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Économie - Liban - Interview

Azour : Le volet social occupe une place centrale dans le programme de Paris III

L'ancien ministre des Finances a affirmé dans un entretien avec « L'Orient-Le Jour » que le programme de réformes de Paris III est un « tout cohérent et indivisible », déplorant « une approche qui, dans l'ensemble, accepte les grands principes du programme, mais dans l'application essaie de s'en écarter au maximum ».

« L’on ne saurait maintenir la croissance à long terme sans réformer les secteurs de l’énergie et des télécoms, ou la CNSS », a averti Jihad Azour.

Trois ans presque jour pour jour après la tenue dans la capitale française de la conférence internationale de soutien au Liban, dite « Paris III », le programme de réformes profondes, structurelles et ambitieuses présenté par le gouvernement libanais aux donateurs étrangers lors de cette rencontre est pratiquement resté lettre morte. Ni le système fiscal n'a été modernisé et rééquilibré, ni les services sociaux n'ont été consolidés, ni la privatisation n'a progressé ou n'a même été discutée sérieusement, au-delà des discours idéologiques.
Au train où vont les choses actuellement, la menace aujourd'hui est que le programme de Paris III risque de connaître le sort de Taëf. C'est-à-dire de demeurer un document prometteur mais théorique, fréquemment invoqué d'une manière superficielle dans les médias, mais dont la concrétisation est systématiquement renvoyée aux calendres grecques.
Jihad Azour qui a été l'un des principaux architectes du programme de Paris III s'insurge contre cette menace d'enlisement. L'ancien ministre des Finances et actuel conseiller exécutif senior de Booz & Co que L'Orient-Le Jour a rencontré à l'occasion du troisième anniversaire de Paris III estime en effet que « l'on se trouve actuellement à un tournant qui présente une importance capitale car il y a une opportunité sérieuse et réelle d'accélérer le processus de réforme ». « Pourtant, en dépit de ce fait, la déclaration ministérielle nous a laissés sur notre faim car elle est dépourvue de projets de moyen terme alors que les conditions actuelles sont idéales pour envisager des réformes économiques, financières et sociales, regrette-il. Le nouvel équilibre politique qui prévaut en ce moment ne doit pas être à la fois la raison de la réduction de l'espace des libertés démocratiques et du blocage des réformes ! »
Jihad Azour estime que le programme de Paris III est « toujours valable et indispensable en matière de maintien de la stabilité économique, de stimulation de la croissance, de réforme du secteur public, Électricité du Liban (EDL) et télécoms en tête, d'assainissement des finances publiques et en matière d'aides et de services sociaux ». De plus, pour l'ancien ministre, la question de la validité du programme « ne se pose pas puisque l'abandon de Paris III portera atteinte aux intérêts du Liban, causera la perte de ressources financières précieuses et retardera les réformes ». « N'oublions pas que le coût moyen de la dette ne cesse d'augmenter, si l'on prend en compte dans son calcul le poids de la politique de stérilisation qui passe par un surendettement de l'État », prévient-il.

Un tout indivisible
Jihad Azour déplore en outre « une certaine vision trop réductrice » de Paris III, estimant que les réformes doivent avancer sur tous les fronts à la fois. « Le programme offre un ensemble de politiques cohérentes et complémentaires, précise-t-il. Il s'agit d'un projet global dont les mesures n'ont de sens que si elles se conjuguent ensemble. Je crains une approche qui, dans l'ensemble, accepte les grands principes du programme, mais dans l'application essaie de s'en écarter au maximum. Les états de grâce ne durent généralement pas longtemps dans le domaine économique et les réformes s'imposent d'urgence, à commencer par le domaine social ».
Or le volet de Paris III qui porte sur la réforme, la modernisation et la consolidation des services sociaux est souvent occulté aussi bien par les défenseurs acharnés de ce programme que par ses contempteurs. Jihad Azour, lui, rappelle que cette tranche du programme « est centrale et non pas secondaire ». « Une croissance à deux vitesses ouvre la voie à des décalages en matière de développement qui peuvent nourrir des dissensions politiques et communautaires et remettre en question les résultats des réformes, avertit-il. Il est d'autant plus urgent de lancer l'application du volet social de Paris III que le Liban a déjà entamé plusieurs réformes publiques dont le poids a été supporté par la société. D'ailleurs, les enquêtes sur les conditions de vie des ménages montrent que les indicateurs économiques qui ont un impact social ne se sont guère améliorés ».

Limiter l'interférence communautaire
L'ancien ministre explique à cet égard que l'idée du « Core Group » qui a chapeauté l'élaboration du programme de réformes était que « la dimension sociale (de ce dernier) ne doit pas se limiter à des mesures compensatoires des effets néfastes de l'ajustement des finances publiques ». « Le but du programme est d'ancrer un nouveau contrat social en œuvrant sur plusieurs axes à la fois : la justice sociale à moyen terme, les conditions de travail, la lutte contre la précarité, l'amélioration des services sociaux, la réforme du régime de solidarité sociale et notamment de la Caisse nationale de la Sécurité sociale (CNSS), la création d'un régime de retraite et la réforme du marché de l'emploi, explique-t-il. L'approche de Paris III en matière sociale repose sur le principe qu'il appartient à l'État et non aux communautés de se charger de la protection sociale et qu'il faut déconnecter le domaine social des interférences communautaires afin de s'aligner sur les Objectifs du millénaire pour le développement. Paris III vise à proposer une offre homogène de services sociaux en matière d'éducation, de santé, etc. ».

Les finances publiques
Quant aux autres volets de Paris III, Jihad Azour souligne qu'il faut profiter de la stabilité économique « qui permet de réduire les risques afin de stimuler la croissance et la prospérité et de renforcer le potentiel économique du pays à travers les réformes ». « L'on ne saurait maintenir la croissance à long terme sans réformer les secteurs de l'énergie et des télécoms qui sont les deux principaux vecteurs de la productivité, ou la CNSS dont les problèmes actuels entravent la création d'emploi », ajoute-t-il.
En ce qui concerne les finances publiques, l'ancien ministre estime également que la priorité en 2010 « doit être de réduire les dépenses étatiques qui ont connu une très forte progression en 2009 ». « Il ne faut pas réitérer ce dérapage qui a été maquillé par la croissance, ajoute-t-il. En parallèle, il faut privilégier les investissements dans l'infrastructure qui devraient reposer sur les financements concessionnaires de près de 5 milliards de dollars obtenus à Paris II et Paris III bien avant de solliciter les fonds bancaires. Ces financements revêtent en effet la forme de crédits à long terme dont les coûts sont relativement bas et qui ne génèrent pas de distorsions économiques telles que l'effet d'éviction. »
Interrogé enfin sur les éventuels alourdissements de la taxation qui sont évoqués actuellement dans la presse, Jihad Azour a mis l'accent sur le fait que « les mesures fiscales ne se justifient que si leur but est de réduire le déficit budgétaire et non pas pour financer des dépenses courantes ». « Dans ce dernier cas de figure, elles généreraient des pressions sociales tout en entravant la croissance », a-t-il conclu.
Trois ans presque jour pour jour après la tenue dans la capitale française de la conférence internationale de soutien au Liban, dite « Paris III », le programme de réformes profondes, structurelles et ambitieuses présenté par le gouvernement libanais aux donateurs étrangers lors de cette rencontre est pratiquement resté...
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