Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

La corruption, une fatalité ?

Joseph W. ZOGHBI
Un ministre de la République déclarait il y a quelques jours que le total des sommes payées en « bakhchiche » par les Libanais était de l'ordre du milliard de dollars. Une somme ahurissante qui, ramenée au chiffre officiel du nombre d'habitants au Liban (3,5 millions), est de 285 dollars per capita, qui, ramenée aussi au niveau d'un pays comme la France, serait de 18 milliards de dollars. Comment peut-on justifier que plus de 3 % du PIB du Liban part en « taxe » forcée pour pouvoir faire les formalités nécessaires dans les administrations ? Tout le monde crie au scandale de la corruption au Liban et le gouvernement ne fait rien pour l'endiguer.
En fait, tout est là pour l'encourager. Essayez donc de faire une formalité aussi banale qu'acheter une voiture d'une tierce personne. Arrivé au service d'enregistrement, c'est carrément la jungle. Tout est sens dessus dessous, le brouhaha est indescriptible, les citoyens qui veulent faire enregistrer leur voiture sont perdus, ils demandent aux autres personnes qu'ils croisent comment procéder, personne ne sait répondre car « les autres » ont déjà pris un « semsar, facilitateur » qui fait tout moyennant deniers  sonnants et trébuchants. En fait, il est impossible de faire autrement, sinon personne ne peut arriver à ses fins sans perdre son temps, sa santé et sa tête. Je revois cette autre façon de faire qui consiste à télécharger du site gouvernemental un acte de vente de véhicule ; de le remplir et de le signer par l'acquéreur et le vendeur. Étape suivante : le vendeur envoie une copie à la préfecture de police « service des immatriculations » pour information. Puis l'acheteur se rend à ladite préfecture où il est dirigé vers le service compétent. Là, il prend un numéro, s'assied dans une salle climatisée propre où les sièges sont confortables, attend que son numéro s'affiche, présente alors ses documents à un guichet muni de sièges, termine la première étape, prend un autre numéro, attend son tour pour payer et récupérer « sa carte grise » (la licence du véhicule), avant de sortir dans le parking où il y a un kiosque pour installer les nouvelles plaques, ce qui est fait en 10 minutes.
Toute la procédure est bouclée en une heure de temps. Pas de « semsar », pas de bousculade, pas de « bakhchiche ». Non, ce n'est pas un rêve ; c'est ainsi que cela se passe en France et  partout en Europe.
Je peux multiplier cet exemple à l'infini. Mais à quoi bon, le principe est le même partout. Les gouvernements libanais successifs ont négligé la dimension humaine dans la plupart des investissements et des actions de l'État. Rendre la vie facile aux citoyens n'était pas la première priorité et c'est le moins qu'on puisse dire. La santé, l'éducation, la culture et surtout la vie quotidienne des gens, qui s'en soucie ? J'ai même entendu un politicien en herbe dire récemment de sa plus belle voix que le gouvernement devrait se soucier de haute stratégie et de ne pas se perdre dans le quotidien, citant l'eau, l'électricité, etc. Comment peut-on ignorer ce qui fait le bien-être d'un peuple, à moins d'avoir des coursiers pour accomplir ses formalités ?
N'est-ce pas en organisant les ministères et les administrations qu'on enraye la corruption ? Je parle ici de la petite corruption. L'autre, la grande corruption, celle des grands marchés, il faudrait un miracle pour qu'elle soit enrayée. Il ne faudrait que quelques centaines de millions de livres libanaises, beaucoup de bon sens et un grain d'honnêteté pour que la vie quotidienne des citoyens soit facilitée sans avoir recours aux « facilitateurs ». C'est seulement alors que  l'individu se sentira respecté et saura que l'État fait quelque chose pour lui.

Joseph W. ZOGHBI
Un ministre de la République déclarait il y a quelques jours que le total des sommes payées en « bakhchiche » par les Libanais était de l'ordre du milliard de dollars. Une somme ahurissante qui, ramenée au chiffre officiel du nombre d'habitants au Liban (3,5 millions), est de 285 dollars per capita, qui, ramenée aussi au...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut