Rechercher
Rechercher

Liban - Hors piste

Téhéran n’est pas seule

Le Liban étant ce qu'il est, c'est-à-dire une scène ouverte à toutes les influences et ingérences étrangères, les habitants de ce pays partagent largement une propension parfois agaçante à s'intéresser à tout ce qui se passe à travers le monde et à voir dans tout événement régional ou international un élément susceptible de provoquer un changement sur la scène locale. D'autant que les Libanais ont souvent une vision libanocentriste de la planète, qui les conduit à placer leur pays et son avenir au cœur de tout conflit international quelque peu médiatisé.
L'intérêt vif qu'expriment de nombreux Libanais pour le conflit actuel entre l'opposition iranienne et l'actuel gouvernement Khamenei-Ahmadinejad procède peut-être de cette grille de lecture souvent naïve des événements régionaux et internationaux. Mais dans ce cas, le libanocentrisme ne serait pas dans son tort. Car malgré la distance géographique et les convergences historiques qui séparent le Liban et l'Iran, les citoyens des deux pays ont vu leur sort quelque peu lié et leurs avenirs respectifs assez corrélés, depuis que la branche locale du mouvement khomeyniste est devenue l'un des principaux protagonistes politiques libanais, mais aussi la première - si ce n'est pas l'unique - force militaire locale, tout en s'imposant comme régente de l'État libanais.
Sauf que la sympathie et la solidarité que de nombreux partisans de l'intifada de l'indépendance ressentent pour l'opposition iranienne ne sont pas uniquement mues par l'espoir de voir la poussée hégémonique du khomeynisme au Liban et dans la région freinée par l'introduction de réformes démocratiques en Iran. Ceux qui ont brandi les drapeaux rouge et blanc à Beyrouth et ceux qui arborent aujourd'hui les foulards verts dans les rues de Téhéran ne sont pas uniquement proches en raison d'une convergence prosaïque d'intérêts, mais également par une dimension culturelle.
Nombreux sont ceux parmi les intellectuels locaux qui arguent que le Liban souffre suffisamment des ingérences étrangères pour que les Libanais s'immiscent dans les affaires d'autrui en rêvant de modernisation de systèmes politiques étrangers. Cependant, au-delà des inepties guévaristes et surannées de l'amitié entre les peuples, il est des liens culturels qui se tissent presque naturellement entre ceux qui, de par le monde, refusent la tyrannie, l'injustice et le totalitarisme, et qui concrétisent ce refus par une action politique courageuse et pacifique. Depuis les années 1940, les chutes successives de régimes totalitaires, qu'ils soient nationalistes, communistes ou autres, n'ont pas été une victoire, une avancée pour les seuls pays naguère martyrisés par ces régimes, mais pour toute personne qui, à travers le monde, se réclame de la tradition des Lumières et des paradigmes de la démocratie.
Alors que la société libanaise a vaincu au cours de la dernière décennie deux occupations tyranniques et est pleinement consciente des sacrifices habituellement payés par ceux qui s'opposent au totalitarisme et à l'autocratie, aucun démocrate de ce pays ne manquera d'être touché par ces citoyens, ces étudiants, ces intellectuels, ces militants iraniens de tout bord, islamistes ou laïcs, qui bravent tous les interdits de l'obscurantisme en investissant les rues de Téhéran pour exiger le changement et le progrès ; qui administrent au monde entier des leçons en matière de résistance pacifique à la répression, à la violence, aux pratiques miliciennes ; qui tentent de briser le silence et de démuseler les médias en mobilisant tous les vecteurs de la technologie moderne pour tenter de planter la modernité au cœur de leur pays ; qui profitent des rassemblements organisés par un pouvoir populiste pour contourner l'interdiction de manifester ; qui rejettent les promesses eschatologiques, les diktats théocrates, pour défendre leur bien-être citoyen ; qui prouvent que leur société est toujours vivante et dynamique, malgré trente ans de règne des mollahs ; qui enfin risquent la mort, l'emprisonnement et l'ostracisme simplement parce qu'ils réclament leurs droits les plus élémentaires.
Par contre, il serait compréhensible que de nombreux Libanais ressentent de la sympathie pour le pouvoir iranien parce que ce dernier les a soutenus dans leur lutte contre la barbarie et les agressions israéliennes. Mais ceux-là doivent dépasser cette réaction basique pour comprendre que leur liberté ne saurait justifier l'oppression d'autres peuples, que la défense de leur dignité ne peut occulter la violation des droits citoyens de l'entière population d'un pays et que les impératifs de la lutte contre Israël ne peuvent servir de prétexte à l'essor du totalitarisme, de la tyrannie et de l'obscurantisme dans la région. Une telle prise de conscience sera bien plus efficace face à Israël que mille missiles et autres horreurs pour lesquels Arabes et Iraniens dilapident leurs ressources et sacrifient le bien-être de leurs peuples.
Le Liban étant ce qu'il est, c'est-à-dire une scène ouverte à toutes les influences et ingérences étrangères, les habitants de ce pays partagent largement une propension parfois agaçante à s'intéresser à tout ce qui se passe à travers le monde et à voir dans tout événement régional ou...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut