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Nos Lecteurs ont la Parole

Voulez-vous rêver avec « moa »

Par Louis INGEA
Lorsqu'un édifice branlant menace de s'écrouler, deux éventualités, d'apparence contradictoire, se présentent aux calculs de l'architecte en charge : consolider et moderniser la chose en essayant de respecter dans la mesure du possible le style, l'ambiance et l'atmosphère d'origine, ou, plus simplement, raser l'objet du délit et en édifier tout bonnement un autre, selon les nécessités du jour.
Il n'est pas difficile de deviner que mon caractère et ma formation intellectuelle penchent automatiquement pour la première des deux possibilités. J'y ai toujours souscrit dans mes projets professionnels et j'y ai toujours obtenu, fort heureusement, d'excellents résultats. Je n'imagine déroger à pareille règle que dans de rares cas désespérés.
Or, requérant de bien cruelles solutions, la vie ne cesse de nous infliger de bien lourds problèmes. Dont celui, magistral, du redressement de ce qui est censé nous être cher à tous : je veux parler de la Maison-Liban, une maison en état de délabrement avancé, risquant l'effondrement à tout moment... Nous voilà donc face à l'un de ces cas rares et aigus devant lequel, d'ailleurs, sainte Rita elle-même a déjà baissé les bras. Alors, au point où nous en sommes, pourquoi m'empêcher de rêver... et d'inviter mes compatriotes à me suivre, ne serait-ce que pour sourire au lieu de continuer à pleurer ?
Mon rêve ? Il est tout simple. Il opterait pour la démolition de notre maison libanaise telle que nous la connaissons. Rassurez-vous, cher lecteur, il ne s'agit pas d'anéantir les édifices que vous habitez en ce moment, quoique la plupart le mériteraient, tellement sont hideuses leurs façades et invraisemblable leur architecture. Mais d'annuler une fois pour toutes la Constitution (ô sacrilège !) de la république actuelle.
J'écris cela sans complexe. Le jeu de matraquage auquel nous sommes assujettis depuis trois décennies a déjà tout emporté, et la tragicomédie que nous continuons de nous jouer n'occulte que les réalités tronquées de nos danseurs sur la scène politique. Nous vivons dans le faux le plus vrai, et les nouvelles vagues nous arrivent plus radicalisées que ne l'ont été leurs aînées.
Car l'euphorie que provoqua la naissance de notre État en 1943 n'aura duré que l'espace d'un matin. Les faces rubicondes d'un Riad el-Solh, d'un Béchara el-Khoury ou d'un Magid Arslane ne pouvaient encore prédire, devant le satisfecit qui leur fut décerné, la lente et sûre dégringolade de nos mœurs politiques. Ils avaient sans doute omis de voir combien l'Oriental, fanfaron, rusé, désordonné et individualiste pouvait avoir courte vue. Et oublié qu'on ne bâtit pas une nation, non seulement sur deux négations, mais plus bêtement sur la gloriole et les grands mots. Le manque de culture au niveau de la masse aura fait le reste.
Je ne vais pas verser dans une vaine énumération des misères libanaises, trop connues pour avoir encore à nous en lamenter. Le point de rupture fut atteint, ne nous leurrons pas, dès 1975. Depuis lors, le démantèlement de ladite maison n'a plus cessé de sévir, sournoisement, officieusement, cyniquement. Bien sûr, je n'absous aucun de nos voisins du Nord ni du Sud, dont les visées gloutonnes et crétines n'ont jamais trompé personne.
Néanmoins, c'est aux Libanais que j'en veux. À ces concitoyens qui ne sont doués que des seules qualités de leurs défauts. Si l'obscurantisme et le fanatisme restent regrettables et compréhensibles chez certains, il n'en demeure pas moins que c'est la communauté chrétienne dans son ensemble qui endosse finalement la responsabilité du désastre.
Car c'est à ceux à qui il a été beaucoup donné qu'il est beaucoup demandé. L'enseignement du Nazaréen aura glissé sur le chrétien libanais comme l'eau sur les galets. Rapidement séchés au soleil des appétits matérialistes, de la cupidité et du je-m'en-fichisme, ils ont ressorti, en moins de temps qu'il ne faut pour l'analyser, toutes les tares génétiques de l'Oriental païen, tel qu'il fut avant l'apparition du Christ.

Prochain article : Plaidoyer pour une nouvelle Constitution
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