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Économie - Liban - Consommation

Le commerce équitable : une stratégie de marketing qui promeut les valeurs de solidarité

Tendance sexy et/ou mode d'engagement socio-économique, le commerce équitable se fraie lentement mais sûrement un chemin dans les habitudes des consommateurs libanais.
Le commerce équitable est une expression et une notion qu'on aurait tendance à assimiler à d'autres telles que « bio », « développement durable », « récupération », « économies d'énergie », « commerce solidaire », « économie sociale », etc. Véritable phénomène sociétal dans les pays du Nord, le commerce équitable tente depuis quelques années une percée sur le marché local.

Une définition
À cause du chevauchement de l'expression « commerce équitable » avec les termes précités, quatre des plus grandes structures du commerce équitable au monde se sont regroupées pour tenter de définir ce concept aux limites parfois difficiles à cerner et sont convenues que ce mode de commerce est « un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des travailleurs et des producteurs marginalisés, plus particulièrement au sud de la planète ».
Les trois principaux volets de cet échange sont donc : l'aspect commercial grâce aux aides techniques et financières, l'aspect éducatif à travers l'information et la sensibilisation des consommateurs et des producteurs, et enfin l'aspect politique qui se traduit par un engagement pour plus d'équité dans les règles et les lois commerciales. Véritable combat pour des échanges plus justes pour certains, « simple stratégie marketing » pour d'autres, il semblerait qu'une partie en tout cas de la nouvelle génération soit conquise.
C'est notamment le cas de Philippe Adaïmi, un des fondateurs de l'organisation non gouvernementale (ONG) Fair Trade Lebanon (FTL) ou Commerce équitable Liban, première et unique organisation libanaise jusqu'à présent à faire partie d'un réseau international certifié « commerce équitable ».

Retour en arrière
Au terme d'une visite au Liban-Sud en 2000, Philippe Adaïmi et des amis se mobilisent pour aider les producteurs de la région en mettant en place un système durable, tout en veillant à « ne pas créer des assistés, comme le font plusieurs ONG. C'est la fameuse formule du « Trade not Aid » (en français Échanger et non pas assister) », souligne le cofondateur de FTL.
Le principal obstacle au projet était que « les autorités privilégient le secteur tertiaire centralisé à Beyrouth aux industries du primaire et du secondaire souvent localisées en région », ajoute-t-il.
Il reste qu'un travail de terrain assidu se met en place pour repérer les coopératives agricoles soucieuses de faire partie de ce projet. Un éventail de produits « typiquement libanais » est sélectionné. « Au départ, nous avions mis sur le marché 15 produits, aujourd'hui nous commercialisons un peu plus de 50 produits : des confitures de fruits à l'huile d'olive, des condiments aux tisanes, en passant par des sirops, des céréales et des produits préparés », indique Philippe Adaïmi, ajoutant qu'un nouveau produit « prêt à manger », une purée d'aubergine (batenjein moutabbal/baba ghannouj), rejoindra bientôt le catalogue de FTL.

Des produits destinés à l'export
Après avoir convaincu des partenaires étrangers que les normes d'hygiène et de standardisation appliquées par le réseau de coopératives avec lesquelles FTL œuvre étaient du niveau requis, l'ONG intègre un réseau de commerce équitable international. Son partenariat avec l'organisation française engagée dans la diffusion des saveurs du terroir produits dans le respect des règles du commerce équitable, Artisanat Sel, lui permet alors de commercialiser ses produits sous le label « saveurs équitables/terroir du Liban ».
« Nos produits sont actuellement en vente dans 550 points de vente au Canada et en Europe », explique non sans fierté Philippe Adaïmi.
Mais pourquoi pas au Liban ?
Le directeur de FTL explique que son réseau « ne stocke pas de produits et travaille par commande ». « De plus, en vendant leurs produits au Liban, les producteurs entreraient en concurrence avec eux-mêmes », note-t-il.
Cependant, FTL envisage de commercialiser ses produits dans « 3 ou 4 points de vente au Liban ».

Stratégie marketing ou solidarité engagée ?
Il reste que malgré les aspects positifs précités, le commerce équitable fait l'objet de plusieurs critiques, dont celle d'être une stratégie marketing dépendante du pouvoir des consommateurs des pays du Nord (Christin Jacquiau, Les coulisses du commerce équitable : mensonges et vérités sur un petit business qui monte, Mille et Une Nuits, 473 pages, 17 mai 2006).
Répondant à ces critiques, Philippe Adaïmi estime qu'« il faut bien évidemment répondre aux goûts des consommateurs, autant en matière de goût que de packaging, afin de fidéliser la clientèle ». « D'ailleurs, nous avons opté pour une approche segmentée qui prend en considération les besoins et envies des différents pays, a-t-il poursuivi. Et puis, pourquoi critiquer les stratégies marketing si elles réussissent à améliorer la vie des producteurs en payant des salaires justes, à valoriser le travail des femmes et à respecter les conventions des droits de l'enfant ? »

Réseaux de sensibilisation
Soulignons par ailleurs que le commerce équitable au Liban n'est pas monopolisé par FTL, comme le rappelle le cofondateur de l'ONG. D'autres organisations œuvrent pour le développement de cette activité sur le plan local. C'est notamment le cas de Collective for Research and Training on Development Action (CRTDA), une ONG locale qui œuvre en faveur des droits de la femme en matière d'égalité face aux lois de la nationalité et de création d'opportunités économiques. Zeina Hachem, directrice marketing, a indiqué à L'Orient-Le Jour que le CRTDA avait déjà organisé deux séminaires axés sur le commerce équitable en l'espace d'un an.
Durant ces rencontres, « les productrices avaient été initiées aux normes de labellisation et aux méthodes de contrôle des qualités d'hygiène agroalimentaire », a précisé Zeina Hachem.
Cette ONG, qui travaille avec 30 coopératives agricoles de femmes au Sud et dans la Békaa, centralise à peu près 100 produits traditionnels dans une boutique à Beyrouth. Même si elle n'a pas obtenu de certification officielle « commerce équitable », la directrice du marketing a souligné que la « CRTDA pratique des prix symboliques afin de promouvoir les valeurs d'équité ».
Le commerce équitable est une expression et une notion qu'on aurait tendance à assimiler à d'autres telles que « bio », « développement durable », « récupération », « économies d'énergie », « commerce solidaire »,...
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