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Les assyriens venus d’Irak, ou la lente agonie des chrétiens d’Orient - Société

Les assyriens venus d’Irak, ou la lente agonie des chrétiens d’Orient

Ils sont environ un million d'assyriens dans le monde et ils sont tous originaires d'Irak, de l'antique Mésopotamie, disent-ils, soulignant que leur civilisation avait construit un empire. Aujourd'hui, un nombre important de cette vieille communauté chrétienne a quitté le Moyen-Orient, sa terre d'origine.

L’église Saint-Georges des assyriens a été construite sur un terrain appartenant à une femme russe.

Le quartier assyrien de Sed el-Bauchrieh abrite une église et une école de la communauté. C'est ici que les premiers assyriens fuyant les massacres en Irak en 1933 se sont installés.
Ce quartier a l'âge de la présence assyrienne au Mont-Liban. Plus d'un répètent ce que leurs parents leur ont déjà raconté concernant les périples vécus depuis leur départ d'Irak en 1933 : nos parents ont construit leurs maisons de leurs propres mains et ont vécu durant des dizaines d'années entourés de renards. Ce quartier était initialement un monticule boisé, appartenant à une femme russe, affirment-ils.
Ici, toutes les personnes croisées, installées à la première moitié du siècle dernier au Liban, savent de quelles régions elles sont originaires en Irak. Elles voient avec beaucoup de pessimisme l'avenir des chrétiens d'Orient. Et la plupart conviennent que « même au Liban qui a toujours été, grâce aux maronites, le refuge de tous les chrétiens de la région, les choses iront en se détériorant à l'avenir et les chrétiens se verront obligés de partir ».
Dans une épicerie à l'entrée du quartier, la vente et l'achat se font en langue assyrienne. Élias est propriétaire de ce fonds de commerce. Il est le seul de sa famille à être resté au Liban. Ses oncles ont émigré aux États-Unis, ses frères et sa mère sont en Australie alors que ses quatre enfants et sa femme vivent en Allemagne.
« Moi aussi je partirai, je vendrai ma maison et j'irai probablement en Australie chez mes frères », dit-il.
« Mon père est arrivé au Liban dans les années trente. Nous avons vécu ici jusqu'à la guerre du Liban. Nous nous sommes battus dans les rangs des milices chrétiennes et avec l'armée, qui en ce temps-là était divisée... Et puis, il y a eu la guerre entre le général Aoun et les Forces libanaises, une guerre interchrétienne, c'est à ce moment-là que j'ai décidé d'envoyer mes enfants et ma femme en Allemagne », ajoute-t-il, amer. « Avec la fin de la guerre du Liban, j'ai su que nous n'avions pas de place ici. Que le Moyen-Orient n'était pas à nous. Les chrétiens ne peuvent pas vivre dans l'insécurité et la violence, c'est pour cela que nous partons. » Il évoque encore les départs dans son quartier : « À chaque fois que je vois un chrétien qui part, c'est comme si je perdais un membre de ma propre famille. »

Le Liban pays-refuge
Effectivement, nombre d'assyriens se sont battus dans les rangs des milices chrétiennes pour défendre l'idée qu'ils ont du Liban. D'ailleurs dans le quartier, une place est dédiée aux « Martyrs de la communauté ». Mais ceux-ci ne sont pas morts au combat. Il s'agit de personnes d'un certain âge, tuées après avoir été touchées par des éclats d'obus tirés en 1976 à partir du camp palestinien de Tall el-Zaatar, situé non loin de là.
Yolla David, elle, ne partira jamais. Elle montre un immeuble : « Quand mon père est arrivé au Liban, il a construit une petite maison et puis, au fur et à mesure, nous l'avons agrandie. Nous étions les premiers à bâtir ce quartier. Il était exclusivement peuplé d'assyriens. Là, de plus en plus, il y a des étrangers qui s'installent à l'orée de la zone, des Kurdes et des gens originaires de la Békaa. »
Yolla a neuf frères et sœurs, la plupart établis en Australie et aux États-Unis. « Mes frères reviennent au pays de temps à autre. Ils ont tous construit des maisons au Liban. S'il n'y avait pas eu la guerre, ils ne seraient jamais partis, mais aussi s'ils étaient restés au Liban, ils n'auraient jamais trouvé de travail », dit-elle.
Elle est persuadée qu'il existe un plan pour vider les chrétiens du Moyen-Orient, et estime que cela est actuellement bien visible en Irak. Pourtant, elle ne quittera jamais le Liban, « qui restera un pays-refuge pour les chrétiens de la région ». Elle rêve aussi d'aller en Irak, au moins une fois, pour voir le pays de ses ancêtres. « Mais là-bas, il y a la guerre. À y penser, on a vraiment ras le bol de vivre au milieu des guerres dans cette région », martèle-t-elle.
Dans le quartier assyrien de Sed el-Bauchrieh, tout le monde est sensible à la situation en Irak.

Réfugiés irakiens
Il faut savoir que depuis la guerre d'Irak, le quartier est devenu le point de chute des réfugiés irakiens chrétiens, assyriens spécifiquement.
« Parfois, ils arrivent dans le quartier sans connaître personne. Ils savent juste qu'il y a un quartier peuplé de leurs coreligionnaires et qu'ils y seront bien accueillis », affirme Paul Rowell, président de la Ligue assyrienne. « Les assyriens d'Irak n'ont plus de place dans leur propre pays. Les Palestiniens, eux, ont encore un bout de leur terre. Nous, nous n'avons plus rien », dit-il.
Sargon Marokel, membre de la Ligue assyrienne également, évoque la situation précaire des réfugiés sans papiers. « S'ils ont un accident, ils ne peuvent même pas aller à l'hôpital... La communauté tente de placer leurs enfants gratuitement à l'école ou encore de les aider à trouver du travail. On leur trouve des emplois provisoires dans des usines, des menuiseries ou encore sur des chantiers », dit-il.
« Parfois, on recense dans le quartier quelque 800 familles de réfugiés par an, parfois 400 familles, tout dépend de l'intensité des combats en Irak et du degré de danger », explique Maroun Marokel, directeur financier de l'école assyrienne du quartier.
Ces familles restent de longs mois sans papiers, et bénéficient ensuite de cartes de réfugiés délivrées par le HCR de l'ONU. Plus tard, elles partent s'installer en Amérique ou en Australie et finissent ainsi par quitter définitivement le Moyen-Orient.

Le quartier assyrien de Sed el-Bauchrieh abrite une église et une école de la communauté. C'est ici que les premiers assyriens fuyant les massacres en Irak en 1933 se sont installés.Ce quartier a l'âge de la présence assyrienne au Mont-Liban. Plus d'un répètent ce que leurs parents leur ont déjà raconté...