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Économie - Liban - Guerres du Golfe

Les pertes des Libanais en Irak : encore un dossier reporté aux calendes grecques

Quelque 125 sociétés libanaises attendent depuis 19 ans de recouvrer leurs dus en Irak sans que les autorités locales ne prennent la moindre mesure pour les aider à obtenir gain de cause.
Cela fait 19 ans que 125 sociétés libanaises attendent d'être remboursées, voire même entendues dans l'histoire de leurs pertes subies en Irak ; des pertes qui s'élèveraient à 176 millions de dollars. Mais d'abord, un retour en arrière pour un aperçu historique.
Retour sur un passé non dépassé : résolution 661 (1990).
Suite à l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990, les États-Unis avaient dirigé, avec le soutien de 34 pays et des Nations unies, une offensive sur l'Irak entre 1990 et 1991, détruisant tout espoir de viabilité économique et social. Parallèlement, les États-Unis avaient élaboré des sanctions économiques contre l'Irak, que le Conseil de sécurité a approuvées le 6 août 1990 (ironiquement, date du 45e anniversaire de l'attaque nucléaire américaine sur Hiroshima). Ainsi, la résolution 661 (1990) vit le jour.
Cette résolution, entre autres, sommait les États d'« (empêcher) l'importation sur leur territoire de tous produits de base et de toutes marchandises en provenance d'Irak ou du Koweït qui seraient exportées de ces pays après la date de la présente résolution ». Elle stipulait aussi que tous les États devraient s'abstenir de mettre à la « disposition du gouvernement irakien ou de toute entreprise commerciale, industrielle ou de services publics établie en Irak ou au Koweït des fonds ou toute autre ressource financière ou économique, et empêcheront leurs ressortissants et toute personne présente sur leur territoire de transférer de leur territoire ou de mettre par quelque moyen que ce soit à la disposition du gouvernement irakien ou des entreprises susvisées de tels fonds ou ressources, et de verser tout autre fond à des personnes physiques ou morales se trouvant en Irak ou au Koweït, à l'exception des paiements destinés exclusivement à des fins strictement médicales ou humanitaires, et, dans le cas où des considérations d'ordre humanitaire le justifient, des denrées alimentaires ».
Dans une lettre adressée le 16 juillet 2002 à tous les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, l'ancien Attorney général américain Ramsey Clark affirme que « ces sanctions sont la cause directe de la mort cruelle de plus d'un million de personnes ». Si la situation humanitaire est catastrophique, les pertes financières sont tout aussi flagrantes ; pour les Libanais, elles seraient de l'ordre de 176 millions de dollars.

Du blocus à l'invasion : le cas libanais
Suite à la résolution 661 du 6 août 1990 et du blocus économique imposé par les États-Unis, les actifs des Libanais en Irak ont été gelés par la Banque centrale irakienne (al-Rafidain Bank) et notamment par la branche libanaise de la banque. L'invasion américaine de 2003 apportant de nouvelles difficultés, plusieurs contrats qui avaient été signés entre des sociétés libanaises et des parties irakiennes n'ont pas débouché sur les paiements dus, même si certains projets étaient en phase de livraison. Certaines sociétés libanaises ont tenu leur part des accords qui avaient été signés avec l'accord de l'ONU, mais les instances irakiennes n'ont pas ouvert les lettres de crédit promises. De plus, les transactions de flux de marchandises sont restées impayées.
De son côté, l'État libanais n'a entrepris aucune démarche pour réclamer les droits des personnes physiques et morales qui avaient subi des pertes. Jusqu'à ce jour, aucun plan n'a été conçu pour tenter ne serait-ce que d'évaluer les pertes des citoyens libanais. Après la levée du blocus, la branche libanaise d'al-Rafidain avait reconnu, en 2004, certaines créances dues aux sociétés libanaises par le biais d'une lettre présentée à la direction générale de la Banque centrale irakienne et avait promis de dédommager les sinistrés. Cependant, la Banque centrale libanaise n'a pas suivi ce dossier avec al-Rafidain Bank, selon le président de l'Association des ayants droit libanais en Irak (Aadli), Abdel Wadoud el-Nsouli.

Une indifférence locale...
M. Nsouli a expliqué dans un entretien avec L'Orient-Le jour que « la Jordanie et la Syrie, dont certains de leurs citoyens se trouvaient dans le même cas, avaient voté un projet de loi qui gelait les actifs des Irakiens dans les deux pays et qui permettait ainsi de redistribuer ces actifs aux personnes concernées. L'Aadli avait présenté un projet de loi similaire à la Banque du Liban (BDL), au Conseil des ministres et à des parties spécialisées, mais le projet a été refusé », a-t-il indiqué.

... doublée de décisions internationales arbitraires ?
Toujours selon le président de l'Aadli, « en 2005, le Club de Paris avait supprimé 80 % des dettes irakiennes, exemptant ainsi l'Irak de rembourser la plupart des sommes qu'il devait ». Le Club de Paris, rappelle-t-on, est un groupe informel de créanciers publics formé par 19 pays développés qui en sont des membres permanents. Il s'agit de l'Allemagne, de l'Australie, de l'Autriche, de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l'Espagne, des États-Unis, de la Finlande, de la France, de l'Irlande, de l'Italie, du Japon, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Russie, de la Suède et de la Suisse. M. Nsouli souligne que « la décision du Club de Paris avait été prise sans consulter les parties concernées ».
Suite à cette exemption, le ministère irakien des Finances avait demandé à la société américaine Ernst&Young d'étudier les dossiers concernant la dette publique. La société de consulting avait réclamé 9,75 % des 20 % restants en paiement de ses honoraires. « De ce fait, il ne restait plus que 10,25 % à distribuer à tous ceux qui avaient subi des pertes », précise amèrement M. Nsouli, et « les personnes qui refusaient cet accord ne recevaient rien ».
L'ONU, quant à elle, a indiqué qu'il revenait aux autorités irakiennes de s'occuper des pertes subies par les Libanais.
Pour l'instant, rien n'a été fait si ce n'est présenter le dossier au président Michel Sleiman, et même si le président de l'Aadli promet de faire bouger les choses au Liban et en Irak, son appel à former un comité libano-irakien reste sans écho.
Cela fait 19 ans que 125 sociétés libanaises attendent d'être remboursées, voire même entendues dans l'histoire de leurs pertes subies en Irak ; des pertes qui s'élèveraient à 176 millions de dollars. Mais d'abord, un retour en arrière pour un aperçu historique.Retour sur un passé non dépassé :...
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