Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Humeur

Les démons de minuit

Par Nahi LAHOUD
Même le silence des politicards (eux qui jaspinent sans interruption) a un prix. Et le prix de ce silence effraie encore plus le citoyen que leur braillage nocturne. D'autant plus que le coma dans lequel « vit » le pays ne reflète aucunement une quelconque prochaine réanimation (même artificielle) entre les piailleurs. Au contraire, il accentue l'agonie intercommunautaire. Pourquoi, Hariri est-il irremplaçable ? Pourquoi doit-on impérativement former un cabinet de tous bords ? Pourquoi ne suit-on pas la voie de la démocratie (mon œil). Que la majorité (si elle existe) forme le gouvernement et que la minorité s'oppose. Ce sont là les vœux « pieux ».
De toute manière, les complications dans lesquelles s'est fourvoyé Saad Hariri l'ont mené dans une impasse (impaire et manque). Désigné depuis plus de 70 jours, il s'est amusé avec l'opposition désabusée qu'il a accusée d'être instrumentalisée, puis il s'est récusé, devant un chef de l'État médusé. Il a voulu jouer les apprentis sorciers en sortant de sa poche une formule ministérielle éclusée, tandis que son ami Joumblatt, atomisé, devenu colombe, cherchait à voler de ses propres zèles. De son côté le Istaz son allié (entendons-nous) ruminait sa colère, pour mieux jeûner comme il l'avait promis.
Sournoisement, Gemayel et Geagea faisaient le... mort pour en finir avec cette partie de bridge épuisante.
Je reste optimiste (pour une fois), tôt ou tard, le cabinet va voir le jour. Mais le Libanais continuera à bégayer, à boiter et à souffrir d'indigestions... « intestines ». Avant, le tourisme  ramadanien primait, les iftars se multipliaient, on faisait ripaille à gogo, et on s'invectivait après le dessert qui... dessert tout le monde en fin de compte, malgré les jérémiades journalières des citoyens. Il y a vacance de pouvoir depuis trois mois, car les responsables sont en vacances. C'est à ce moment qu'il est à craindre que les démons de minuit (profitant de ces « vacances »), ne se réveillent et se mêlent de la partie. Ces démons pourraient peut-être s'introduire dans les luxueuses demeures des responsables pour saboter leurs groupes électrogènes afin de les empêcher d'y voir clair, eux qui sont myopes déjà. Ces démons se verraient obligés de saboter les voitures de taxi et des transports en commun (de commun accord avec les anarchistes) pour bloquer les principales routes du pays. Les démons syndicaux pourraient aussi investir les stations d'essence pour empêcher les gens de se ravitailler en carburant, jusqu'à ce que le cabinet décide d'annuler la taxe sur l'essence, qui alimente et carbure les salaires et retraites des députés et ministres, et de leurs sbires. Est-ce que les démons du prolétariat renvverseraient toutes les tables des restos, cafés, pubs qui squattent les trottoirs de la capitale et déplaceraient les blockhaus qui protègent les résidences de ces gros bras ? Les démons de la téléphonie mobile pourraient intercepter les piétons pour leur arracher leurs portables, les détruire jusqu'à ce que les chaînes mtc et alfa se décident à effectuer les réparations nécessaires pour améliorer les réseaux, et déconnecter la station suspecte de Barouk ? Les démons de l'injustice pourraient même s'en prendre aux quelques juges embrigadés par le pouvoir. Les démons de l'architecture contemporaine seraient amenés à démolir toute construction illicite bâtie sur des propriétés privées et maritimes, à cerner les demeures des responsables pour récupérer toutes les pièces, statues, sarcophages et colonnes romaines « empruntées » au patrimoine libanais, et les rendre à... César, c'est-à-dire au Musée national. Que se passerait-il si les démons des dockers osaient interdire l'accès des cargos au port de Beyrouth, ou les avions à l'aéroport Rafic Hariri ? Les démons de la famine seraient aussi prêts à interdire aux gens d'aller faire des courses dans les supermarchés et les magasins de luxe. Pour ainsi dire les citoyens, empêchés par les démons du prêt-à-porter (de main), d'acheter des chaussures, ou des sous-vêtements, deviendraient-ils des va-nu-pieds ou des sans-culottes ? Que feraient les proprios des nites ou des pubs si les démons du fondamentalisme interdisaient la consommation de l'alcool et des boissons aphrodisiaques ? Ce serait pub... bien tout ça ! Que feraient les établissements scolaires et universitaires, si les démons de l'analphabétisme, faisaient mettre les cahiers au feu et tous les livres au milieu ? Quel genre d'intifada éclaterait dans les banlieux et les campagnes si on interdisait les narguilés, la cigarette ou le haschisch ? Quelle révolte « culturelle » nocturne si on empêchait les chantonneuses saisonnières de piailler la nuit au nom du tarab et du folklore ? Et qu'arriverait-il si on interdisait les toc-shows et les journaux « télévisualisés », se contentant de nouvelles de la météo, de la bourse des recettes de cuisine et des sobhiés chez la voisine ? On irait ainsi crier famine chez la Syrie voisine.
Il se peut que ce que j'élucubre relève de la schizophrénie ou de la paranoia. Ce n'est pas inexact, car nous vivons dans un asile d'aliénés, dirigés par des bouffons neurasthéniques qui ont la folie... des grandeurs. Pour ainsi éloigner ces esprits malins, il suffit de ne plus avoir le diable au corps, ou de saisir le diable par la queue. De cette façon, nous aseptiserons nos neurones et nous nous éthériserons les méninges, nous les pauvres... diables que nous sommes !
Même le silence des politicards (eux qui jaspinent sans interruption) a un prix. Et le prix de ce silence effraie encore plus le citoyen que leur braillage nocturne. D'autant plus que le coma dans lequel « vit » le pays ne reflète aucunement une quelconque prochaine réanimation (même artificielle) entre les piailleurs. Au contraire, il...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut