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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Coopération

Pour que le Liban ne devienne pas un dépotoir pour déchets radioactifs

Le projet vise à renforcer les infrastructures nationales pour le contrôle des frontières libanaises en ce qui concerne le mouvement transfrontalier des matières radioactives et à élaborer une structure de réponse nationale. Un projet dont l'impact s'étend aux domaines du commerce, de la sécurité et de la santé publique, le tout avec une vision globale à long terme.

 L’installation des portiques de détection a commencé et devrait être terminée prochainement.

Si le Liban n'est pas le pays qui vient immédiatement à l'esprit quand on aborde la question du nucléaire dans la région - question généralement traitée sous l'angle de la bombe atomique ou des énergies non polluantes -, l'utilisation et la demande de matières radioactives sont croissantes dans les domaines médical, industriel, scientifique ou dans la recherche. Et ce également au Liban. D'où une augmentation de la circulation transfrontalière de ces matières radioactives, potentiellement dangereuses. Les conséquences de ces mouvements incontrôlés de matières radioactives sont graves, car elles peuvent toucher plusieurs domaines, qu'il s'agisse de la santé publique, du commerce, de l'industrie ou encore de la sécurité nationale.
« Alors que tous les pays environnants sont en train de surveiller leurs frontières, le Liban reste à la traîne en ce qui concerne le contrôle des matières radioactives et nucléaires », dénonce Hélène Nasr, consultante auprès des douanes. Face à cette situation, les douanes libanaises ont tiré la sonnette d'alarme afin de mettre en œuvre un contrôle efficace relatif aux matières chimiques, bactériologiques, radioactives et nucléaires (CBRN). D'où la demande de l'administration des douanes auprès de l'Union européenne pour une aide dans ce domaine. « Il fallait renforcer les moyens de l'État libanais en matière de contrôle, de prévention et de protection en ce qui concerne les matières radioactives et nucléaires pour que le Liban ne devienne pas un « dépotoir pour les déchets radioactifs » (Radioactive Waste Disposal) », affirme-t-elle.
Ainsi naquit, en août 2008, le projet visant à « renforcer les infrastructures nationales relatives au commerce et au contrôle des frontières libanaises ». La gestion de ce projet est effectuée par la présidence du Conseil des ministres représentée par le PAO (Project Administration Office) alors que la mise en œuvre est assumée par l'AIEA (Agence internationale à l'énergie atomique) et le financement par l'UE qui a déboursé 2,1 millions d'euros.
« Il y avait un besoin à la base pour moderniser le système de détection et de contrôle aux frontières. Ce contrôle est fait en installant des portiques de détection de matières radioactives licites ou illicites, déclarées ou non », affirme Hélène Nasr.
Sur un autre plan, lors de mouvements transfrontaliers de ferraillerie ou de quincaillerie, il peut y avoir des pièces radioactives qui rentrent dans le pays par inadvertance. Ou bien des pièces radioactives qui quittent le Liban vers des ports européens qui, eux, peuvent détecter ces matières. Dans ce cas, le bateau est mis sur une liste noire et revient au Liban avec toute sa cargaison. « Ce qui peut entraîner des pertes économiques énormes pour les secteurs commercial et industriel libanais », explique pour sa part Marc Maouad, responsable du projet auprès de la présidence du Conseil des ministres. Selon lui, « le but principal du projet est la sauvegarde de la santé publique et du commerce, et non pas uniquement la détection d'armes atomiques ».
Le projet, soutenu par l'UE dans le cadre de la politique européenne de voisinage, comprend deux volets, développe Duccio Bandini, responsable du projet auprès de la Délégation de l'Union européenne au Liban. Le premier consiste en l'installation d'un réseau de détection des matières radioactives aux frontières. Le second, en l'établissement d'une infrastructure institutionnelle et d'une coopération entre les différents acteurs concernés pour renforcer les mécanismes de réponse nationaux. « La première partie vise, d'une part, les frontières légales aux postes de douane (ports, aéroports et passages terrestres) et, d'autre part, les régions tout au long de la frontière qui seront surveillées par des patrouilles des douanes, de l'armée et des FSI », affirme M. Maouad.
