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Nos Lecteurs ont la Parole

Taëf a du bon

Michel ROUVIÈRE
Dans votre numéro du vendredi 25 septembre, à la rubrique « Opinion », M. Wassim Henoud voue aux gémonies l'accord de Taëf, base de la Constitution actuelle, qu'il compare à celui du Caire. Ces deux accords seraient la source de tous nos maux ; l'un conduisant à la guerre de 1975, l'autre nous obligeant à vivre dans la confusion actuelle. Ce n'est pas le seul.
Le temps passe ! Hélas, dit le poète. Pour les accords du Caire 1969, quoique maintenant j'aie mon opinion, due à mon cœur d'ajouter au savoir historique, je n'étais pas au Liban, mais à Toulouse sans connaître le Liban, mais sachant que Beyrouth était une ville d'agents secrets phantasmés ; « Bey, bey à Beyrouth » à côté de « Cinq gars pour Singapour ». Aussi pour les accords de Taëf, je ne pouvais pas m'empêcher de me questionner de savoir si M. Wassim Henoud avait vraiment vécu au Liban les sinistres années 1988, à partir d'août, 1989 et 1990 jusqu'au samedi 13 octobre. Tandis qu'un nouveau printemps angélique se levait à l'est de l'Europe, le pays du Cèdre vivait des années diaboliques. Durant ces années, quel homme vraiment actif pour le Liban n'a pas varié ? Il suffit de relire les brèves éphémérides pour en saisir tout le vertige. Jamais le proverbe « Les dieux rendent fous ceux qu'ils veulent perdre » n'a été si bien illustré... à travers des larmes de colère et du sang.
Une liste de dix présidentiables demandée au patriarche puis récusée quand son nom n'y est pas. Une « guerre de libération » déclarée avec des mots excessifs tout en restant assis dans les sous-sols du ministère de la Défense, avec pour instruments l'artillerie. Une « victoire » qui n'était pas encore divine, où le président de l'Assemblée, le sage Hussein Husseini, reconnaissait, mises à part les destructions, que « fondamentalement, les positions politiques n'avaient pas changé ». Pendant ce temps, les parlementaires élus de 1972 qui avaient résisté au temps et à 13 ans de guerre civile étaient sommés de la manière la plus impérieuse « de recueillir les fruits » de la fameuse victoire. Rapidement, les accusations de « corruption » furent suivies de la menace de « la colère du peuple ». Alors l'on vit ce spectacle lamentable de ces hommes d'un âge certain, politiciens d'expérience, ne pas pouvoir se réunir sur le territoire de leur pays, allant de l'hôtel Royal de Paris à une oasis du fin fond de l'Arabie saoudite.
Parfois les grands politiciens doivent, dans leur personnalité, avoir des défauts bien marqués. L'orateur et le stratège m'avaient laissé un goût d'insatisfaction, mais enfin... Toutefois, cette incapacité à s'entendre avec la classe traditionnelle des politiciens libanais me fait faire un pas ferme vers la méfiance. Je sais qu'il est de convention d'en dire beaucoup de mal. Cependant, si vous regardez le nombre d'élus et de hauts fonctionnaires qui acceptèrent de rester au pays malgré la menace de mort puis la mise en exécution cyniquement, je ne vois pas beaucoup de pays pouvant rivaliser avec le Liban. En nombre de cercueils d'assassinés, le Parlement libanais doit être un des premiers dans le monde.
Voilà dans quelle atmosphère de passions exaspérées fut construit l'accord de Taëf. Nous n'étions ni au soir du soleil d'Austerlitz ni sur les bords d'une eau tranquille prêtant à la méditation sur le droit constitutionnel comparé.
Faut-il ajouter un paragraphe sur la manière dont cet accord fut accepté parmi la partie libre du Liban ?
Ce fut dans le même ordre... mais en pire !
En faisant miroiter l'espérance d'un pays « propre », on se mit à salir tout ce que, dans la guerre civile, l'autre résistance, à mon goût la seule et la vraie, avait tant bien que mal sauvé. Puis il y eut une tentative de coup d'État interchrétien maronite, ratée évidemment, dont il ne demeura que les accusations les plus odieuses. Elles restent d'ailleurs encore auprès de certains esprits envieux et amers.
Cette descente aux enfers devait se poursuivre avec la tentative de division de l'Église maronite, le bas clergé contre sa hiérarchie. Dans sa grande sagesse, le patriarche maronite, progressivement, maintint l'acception de cet accord de Taëf « pouvant s'améliorer dans sa pratique » comme beaucoup de Constitutions.
Pour gagner « l'homme fort des chrétiens », la communauté internationale lui fit des ponts d'or. Heureusement, enfin la Providence intervint, il refusa. Alors cette même communauté accepta avec réluctance que les Forces libanaises rentrent dans l'accord de Taëf. Il leur était interdit d'entrer dans le Metn en franchissant Nahr el-Kalb bouché.
Enfin, si je puis dire, ce fut le Metn qui fut « libéré » à la place du Kesrouan. Ainsi, la Providence nous fit la grâce d'éviter de voir des chars syriens libérateurs sur le parvis de Bkerké. Pour le tableau de la présidence de Baabda, je laisse la description à d'autres talents.
Voilà comment se fit l'application des accords de Taëf.
Que Dieu nous épargne une nouvelle Constitution, application comprise !

Michel ROUVIÈRE
Dans votre numéro du vendredi 25 septembre, à la rubrique « Opinion », M. Wassim Henoud voue aux gémonies l'accord de Taëf, base de la Constitution actuelle, qu'il compare à celui du Caire. Ces deux accords seraient la source de tous nos maux ; l'un conduisant à la guerre de 1975, l'autre nous obligeant à vivre...

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