, à condition bien sûr que la situation du pays et de ses chrétiens ne se détériore pas davantage », souligne-t-il en conclusion.

À Sed el-Bauchrieh, l'école qui dispense des cours jusqu'à la classe de troisième et l'église du quartier assyrien de la localité sont dédiés à saint Georges qui, selon les légendes, apparaissait toujours durant les guerres - menées par les assyriens qui voulaient se défendre - à la tête de...