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Liban - Hors piste

Saada-Beyrouth

Il n'est pas certain que la guerre qui bat actuellement son plein au Yémen attise directement les tensions entre sunnites et chiites au Liban. Ce genre de conflits est en effet souvent perçu par le public libanais comme lointain, sans rapport avec la situation locale, et ne suscite guère les passions dans une rue plutôt focalisée sur des questions libano-libanaises.
D'ailleurs, même la guerre civile intercommunautaire qui déchire toujours l'Irak n'a pas provoqué de détérioration directe des relations intermusulmanes au Liban. Bien plus, les principales forces sunnites libanaises se sont retrouvées dans le même « camp » régional que les représentants des chiites d'Irak qui ont choisi de s'impliquer dans le processus politique, de collaborer étroitement avec l'Occident, les Nations unies et les États-Unis, et de s'opposer à l'influence, à l'ingérence iranienne dans leur pays. De son côté, le tandem Amal-Hezbollah a adopté un discours de soutien à la « résistance » irakienne qui est souvent le fait de parties sunnites fort hostiles au chiisme et à ses fidèles, abstraction faite de l'expérience avortée de Moqtada Sadr.
Il n'empêche que si les chiites et les sunnites du Liban ne sont guère enclins à se passionner pour le conflit yéménite, ce dernier ne manquera pas d'avoir des effets par ricochet sur la scène locale car ce sont les principaux parrains des collectivités locales qui se battent actuellement au sud de la péninsule arabique.
De deux choses l'une : soit le camp sunnite incarné par l'Arabie saoudite et le pouvoir yéménite l'emporte à Saada contre les houthis, ce qui constituerait un revers majeur pour l'Iran et revigorerait l'influence régionale des monarchies pétrolières arabes dans la région ; soit Riyad, Sanaa et leurs alliés régionaux échouent à éradiquer les partisans de Abdel Malek el-Houthi, ce qui déstabiliserait tous les régimes sunnites du Golfe en ouvrant la voie à une montée en puissance de l'activisme chiite dans la péninsule et en consolidant les positions régionales de l'Iran.
Les deux scénarios n'auront pas les mêmes conséquences au Liban. Le premier, c'est-à-dire la victoire du camp saoudien, contribuera à pousser Riyad et ses alliés régionaux et internationaux à tenter de remettre en cause le nouvel (dés)équilibre largement favorable au camp pro-iranien qui s'est instauré sur la scène locale depuis le 7 mai 2008. Ceci menacerait la trêve fragile qui prévaut depuis les législatives et ouvrirait la voie à une remise sur le tapis du dossier des armes du Hezbollah et donc à un regain de tension dans la rue, voire même à l'accroîssement de la probabilité d'une nouvelle agression israélienne contre le Liban.
Dans le cas contraire, la victoire des houthis contribuerait à pérenniser le statu quo qui prévaut depuis le 7 mai 2008, conforterait le Hezbollah dans sa stratégie et pourrait même le pousser à présenter de nouvelles revendications, de nouvelles exigences, à vouloir réaliser de nouveaux « exploits ».
Quelle que soit l'issue de l'énième guerre du Yémen, qui sera indubitablement l'un des facteurs déterminants de l'évolution de la conjoncture régionale, la formation du gouvernement dit d'union nationale et la rédaction de l'inutile déclaration ministérielle ne suffiront certainement pas à immuniser le Liban face aux répercussions majeures des événements proche-orientaux. Car, faut-il le rappeler, la situation locale est pour le moment gelée par décision des principaux protagonistes régionaux et internationaux et non définitivement réglée. Elle demeure susceptible de dégénérer suite à tout retournement de la conjoncture régionale, que ce soit du fait des retombées de la guerre du Yémen ou de tout autre événement d'ampleur suffisante, tant que les germes de la crise demeureront là. C'est-à-dire tant que le Hezbollah refusera de trouver une nouvelle formule qui puisse restaurer à l'État le pouvoir de décider en matière de guerre et de paix qui doit relever du ressort de l'ensemble des Libanais, quoi qu'en disent certains dans leur triomphalisme arrogant et d'autres dans leur défaitisme désespéré.
Il n'est pas certain que la guerre qui bat actuellement son plein au Yémen attise directement les tensions entre sunnites et chiites au Liban. Ce genre de conflits est en effet souvent perçu par le public libanais comme lointain, sans rapport avec la situation locale, et ne suscite guère les passions dans une rue plutôt focalisée sur des questions...
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