La seconde partie concerne l'élaboration d'une stratégie de réponse contre une éventuelle menace. « Elle dépasse le stade technique de la détection et vise une étude globale d'un plan concernant un danger radioactif, chimique, biologique ou nucléaire, dont la gestion est confiée à une équipe CBRN qui a une formation adaptée pour réagir à tout accident qui entre dans le cadre CBRN », explique-t-il. « Pour appuyer cette réponse, le projet fournit, d'une part, les équipements et l'entraînement nécessaires et, d'autre part, travaille à la création d'un plan d'action pour répartir les responsabilités entre les différents acteurs sur le terrain », comme l'armée, les FSI, la Sûreté générale, les douanes, la Sûreté de l'État, les pompiers, la Défense civile. Sans oublier la coordination entre les différents ministères et d'autres agences de support ou institutions de recherche comme la Commission libanaise de l'énergie atomique (CLEA) ou la Croix-Rouge libanaise (CRL).
Actuellement, la majeure partie du projet a été réalisée, puisqu'un grand nombre d'équipements ont été achetés. L'installation des portiques de détection a commencé et devrait être terminée prochainement. Les équipements portables des patrouilles sont déjà disponibles.
« La formation débutera durant le premier trimestre 2010, et le programme sera inclus dans le cursus de l'Institut des finances dans un but de vision à long terme, pour avoir une pérennité concernant ce sujet », déclare Marc Maouad. Les sessions de formation des formateurs sont déjà terminées, alors que le programme d'études est en cours d'élaboration.
« Ce projet a également été réalisé en coordination étroite avec d'autres projets déjà existants », insiste M. Maouad, ajoutant qu'« il s'agit d'un des rares projets où l'on travaille avec une approche globale ». Le comité d'élaboration du plan de réponse national a été créé par un décret ministériel pour réviser le plan existant élaboré par l'armée. Il prépare par ailleurs un projet pilote qui concerne un plan de réponse national incluant toutes sortes de catastrophes naturelles, épidémies, guerres et évidemment la menace CBRN qui fait partie de ce projet. Il émet en outre des rapports réguliers et des recommandations au Conseil des ministres.
« Il faut noter que ce plan est réalisé dans le cadre d'un plan d'action civil. Même l'armée libanaise joue un rôle de "civil responder" dans ce contexte qui concerne beaucoup plus la santé publique qu'un aspect purement militaire », explique Hélène Nasr. « Concernant la partie de décontamination et de réponse CBRN, l'entraînement a été offert par les Allemands, et l'équipe libanaise est actuellement en Allemagne », ajoute-t-elle.
Bien que l'application du projet soit déjà un élément très important, « l'enjeu principal tient toutefois en la vision à long terme issue de ce travail de longue haleine », insiste M. Maouad. Selon lui, il y a souvent des problèmes chez les bénéficiaires quant au suivi de certains projets après l'arrêt du soutien des donateurs. Dans ce cas, un effort a été fait pour créer une pérennité, un suivi continu, même après la fin du projet financé par l'UE. « Ce travail a été fait au niveau de l'entraînement d'équipes spécialisées et de la coordination entre les différents acteurs », ajoute-t-il. M. Bandini ne dit pas autre chose puisque, pour lui, l'apport majeur de ce projet est la création de « cette coopération entre les différentes agences dans le but d'arriver à une bonne coordination entre elles dans le domaine de réponse CBRN. Ce qui montre que la coopération entre les différentes agences pour une gestion intégrée de frontières libanaises est fort possible ».
Bien sûr, un suivi journalier a été nécessaire pour résoudre les résistances qui sont apparues. « C'est la partie la plus difficile, et nous pensons avoir relevé ce défi. » M. Maouad critique ainsi ceux qui gèrent un projet en réalisant uniquement la série d'activités établie à l'avance. « Il faut toujours rechercher l'impact du projet, ce qui a changé dans la vie des gens. Si toutes les activités ont été réalisées sans véritable changement, alors le projet n'a pas réussi. C'est dans cette vision que nous travaillons », conclut-il.

*Europa Jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBCI, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.
Si le Liban n'est pas le pays qui vient immédiatement à l'esprit quand on aborde la question du nucléaire dans la région - question généralement traitée sous l'angle de la bombe atomique ou des énergies non polluantes -, l'utilisation et la demande de matières radioactives sont croissantes dans les domaines médical, industriel,...